AVERTISSEMENT DE L'EDITION DE 1803. La première édition des Pensées de Pascal, donnée en 1670, et les nombreuses réimpressions qui en furent faites tant en France qu'en Hollande, n'étoient pas complètes, parce que les premiers éditeurs, par la crainte d'irriter les jésuites, alors tout puissants, et aussi pour ne rien publier qui pût être interprété au désavantage du jansénisme, avoient supprimé un grand nombre de Pensées, et même des morceaux entiers d'une assez grande étendue. Celle que publia Condorcet, en 1776, en un volume in-8°, sous la date de Londres, sans nom déditeur, avec un éloge de Pascal et des notes philosophiques, et que Voltaire fit réimprimer deux ans après à Genève, en y ajoutant une préface à la louange de Condorcet et ses propres notes, n'est qu'un choix contenant à peine la moitié des Pensées de Pascal; choix fait dans des vues particulières que les notes font suffisamment connoître. On a prétendu que, dans son édition, Condorcet avoit altéré le texte de Pascal, et qu'il l'avoit chargé de nombreuses interpolations 1. Les Pensées inédites qui s'y trouvent imprimées pour la première fois sont véritablement publiées d'après les manuscrits originaux 2, et font indubitablement partie de celles que les premiers éditeurs n'avoient pas cru devoir adopter mais on ne peut disconvenir que deux ou trois passages ne ́se trouvent imprimés dans cette édition d'une manière qui n'est pas d'accord avec les manuscrits, ni avec les éditions antérieures. J'ai fait mention de ces différences dans le cours des notes qui terminent le second volume de la mienne. L'édition de Condorcet, considérablement mutilée, avoit au moins l'avantage inappréciable d'une classification aussi claire que celle des précédentes étoit confuse et embrouillée. "Voyez sur cela le second avertissement. 2 C plutôt elles sont prises dans le Supplément du P. Desmolets. Les premiers éditeurs avoient bien essayé de mettre quelque ordre dans les papiers qu'ils trouvèrent pêle-mêle après la mort de Pascal, mais la tâche fut peut-être trop forte pour eux, et leur division par chapitres ne fit qu'augmenter la confusion, en ce que, sous un même intitulé, sont souvent réunies des Pensées qui n'ont de rapport ni entre elles, ni avec le titre sous lequel elles sont classées. Condorcet, l'un des hommes les plus en état d'être éditeur de Pascal, soit qu'on le considère comme philosophe, ou comme géomètre, sut débrouiller ce chaos, et disposer son édition dans un ordre tel qu'on seroit tenté de le croire celui que Pascal eût adopté lui-même. M. Bossut préparant, en 1779, la première et la seule édition complète qui ait jamais été faite des OEuvres de Pascal, voulut que le rccueil de ses Pensées fût enfin publié avec une fidélité impartiale. Etranger aux motifs qui avoient déterminé les premiers retranchements, et à ceux qui avoient dirigé Condorcet et Voltaire dans leur choix, ce savant distingué autant qu'habile éditeur, conféra soigneusement |