en nous la même série d'images, provoqueront en nous cependant le même sentiment qu'elles expriment, bien que la ressemblance ne soit pas appréciable aux sens et qu'elle soit occulte et dépassant la portée de l'entendement. La nature est une combinaison infinie et une perpétuelle répétition de quelques lois. Avec d'innombrables variations, elle chante le vieil air si connu. Une sublime ressemblance de famille brille à travers toutes les œuvres de la nature. Elle se plaît à nous étonner par cette ressemblance dans les lieux les plus inattendus. J'ai vu la tête d'un vieux sachem de la forêt qui rappelait à l'esprit le sommet d'une montagne escarpée, et dont les rides qui couvraient le front ressemblaient aux fentes des rochers. Il y a des hommes dont les manières ont cette même essentielle splendeur que nous admirons dans les simples et adorables sculptures des frises du Parthénon et dans les œuvres de l'art grec primitif. L'on peut trouver dans les livres de tous les âges des compositions de même nature. Qu'est-ce que l'aurore aux doigts de rose du Guide, sinon une pensée du matin, de même que les chevaux de cette peinture ne sont qu'un nuage du matin. Si nous voulons prendre la peine d'observer les actions auxquelles nous sommes portés dans certains moments et par certaines humeurs de pensée, et les actions pour lesquelles nous avons de l'aversion, nous comprendrons combien profonde est la chaîne de l'affinité qui réunit toutes choses. Un peintre me disait qu'il était impossible de dessiner un arbre sans devenir soi-même en quelque sorte un arbre. Il me disait encore qu'il était impossible de dessiner un enfant en étudiant simplement les lignes de son corps; mais qu'en observant pendant un certain temps ses mouvements et ses jeux, alors on pénétrait dans les secrets de sa nature, et on pouvait à volonté le peindre dans toute espèce d'attitudes. J'ai connu un dessinateur employé à l'arpentage public qui ne pouvait dessiner les rochers que lorsqu'on lui en avait expliqué la structure géologique. La conclusion qu'il faut tirer de tous ces faits est celleci : Que la commune origine d'œuvres complétement différentes consiste dans un certain état de l'esprit. C'est l'esprit qui est identique et non pas le fait. C'est en descendant bien bas dans les profondeurs de l'âme et non pas en acquérant péniblement quelques habiletés de métier que l'artiste peut arriver à imprimer à d'autres âmes une activité déterminée. Il a été dit que les âmes communes payent avec ce qu'elles font, les âmes nobles avec ce qu'elles sont. Et pourquoi cela? parce qu'une âme vivant au sein des profondeurs de l'être réveille en nous, par ses actions et ses paroles, par sa physionomie et ses manières, la puissance et la beauté qu'une galerie de sculpture ou de peinture a coutume d'enflammer en nous. L'histoire civile, l'histoire naturelle, l'histoire de l'art, l'histoire de la littérature, toutes doivent être expliquées par l'histoire individuelle ou demeurer des mots. Il n'y a rien qui ne se rapporte à nous, rien qui ne nous intéresse; le royaume, le collége, l'arbre, le cheval, les racines de toutes ces choses sont dans l'homme. C'est dans l'âme que l'architecture existe. Santa Croce et le dôme de Saint-Pierre sont de faibles copies d'un idéal divin. La cathédrale de Strasbourg est la contre-partie matérielle de l'âme d'Erwin Steinbach. Le vrai poëme est l'esprit du poëte; le véritable vaisseau est le constructeur du vaisseau. Si nous pouvions voir dans l'intérieur de l'homme, nous y trouverions comme la raison suffisante des plus petites fibres et des derniers muscles de son œuvre, de même que chaque épine et chaque couleur de la coquille marine préexistent dans les organes de sécrétion du poisson. Tout le blason et toute la chevalerie consistent dans la courtoisie. Un homme de belles manières, en prononçant votre nom, lui donnera tous les ornements qu'aucun titre de noblesse n'aurait jamais pu lui donner. La triviale expérience de chaque jour réalise sans cesse quelque vieille prédiction, et change en objets concrets les mots et les signes que nous avions écoutés et regardés étourdiment. Laissez-moi ajouter quelques exemples de l'espèce de ceux qui tombent sous l'observation de chaque homme, et me servir de faits vulgaires pour mettre en lumière des faits grands et solennels. Une dame, en compagnie de laquelle j'allais à cheval dans une forêt, me disait qu'il semblait que les bois étaient toujours dans l'attente, comme si les génies qui les habitent eussent suspendu leurs actions jusqu'après le départ du voyageur. Cette pensée est précisément celle que les poëtes ont célébrée dans la danse des fées, qui cesse à l'approche d'un pied humain. L'homme qui a vu la lune sortir des nuages à minuit, a été comme un archange présent à la création de la lumière et du monde. Je me rappelle que, me promenant un jour d'été, mon compagnon me montra un grand nuage qui, pendant un quart de mille, pouvait s'étendre parallèle à l'horizon, et qui avait tout à fait la forme d'un archange, tel que nous les voyons peints dans les églises; au centre il y avait une masse ronde qu'il était aisé d'animer avec des yeux et une bouche, soutenue de chaque côté par de larges ailes symétriquement étendues. Ce qui apparaît une fois dans l'atmosphère peut reparaître souvent, et sans doute ce fut là l'archétype de cet ornement familier à nos peintures. J'ai vu, dans le ciel, une chaîne de lumière divine qui me révéla que les Grecs s'étaient inspirés de la nature lorsqu'ils ont peint le tonnerre dans les mains de Jupiter. J'ai vu, le long d'un mur, un monceau de neige qui donnait très-clairement l'idée de l'architecture de la volute qui doit terminer une tour. En nous jetant au milieu de nouvelles circonstances, nous inventons continuellement sur de nouveaux frais les ordres et les ornements de l'architecture, et nous surprenons les méthodes suivies par chaque peuple pour décorer ses primitives habitations. Le temple dorien présente quelque ressemblance avec les cabanes de bois dans lesquelles vivaient les Doriens. La pagode chinoise n'est qu'une tente tartare. Les temples indiens et égyptiens trahissent les formidables remparts et les demeures souterraines des anciens habitants de ces pays. « La cou«tume de creuser des tombeaux et des maisons dans le << roc, dit Heeren dans ses Recherches sur les Éthiopiens « détermina naturellement le principal caractère de << l'architecture nubienne et égyptienne, c'est-à-dire les << formes colossales que revêtit cette architecture. Dans « ces cavernes déjà préparées par la nature, l'œil était « accoutumé à se reposer sur de larges formes et sur << des masses, si bien que, lorsque l'art vint pour assister « la nature, il ne put pas se mouvoir sur une petite << échelle sans se dégrader. Quelle figure auraient faite «<les statues de grandeur habituelle et les pratiques or<< dinaires dans ces salles dont des colosses seulement << pouvaient garder l'entrée ou soutenir les piliers in<< térieurs. >> L'origine de l'église gothique consiste dans la représentation d'une forêt ornée de tous ses bourgeons au moyen d'une arcade en pierre, solennelle ou joyeuse. On ne peut se promener sur une route ouverte dans un bois de pins sans être frappé de l'apparence architecturale du Bosquet, surtout en hiver, alors que la stérilité des autres arbres laisse apercevoir l'arche basse des Saxons. Dans les bois, pendant une après-midi, on surprend l'origine des fenêtres coloriées dont sont ornées les églises gothiques, dans les couleurs du ciel occidental aperçues à travers les branches nues et entrecroisées de la forêt. Aucun amant de la nature ne peut entrer dans les vieux édifices d'Oxford et dans les cathédrales anglaises sans sentir que l'idée de la forêt a tellement dominé l'esprit. du constructeur, que son ciseau, sa scie et son rabot en reproduisent encore les fougères, les têtes des fleurs, les sauterelles, les pins, les chênes, les sapins. La cathédrale gothique est une floraison en pierre, ordonnée avec cet insatiable besoin de l'harmonie qui est dans l'homme. Cette montagne de granit s'ouvre en une fleur éternelle avec la légèreté et le fini délicat, aussi bien qu'avec les proportions aériennes et la perspective de la beauté végétale. De la même façon, tous les faits publics doivent être individualisés, et tous les faits privés doivent être généralisés. L'histoire devient ainsi fluide et vraie, la biographic profonde et sublime. Par la même raison pour laquelle les Persans imitaient, dans les flèches légères et dans les chapiteaux de leur architecture, la tige et la fleur du lotus et du palmier, la cour de Perse, dans son ère la plus magnifique, n'oublia jamais l'état nomade de ses tribus barbares, mais voyageait d'Ecbatane, où elle passait le printemps, à Suze, où elle habitait l'été, et à Babylone, où elle séjournait l'hiver 1. Dans l'histoire primitive de l'Asie et de l'Afrique, l'état nomade et l'agriculture sont les deux faits antagonistes. La géographie de l'Asie et de l'Afrique nécessitait une vie nomade. Mais les nomades étaient la terreur de tous ceux que le sol et les avantages d'un marché portaient Il est assez difficile de saisir le rapport de cette dernière phrase avec les précédentes et même de la première partie de la phrase et de la seconde. Cela arrive quelquefois avec Emerson; sa logique est si Jatente, pour ainsi dire, et les transitions si subtiles que souvent on perd le fil des idées et qu'elles s'éparpillent toutes comme les perles d'un collier, |