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après, & jouée fix fois, ce qui fait en tout, neuf représentations : cette Tragédie eft affez bien conduite mais la plupart du monde, dit l'Auteur, & fur- tout du monde galant, en a condamné le fujet. Il s'efforce, fuivant l'ufage des Auteurs, de répondre à toutes les objections; mais fes réponfes n'aboutiffent qu'à dire qué ce fujet n'eft pas dans nos mœurs ; & c'eft précisément ce qu'on lui reprochoit. J'ignore ce qui a pu engager fAuteur de la nouvelle Tragédie, à choifir encore ce sujet déjà condamné par le monde galant du fiècle dé Louis XIV; peut-être s'eft il flatté qu'en multipliant les effets & les ta bleaux, en prodiguant le fpectacle, en mettant en action ce que Sophocle a mis en récit récit il fuppléeroit au 1 > défaut d'intérêt mais il auroit dû fonger qu'il y a des chofes hideufes & atroces qu'il ne faut point offrir aux fpectateurs. Tel eft le cadavre d'Etheocle qui refte affez long temps expofé fur la fcène,

L'entretien d'Hemon avec fon père, le combat de générosité entre cé

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jeune homme, qui fe dit coupable & Antigone, qui l'eft effectivements, feroit tout auffi touchant, quand it ne fe pafferoit pas au milieu des tombeaux des Rois de Thèbes. Le fujet n'eft-il donc pas affez lugubre par lui-même ? Pourquoi, fans aucune néceffité, enfevelir le fpectateur dans un tombeau? & quel mérite y a-t-il dans ce vain appareil ?

Le dénouement a prouvé que le moyen de refroidir l'intérêt, eft quelquefois de multiplier les objets d'horreur les yeux en font bleffés, & T'imagination refte paifible: alors le dégoût & Pindignation prennent la place de la pitié & de la terreur. Dans ces derniers temps, où le génie dramarique fe réduit à la pantomime, on a eflayé de mettre en action le dénouement d'Iphigénie en Aulide; il n'en eft réfulté que de la confufion, fans aucun intérêt. Au cinquième Acte d'Antigone, on voit la foffe qui doit. engloutir vivante l'héroïne de la pièce: elle eft prête à fe précipiter, forfque fon Amant furvient à propos, & la retient. Mais où fuir ? Hemon eft

environné de gardes qui lui préfen• tent leurs épées. Antigone, qui ne voit aucune reffource, s'arrache des bras de fon Amant, & fe jette leftement dans la foffe. Hemon défelpéré, le tue il femble que deux mor s devroient faire quelque fenfation; mais, ce n'est pas l le nombre des morts qui rend l'action tragique. Tout cela eft froid , parce que le fpectateur ne voit aucune reffource; parce que les efforts d'Hemon pour fauver Antigone, n'ont pas l'ombre de la vraisemblance; parce que l'intérêt cefle, quand on n'efpère plus, & qu'il ne refte que le fentiment pénible & défagréable qu'inf pire le fpectable de la mort. Et cependant on ne peut lire fans pleurer fans frémir, le fimple récit de Sophocle on croit voir au fond de la grotte fouterreine, Antigone, qui s'eft hâtée de terminer fes jours par un naud fatal: Hemon, qui eft venu s'enfevelir avec elle, la tient embraffée, & maudit la barbarie de fon père: Créon arrive preflé d'un repentir tardif; il entend les cris de fon fils, il l'invite à fortir de ce tombeau :Hemon, qui dans le cours

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de la pièce s'eft montré fi refpectueux, fui lance un regard terrible, & s'avance fur lui l'épée à la main; Creon s'enfuit; le jeune homme furieux tourne fon épée fur lui-même & meurt fur le corps d'Antigone. C'eft parce qu'on ne voit pas tout cela, qu'on croit fe voir, & qu'on en eft touché ; fi on le voyoit réellement, on feroit oppreffé, révolté.

Que ceux qui connoiffent l'antiquité & qui font pleins de fon efprit, relisent T'admirable Tragédie de Sophocle; ils y verront un naturel, une vérité, une fimplicité, un pathéthique qu'on ne trouve fur aucun Théâtre : le caractère de Créon eft odieux fans doute, c'eft celui d'un tyran; mais avec quel art il eft développé, comme fes paffions font miles en jeu : l'orgueil, l'opiniâtreté, la colère, la lâcheté; voilà le mobile de toutes fesactions: quelle nobleffe, quelle décence dans l'Amant d'Antigone; quel refpe&t pour fon père; quelle fermeté fans emportement; combien le fentiment concentré dans fon ame, acquiert de force pour des fpectateurs délicats; & le

યમાં શ્રદ્ધાની ઝોળ

fimple adieu qu'il fait à fon père, en
lui difant qu'il ne le verra plus, n'est-
il pas au deffus de ces bruyantes
tirades, de ces bravades romanefques
où l'Acteur fe bat les flancs, pour
échauffer le Parterre? Le caractère
d'Antigone eft, d'un bout à l'autre
un chef-d'œuvre de goût & de no-
bleffe; elle n'éclate point en injures,
elle ne crie point comme la Pulcherie
de Corneille & les autres héroïnes de
notre Théâtre; fa fierté eft tranquille;
elle eft ferme & non furieuse; elle a
l'air de méprifer le tyran plutôt que
de le haïr quoiqu'intrépide, quand
il faut faire fon devoir, elle n'affecte
pointun héroïlme faux & outré, quand
il faut mourir ; elle eft affez grande
pour ne pas craindre de s'avilir en fai-
fant éclater la douleur & les plaintes
que la nature infpire dans de pareils
momens il faut obferver qu'il n'y a
pas dans la pièce, une feule fcène
entre l'Amant & la Maîtreffe; que le
mot d'amour n'y eft pas prononcé :
Hemon n'a point parlé d'amour à
Antigone; mais il meurt avec elle &
pour elle remarquez auffi que la

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