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il lisoit, que je soie, etc. Le picard change le ch en k, un cat, un kemin, une kose; il confond l'article féminin avec l'article masculin, disant le femme, le maison; c'est de là que viennent, par apocope moderne, plusieurs noms propres, Delpierre, Delfosse, qui se disent en français de la Pierre, de la Fosse. Le normand, au lieu de oi, met ei: que je seie, rei, reïne, estreit, espeis, il liseit, etc.; de plus il conjugue l'imparfait de la première conjugaison autrement, disant j'amowe, tú amowes, il amot, au lieu de j'amoies, tu amoies, il -amoit. On voit tout de suite combien d'emprunts le français définitif a fait aux autres dialectes. Ainsi la prononciation normande a triomphé pour les imparfaits, et non l'influence italienne, ce que prétendait H. Estienne. C'est encore la prononciation normande qui l'a emporté dans reine, dans épais, dans créance, à côté de croyance; elle a failli l'emporter dans étroit, témoin La Fontaine.

Voyez-vous ces cases étraites,

Et ces palais si grands, si beaux, si bien dorés?
Je me suis proposé d'en faire vos retraites.

Et ailleurs :

(III, 8.)

Damoiselle belette, au corps long et fluet,
Entra dans un grenier par un trou fort étrait.
(III, 17.)

La langue moderne s'est servie quelquefois de ces différences dialectiques pour établir des nuances en un même mot; bien que attaquer ne soit que la prononciation picarde de attacher, pourtant deux significations ont été réparties entre eux.

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Pas plus pour la grammaire que pour les mots, le lien n'est rompu avec le latin. Dans les langues romanes, un fonds ancien subsiste, d'autant plus apparent qu'on les considère plus près de l'origine. Il fut un temps où une trace certaine de ces cas, qui avaient été la pierre d'achoppement des populations romanes, se faisait remarquer. On n'est point allé subitement d'une langue pourvue de cas à une langue sans cas, et l'abolition a été graduelle, au moins pour le vieux français. Celui-ci, ainsi que le provençal, distingue très-nettement le sujet et le régime. La marque du sujet est une s, tirée de l's de la deuxième déclinaison latine dominus, car il semble que, pour les esprits en qui périssait le sentiment du vieux latin, toutes les déclinaisons se soient réduites à celles-là. La marque du régime est l'absence de cette s. An pluriel, c'est l'inverse, car le latin ayant domini et dominos, l's manque au sujet pluriel et se retrouve au régime pluriel. Ce reste de déclinaison, qui était loin de suffire, puisque les noms féminins en e muet y échappaient, avait encore d'autres formes tels sont li hom, sujet, et l'homme, régime (hom est devenu notre particule indéterminée on, l'on); li cuens, sujet, et le comte, régime: comte et homme sont formés du régime latin comitem et hominem; cuens et hom, du sujet comes et homo. Sur un modèle analogue ont été faits li enfe et l'enfant, li abe et l'abé, li lerre et le larron, etc. Ces formes, qui paraissent singulières, sont très-correctes; c'est l'accent latin qui les détermine. Infans avait l'accent sur in, de là li enfe; mais infantem avait l'accent sur an, de là l'enfant; abbas avait l'accent sur ab, de là

en eur,

li abe; mais abbatem avait l'accent sur ba, de là l'abé; latro avait l'accent sur la, de là lerre; mais latronem l'avait sur tro, de là larron. La syllabe muette en français est celle qui n'a pas l'accent en latin : c'était donc une erreur d'écrire, comme on a fait en quelques éditions, enfès, abès; car, en prononçant ainsi, on rend impossible l'explication des formes dont il s'agit. Les noms latins en ator, qui, dans la langue moderne, sont ont, dans la langue ancienne, un cas pour le sujet et un pour le régime: donere, sujet, doneor, régime, aujourd'hui donneur; baillere, sujet, bailleor, régime, aujourd'hui bailleur ; jonglere, sujet, jongleor, régime, aujourd'hui jongleur. On a dit qu'ici s'était fait sentir une influence celtique, et que la terminaison ere du vieux français pouvait être la terminaison gaélique air, qui répond à la terminaison latine ator. Non, c'est encore l'accent latin qui est en jeu donator, avec l'accent sur na, forme donere, et donatorem, avec l'accent sur to, forme doneor. Cela se voit clairement aussi dans le dérivé français de melior : mieudre, au sujet, parce que, dans melior, l'accent est sur me, et meillor au régime, parce que, dans meliorem, l'accent est sur o.

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Ces cas, tout frustes qu'ils étaient, et bien qu'ils aient ultérieurement disparu, n'en ont pas moins laissé une marque profonde dans le français moderne. Les pluriels en aux des noms en al et en ail sont un débris de cette formation. Pour cheval, par exemple, le ré gime pluriel était chevaux, qui est resté notre pluriel actuel. Beau et bel, fou et fol (un fol amour), mou et mol, cou et col sont encore des cas demeurés dans la

langue et employés à un autre usage; beau, fou, mou (non ainsi écrits, mais ainsi prononcés) étaient au sujet; bel, fol, mol étaient au régime; on s'en est servi pour éviter des hiatus; cou, sujet, a été réservé pour signifier la partie du corps qui supporte la tête, et col, régime, pour signifier une pièce d'habillement, et, en anatomie, la portion de certains os, le col du fémur. En cette s du sujet, on a aussi l'explication de certaines particularités de l'orthographe actuelle; I's dans fils, repas, appas, bras provient de la persistance de ces mots à la forme de sujets; mais, à la forme de régime, qui est celle que le français moderne a gardée d'ordinaire, ils seraient écrits fil, repast, appast, brac.

Une telle déclinaison, on l'aura remarqué sans peine, n'est qu'un débris; elle ne s'étend pas à tous les mots, et elle n'a que des règles de seconde main, c'est-à-dire des relations avec la forme et l'accentuation latines. Elle était donc particulièrement fragile, n'ayant point de soutien et de garantie dans l'enchaînement même de la langue; et, s'il survenait de grands malheurs nationaux et des invasions étrangères qui, pendant de longues années, confondissent toutes choses, si le genre de littérature qui avait fleuri, et qui était une sorte de dépôt conservateur du langage, perdait de son attrait, ce reste de déclinaison était fort compromis et il devait disparaître ; c'est ce qui arriva dans le cours des quatorzième et quinzième siècles. Cette perte est ce qui a le plus rapidement et le plus complétement vieilli la langue des douze et treizième siècles, et établi la profonde démarcation entre les deux ères de notre idiome.

La régularité de l'ancienne grammaire ressort quand on prend pour comparaison les irrégularités survenues dans la grammaire moderne. Nous mettons maintenant une s à la première personne du singulier dans les verbes je prends, je reçois, je vois, et aussi à l'imparfait et au conditionnel. Cette s'est étrangère à l'ancienne langue. Toutes les fois que le verbe n'a pas une s au radical, il n'en a point à la première personne du présent: je prend, je reçoi, je voi. A l'imparfait et au conditionnel, ce n'est point une s, c'est un e qui figure à la première personne : j'amoie, j'ameroie; ce qui s'explique très-bien la finale latine en am ou em était non accentuée, muette, et elle a été remplacée en italien, en provençal, en espagnol, comme en français, par une syllabe sourde. Mais l'introduction de l's est regrettable et irrationnelle: elle confond la première personne avec la seconde; I's est caractéristique de la deuxième personne dans le latin, dans le grec, dans le sanscrit, et ne l'est pas de la première. C'est donc un' vrai méfait grammatical que d'avoir ainsi brouillé les signes primordiaux des personnes, signes que nous avait apportés la tradition de la plus haute antiquité.

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Les adjectifs du vieux français suivaient le latin, c'est-à-dire que ceux qui avaient une terminaison pour le masculin et une pour le féminin, bonus, bona, avaient aussi deux terminaisons dans la langue dérivée, et que ceux qui n'en avaient qu'une pour ces deux genres n'en avaient non plus qu'une en français, témoin l'ancienne formule lettres royaux. Cette règle s'est perdue, mais elle a laissé des traces dans nos adverbes, dont la com

I.

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