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mutuellement. Sir Robert craint d'avoi été injufte, & fe reconcilie avec fon aimable frère. Le Baron regrette le jeune Edmond. Celui-ci arrive au Château de Sir Harclay, & en eft reçu à bras ouverts. Il lui raconte toute fon hiftoire; le Chevalier lui promet fon appui. Sans différer, il va trouver un Seigneur puiffant, qui confent à le fervir, écrit au Lord Lowel & lui dénonce le reffentiment de Sir Harclay & le défir qu'il a de le voir, & de.. venger fon ami. Lord Lowel accepte le défi; des Juges font nommés, Sir Harclay le bat contre son ennemi, & le bleffse dangereusement. Le Lord Lowel fe croyant à fa dernière heure confeffe fes crimes. C'eft lui qui a fait périr fon parent, pour s'emparer de fa femme & de fes biens; c'est lui qui a fait affaffiner cette malheureuse époufe, & qui a fait expofer fon fils : à mesure qu'il reprend fes forces, il fe repent d'avoir fait un fi honteux aveu: mais il n'eft plus temps. Le Baron & fes enfants font invités par Milord Clifford, & ne peuvent fe refufer à l'évidence, Edmond eft reconnu

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pour le vrai & feul héritier de Lord Lowel, par conféquent pour le feul propriétaire du Château qu'habite le Baron. Celui-ci eft un peu étonné, Sir Robert eft furieux, William ne voit que le bonheur de fa fœur & de fon ami. Tout s'arrange. On retourne chez le Baron, on vérifie le crime de Lowel, la mort & l'inhumation de fa parente dans un appartement de l'alle inhabitée : Edmond eft 'mis en poffeffion du Château, & met fes biens & fon rang aux pieds d'Emma; il l'époufe: le meurtrier a été obligé de s'expatrier & de cèder tous fes biens à fon beau-frère, ce qui lui tient lieu de ceux qu'il a perdus.

Voici, Monfieur, ce que c'eft que le Baron Anglois. Ces évènemens ne font pas tous bien digérés, bien amenés, le ftyle eft fouvent négligé, & peu élégant : à l'égard des revenants, des fpectres, je ne fais trop que vous dire. Je vous dirai feulement que cet ouvrage m'a intéreffé, m'a fait paffer une heure agréable, & en vérité, je ferois affez de l'avis du Traducteur quand il dit :

Car dût-on s'en moquer, nous croyons & difons,

Qu'aux yeux des bons efprits, tous les genres font bons,

Et que ce merveilleux, qu'on traite de

chimère,

S'il touche, amufe, inftruit, a toujours droit de plaire.

Je fuis, &c.

COMÉDIE FRANÇOISE.

Na donné à ce Théâtre, le Mardi 31 Juillet, une Tragédie nouvelle, intitulée Antigone ou la Piété Fraternelle. Les quatre premiers Actes ont été affez bien reçus, mais le cinquième a excité un murmure général.

Il faut plus de génie & de goût qu'on ne penfe, pour imiter les anciens avec luccès. L'Antigone de Sophocle porte toute entière fur un intérêt local', qui tient à la Religion des Grecs, & qu'on ne peut tranfporter fur le

Théâtre d'une autre Nation : la fépulture étoit une chofe fi facrée aux yeux des Athéniens qu'ils condamnèrent à mort plufieurs Généraux vainqueurs, au retour de leur expédition, pour avoir négligé de rendre les derniers devoirs à ceux qui avoient été tués dans le combat: être privé de la fépulture, étoit dans leurs idées, le dernier & le plus grand des mallieurs; laiffer un cadavre en proie aux animaux & aux bêtes féroces, c'étoit un crime envers les Dieux infernaux, & une barbarie contraire à toutes les loix de l'humanité & de la religion. C'est sur ce -fondement que Sophocle a établi fa Tragédie, qui, quoique très-fimple, fit autrefois fondre en larmes les Athéniens, & valut à l'Auteur le Gouvernement de la Ville de Samos.

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Nous fommes bien éloignés d'avoir fur la fepulture, les mêmes idées que les anciens. La vengeance de Créon qui défend fous peine de mort, d'inhumer le corps de Polinice, doit paroître baffe & puérile, plutôt que terrible; & nous ne regardons que

comme une pieufe folie, le courage d'Antigone, qui, pour rendre à fon frère les derniers devoirs, affronte le plus cruel fupplice: ce fujet eft donc mal choifi, & tout le pathétique que l'Auteur a effayé d'y répandre, péche dans le principe: cependant le Théâ tre François compte plufieurs Antigones celle de Rotrou, en 1638 eut quelque fuccès; & au jugement de Racine, elie eft remplie de beaux endroits; mais Rotrou a pris deux Tragédies Grecques pour en faire. une, comme autrefois Térence fondoit dans une feule pièce, deux Comédies de Menandre. Son Antigone renferme les Phéniciennes d'Euripide & l'Antigone de Sophocle. Pader Daffezan Auteur d'une Antigone, jouée en 1686, osa se borner au feul sujet traité par Sophocle, qu'il égaya feulement d'une épifode, en fuppofant Thefee amoureux d'Ifmene, fœur d'Antigone. Le fuccès fur médiocre.. La pièce n'eut pas, comme on l'a dit, fix représentations de fuite; elle fut interrompue après la troifième repréfention, & reprife huit mois

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