nomme aujourd'hui, avec fi peu d'exactitude, la République des lettres. Quel bruit y feroit une méthode fimple, fenfée, dont le but eft d'enfeigner à chacun, fans métaphyfique abftraite, à règler les affections, fes penfées, les actions, en fe confidérant fousles deux rapports d'homme & de citoyen? La bonne compagnie & les beaux-efprits, liront-ils, prôneront-ils un livre de morale du l'homme eft repréfenté comme uhe créature intelligente qui reconnoît une Divinité, l'aime, l'adore, lui rend le culte le plus pur; qui met un frein à fon amour pour elle-même qui ne tend au bonheur qu'en fuivant les confeils de la fageffe, qu'en réprimant fes paffions? Dans quel cercle oferoit-on faire une lecture ou feu"lement l'extrait d'un livre où le citoyen eft chargé de mille chaînes que le génie philofophique fe flatte d'avoir brifées ; où ce malheureux jouet de vieux préjuges doit apprendre à devenir patriote zélé, fujet foumis intrépide défenfeur de l'Etat, foit par ce courage qui re pouffe l'ennemi, foit par ce courage non moins louable, & peut-être aussi généreux, qui oppofe la vérité à l'erreur; ami fidèle, voifin bienfaifant, foutien du foible, du pauvre, de l'innocent; bon père, bon fils, bọn époux, fcrupuleux obfervateur de fes promeffes & des devoirs de la reconnoiffance? Le lyftême de M. Olivier différe beaucoup du plan du Traité élémen taire de Morale, pour lequel un ami de l'humanité a offert un prix qui devoit être décerné par l'Académie Françoife. La différence eft telle, qu'on pourroit dire que ce n'eft pas le même fujet. En effet, le laurier académique eft deftiné à une analyfe des Devoirs de l'Homme & du Citoyen, propre à fixer méthodiquement la définition de chacun de ces devoirs. Cette Morale eft fort éloignée de celle dont l'empire commence par le cœur; on ne veut qu'une Morale pensée. L'une des conditions du Concours eft que l'on s'occupe d'un ouvrage qui foit éga lement fait pour toutes les Nations; qu'on n'y raifonne que d'après les Joix naturelles, & comme un fauvage qui ne feroit guidé que par fa feule intelligence, Il faut avouer que ce fiècle de lumières eft auffi celui de la modeftie & même de l'humilité: tous les individus, tous les peuples oublient, ne comptent pour rien les leçons des fages de tous les temps, celles de la fageffe même; ils n'attendent, ils n'implorent un code univerfel de Morale, que d'un fauvage qui pe fçait rien, ou d'un Philofophe qui fe foumettra, par un effort de génie, à jouer, pour le bonheur du monde le rôle intéreffant de ce fauvage! M. d'Olivier le croit, avec raison difpenfé de renoncer à l'expérience de tant de fiècles aux lumières réelles des anciens aux lumières plus pures de la Religion; & il en fait un ufage qui honore à la fois fon cœur & fa logique. Il rejette conféquemment l'opinion de ceux qui croient qu'on peut enseigner la Morale en paffant fous filence toute efpèce de Religion; il penfe que ce feroit n'en vouloir aucune, fupprimer en effet tous les devoirs moraux qui découlent de cette fource principale, que, de vouloir fe reftreindre à ce qu'on nomme la Religion naturelle, celle-ci n'étant la Religion d'aucun peuple, n'étant que ce que rêve chaque Philofophe, & ce dont l'enfance n'aura jamais d'idée fuffifante, ce que les paffions de la jeuneffe ne tefpecteront jamais. Quoique je puiffe juftement » affirmer, dit M. d'Olivier, que ce » n'eft qu'au flambeau de la raifon » que j'eclaire les jeunes élèves fur as leurs devoirs les plus facrés, cepen»dant mon ouvrage ne conviendroit >> pas à toutes les Nations, à caufe » des réflexions en matière de religion » qui y font entremêlées; car un Turc, un Chinois ne goûteroient » pas ces réflexions.... Quiconque, » dans un Traité fur les Mœurs, ne » s'exprimeroit que fuivant la Religion des Déiftes, ne feroit pas mieux entendu de la grande partie du genre humain, où chaque peuple fuit un culte qui diffère du Déifme.... » a-t-on jamais vu d'ouvrage de » Morale, » Morale, compofé même par des Payens, où l'on n'ait pas confidéré » comme un point eflentiel, le culte » de la Divinité? Doit-on efpérer que »les Matérialistes nous fourniront » d'une manière fatisfaifante, les vrais » principes des bonnes mœurs ? » Auffi, après avoir établi le bonheur fur fon unique bafe, la vertu, M, d'Olivier dit ailleurs je le, » déclarerai, quoique tous les pré»tendus Philofophes & Beaux-Efprits » du fiècle puiffent en dire, peu m'im»porte leur ironie. Profondément » pénétré de la vérité que je fens, » je braverai leurs dérifions, Oui, » j'affurerai que le feul vrai bonheur » confifte à remplir un devoir qui » renferme tous les autres, c'est-à» dire, il confifte à aimer l'Etrefuprême, Cette producion d'un bon efprit qui ne recherche que la gloire plus folide que brillante d'être utile, eft deftinée par fa nature & fa forme, à être mife fous les yeux de la première jeuneffe. Ce n'auroit donc pas été un foin minutieux & fuperflu, que d'en N°. 25, 19 Juin 1789. B |