Images de page
PDF
ePub

Des Anglois créateurs, des Hollandois tranquilles,

Des Romains faftmeux & des François mobiles.

Vous direz des efforts dans des Jardins

Et ces efforts des tranquilles Holandois occupent tout - au- plus dans vos cinq Chants une vingtaine de vers. Ce n'étoit pas affurément la peine d'en parler dans une expofition générale, ni de préfenter les Jardins Bataves comme rivaux de ceux de l'Angleterre, de l'Italie & de la France. J'ajoute que, tels que vous les décrivez les premiers, les autres ne doivent guère être flattés de la comparaifon, & que même la rivalité admife nuiroit à l'intérêt de votre Ouvrage. Eh quoi! dites-vous:

Eh quoi! m'entraîne-t-il (le Goût) aux marais du Batave ?

Oui ; mais pour fe jouer de ce peuple fi

grave,

Qui, froidement frivole au milieu de fes fleurs,

Eft vain de leur éclat, riche de leurs couleurs.

Il fourit en voyant les vainqueurs de

Philippe

Attacher leur bonheur au fort d'une tu

lipe:

H refpire, en fuyant, le parfum des œillets,

Et fe moque tout bas de leurs colifichets Des parterres brodés, des gentilles ber-gères

Dont un plomb lourd forma les tailles fi légères,

Des acteurs de la Foire en plâtre tra vaillés,

Et de rouge & de bleu fçavamment ha billés;

Des foldats de carton, dont la mine & les

armes

Au plus timide enfant n'inspirent point d'alarmes ;

Et de la Renommée à cheval fur un mur

Qui tenant en fes mains un cartouche

[ocr errors]

d'azur,

Fait lire en lettres d'or, avec le nom dumaître,

Les prodiges nombreux que fon art a fait maître,

[merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small]

• Pofe vous demander, Monfieur fi un peuple qui pofféde fon fol tout entier en dépit de la nature & des élémens, qui a fçu convertir des fables arides & des marais intes en une demeure fortunée & riante; un peuple dont les Jardiniers font recherchés comme les premiers de l'Europe; chez qui la culture des fleurs eft portée au dernier dégré de perfection, tous les ans fertile en nouveaux miracles; fi ce peuple industrieux, actif, créateur, ne méritoit pas une mention plus honorable, & fi votre cauftique tirade fuffit pour le peindre & le caractérifer. Vous ne pouvez exiger, Monfieur, qu'un pays tout uni, fans montagnes, fans forêts, où l'œil, fatigué d'un afpe&t toujours monotone, n'apperçoit, à perte de vue, que des prés verdoyans & de tranquilles canaux, qu'un femblable pays offre à Les Jardins ces fites raviffans, ces

effets pittorefques qui font le charme de ceux de l'Angleterre, de l'Italie & de la France. Je ne puis, j'en conviens, difculper entièrement mes compatriotes quant aux rifibles colifichets que vous leur reprochez; mais le goût n'en eft certainement pas auffi univerfel que vous le donnez à entendre; il tombe de jour en jour; & qu'importe qu'un petit Bourgeois bien matériel orne fon très petit jardiner de cette manière grotefque, & même, fi vous le voulez, barbare? Je vois fouvent la même chofe dans les Faux. bourgs de Paris & le long de fes Boule vards; mais certainement nos grandes & belles campagnes. font très-éloignées aujourd'hui de ce fafte puéril & mefquin. L'Anglomanie ne nous gagne auffi que trop en fait de jardins; chez nous auffi

L'amour des preftiges

Entaffe follement prodiges fur prodiges.

Nous avons auffi, Monfieur, nos ruines, nos Temples, nos petits ponts, nos rochers, nos tombeaux & nos

hermitages. Je doute, d'après ce que vous dites de nos Jardins, que vous vous foyiez jamais donné la peine de vous y tranfporter; que vous connoilliez, d'infpection oculaire, quelques-unes des campagnes, les plus confidérables qui ornent les environs. charmans de la Haye; ou de celles qui bordent le canal du Vecht, entre Amfterdam & Utrecht; ou de celles que vont vifiter les étrangers dans la Province de Gueldre, plus favorisée d'eaux naturelles & de bois, que celle de Hollande. Klarenbeek, Rofendaal Rederoord, Middachten, Zoelen méritent de vous être indiqués ici. n'allez pas vous imaginer encore que ces noms foient ceux de leurs poffef feurs. Un trait qui ajoute fingulièrement à la charge que vous avez préfentée de nos Jardins, eft celui de la Benommée à cheval fur un mur, &c. Mais ce trait fi plaifant porte abfolu-. ment à faux, vu qu'il eft fondé fur une erreur. La légende plus au moins faftueufe que po tent ordinairement au-deffus de la principale entiée nos Jardins & nos campagnes, n'eft ja

« PrécédentContinuer »