VADIUS. Vos odes ont un air noble, galant & doux. Qui laiffe de bien loin votre Horace après. vous. TRISSOTIN. Ef-il rien d'amoureux comme vos chan✩ fonnettes? VADIUS. Peut-on rien voir d'égal aux fonners que vous faites? TRISSOTIN. Rien qui foit plus charmant que vos petits rondeaux, VADIUS. Rien de fi plein d'efprit que tous vos Madrigaux. Comment ces mêmes auditeurs qui rient au théâtre de cet amas de complimens, exagérés & fufpects, écoutentils fi férieufement la même comédie dans la falle du Louvre? L'habitude leur dérobe fans doute ce qu'il y a de vraiment ridicule dans cet ufage. Et fi du temps de Moliere, la flatterie avoit été auffi à la mode qu'elle l'eft aujourd'hui, cette fcène eût paru bien moins plaifante je me fuis trompé, quand j'ai dit que les mêmes auditeurs qui applaudiffent aux complimens des Académiciens, rient de ceux de Trif fotin & de Vadius ; la vérité est qu'ils n'en rient point; le comique de ce morceau eft perdu pour eux. Un ridicule général ceffe d'être ridicule. Voilà pourquoi, pour le dire en paffant, la vraie comédie doit tomber à mesure que les vices s'étendent & s'accréditent; car perfonne n'aime à rire de foi; ce ne font point les hypocrites qui rient au Tartuffe de Moliere, ou s'ils rient, c'eft qu'ils ne fe reconnoiffent pas. On fçait bien que les éloges d'un homme de lettres qui entre dan sl'Académie Françoife, n'ont pas plus de fens ni de valeur que les formules de politeffe d'un homme du monde qui entre dans un cercle; mais la politelle même apprend à l'homme du monde, l'art d'abréger ces formules monotones. & faftidieufes; tandis que le goût n'apprend pas à l'homme de lettres, l'art d'élaguer ces doucereufes périodes pour nourrir l'affemblée de quelque chofe de plus folide & de plus digne d'un fiècle de lumières. Comment des Ecrivains qui crient tous les jours contre les préjugés & qui he parlent que de réforme, s'afferviffent-ils tous à une malheureuse rou tine? comment ne s'eftiment-ils pas affez eux & leurs confrères, pour` s'affranchir de ces indignes entraves : il faut donc que pour obéir à l'étiquette, tous les nouveaux Académiciens fe reconnoiffent indignes d'entrer dans cet illuftre corps: n'eft-ce pas affez que le public le penfe de quelques-uns d'entr'eux. Ils font obligés de déclarer qu'ils ne doivent qu'à la faveur, une place qui n'eft due qu'au mérite ; & il eft convenu, qu'accufer les Académiciens de partialité & d'injuftice, eft un trait de modeftie: c'est une règle que le récipiendaire regarde tous les Académiciens, comme de grands hommes, comme des hommes de génie, comme les oracles de la fageffe & du goût, qui font la gloire de la Nation & l'admiration de toute l'Eu rope; & cela, parce qu'ils l'ont admis dans leur compagnie lui-même aura fon tour; lui-même à la première réception, fera auffi un grand homme, un homme de génie. Il eft d'ufage de joindre aux éloges des Académiciens Féloge du fiècle affez heureux pour les avoir produits, de vanter en termes vagues & pompeux, les nouvelles vues, les nouvelles lumières, le nouvel efprit que nous devons aux progrès de la moderne Philofophie; d'infinuer adroitement, ou, felon l'occafionde dire ouvertement, que notre fiècle eft fort fupérieur au fiècle précédent; que fous Louis XIV, on avoit peutêtre du génie & du goût, mais peu d'efprit & point de philofophie; qu'on fçavoit écrire, & qu'on ne fçavoit pas penfer. Par-deffus tout cela, quelques grains d'encens brûlés en T'honneur de Voltaire, & pour appaifer -fes mânes irrités, une violente fortie contre les critiques & les Journalistes. Voilà ce qui compofe un Difcours de réception. Tous font jettés dans le même moule. En vain je m'élève chaque fois contre un ufage fi con traire à la dignité des lettres & à la Philofophie : O temps! ô murs ! j'ai beau crier ; J'attends en vain qu'un homme vrai- ал |