, une Falloit-il donc accueillir & honorer des Auteurs qui ne faifoient ufage de leur talent que pour décrier le Gouvernement fous lequel ils vivoient, détruire la Religion de nos pères, & renverfer les principes de morale, fur lefquels toute fociété eft fondée. Si l'on doit fe plaindre de quelque chofe, c'eft qu'on n'ait pas employé contre ces Ecrivains funeftes & corrupteurs, véritables fléaux de la patrie fage & utile févérité : c'eft un grand malheur fans doute, que le refpect & les égards que tout homme bien né crit devoir aux talens & aux donş du génie, n'ait pas permis aux Magiftrats de prendre toutes les mefures néceffaires pour étouffer dès leur naiffance, ces ouvrages pernicieux qui ont bouleverfé toutes les têtes & infecté la France d'un poifon deftructeur. M. de Rulhière croit appercevoir une Fonnante contrariété entre le fenti mènt de Duclos, qui difoit : les gens de la Cour font ceux dont les lettres ont le plus à fe louer, former dès liaisons à la Cour; un homme de lettres efti mable n'y effuyera point de fafte offer fant; & le confeil que d'Alembert donnoit aux gens de lettres ; le moyen le plus fûr pour vous faire refpecter, eft de vivre unis, s'il vous eft poffible, & prefque renfermés entre vous,Ces deux opinions, bien loin d'être oppofées, font toutes deux très - juftes, trèsraifonnables & fe concilient très-bien; il eft certain que parmi les gens du, monde, les courtifans font les plus polis, & ceux dont le commerce eft le plus fimple & le plus agréable; le riche bourgeois regarde les gens de lettres comme des bouffons & des parafites, qui doivent l'amufer, & payer leur écot en bons mots; le Courtifan fe croit affez grand pour defcendre jufqu'à l'homme de lettres il eft difpofé à eftimer ceux qui l'amufent, & fe perfuade ailément que les diftinctions de l'efprit & du talent valent celles de la naiffance & de la fortune. Si les gens de lettres veulent fe lier avec les gens, du monde, c'eft donc à la Cour fur tout qu'ils doivent chercher leurs fociétés ; mais il vaut encore mieux, fuivant M, d'Alembert Alembert, que les gens de lettres vivent entr'eux : confeil excellent; qu'il n'a guère pratiqué lui-même; l'irruption des gens de lettres dans le monde, eft une des grandes causes de la décadence du goût & de lą littérature. Il eft difficile de fe laiffer perfuader par M. de Rulhière, lorfqu'il avance que l'empire de l'opinion publique n'exifte parmi nous , que depuis environ trente ans; que la dignité d'homme de lettres eft auffi de même date; car il eft certain que de tout temps l'opinion publique a exercé fon empire; que de tout temps l'homme de lettres qui a fait un noble ufage de fes talens, a eu la dignité qui lui étoit propre : il feroit bien étrange qu'on n'eût commencé à parler de la dignité d'hommes de lettres, que dans le temps où les gens de lettres perdirent cette dignité par leurs cabales, leurs intrigues leurs baffeffes, & par le ton de leurs ouvrages. Si toute cette difcuffion littéraire, malgré la finefle, l'agrément & l'élégance que l'Orateur a fçu y répan No. 26. 26 Juin 1787. D dre, eft cependant très - foible de chofes, très peu philofophique, trèsvague & très-inexacte; ce n'eft pas que M. de Rulhière ait manqué des connoiffances & du génie néceffaires pour traiter dignement un pareil fujet; c'est qu'il l'a traité dans l'Académie Françoife, & qu'un jour de réception n'eft pas fait pour les vérités triftes & défagréables. Mais fi le lieu où il parfoit, le rend excufable de n'avoir pas rempli l'attente du lecteur; fi les gens fenfés' lui pardonnent, par égard pour la circonftance où il fe trouvoit, d'avoir mal-à-propos farci fes phrafes des termes d'argot de la Philofophie moderne, je crois que rien ne peut juftifier la fortie très-inutile & trèsdéplacée (pour ne rien dire de plus), qu'il fait contre les gens de lettres, affez malheureux pour n'être pas toutà fait auffi contens que lui de l'état àctuel des chofes. » Laiffons donc murmurer contre les progrès de notre fiècle, ces » éternels détracteurs que tout fuccès » offenfe, que toute lumière bleffe, » dont les cris finiftres & décou rageans commencèrent dès les → premiers beaux jours de notre » littérature, & qui se sont transmis depuis la renaiffance des lettres, » la manie héréditaire d'en préfager toujours également la prochaine » décadence. » Nous n'avons garde de prendre pour nous cette invective, puifqu'elle vient à l'occafion du Difcours de l'Abbé de Boifmont, pour l'établissement d'un Hofpice en fam veur des Militaires & des Prêtres; Difcours très-beau, très-éloquent, auquel nous rendîmes dans le temps, une juftice éclatante, & que nous avons loué pour le moins autant que le fait ici M. de Rulhière. Qu'entendil par les progrès de notre fiècle, puifqu'il convient lui-même que l'éloquence de la chaire en particulier ne confervoit pas du temps de l'Abbé de Boifmont, toute la fupériorité qu'elle avoit acquife autrefois; que dans le fiécle précédent, le goût général exigeoit que le talent dominât toujours fur Pefprit; au lieu qu'aujourd'ui, les Suffrages font prefqu'unanimes, quand |