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sa cause il porta à Shrewsbury son quartier général.

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Depuis plus de huit jours, le comte d'Essex était à la tête de son armée à sa sortie de Londres (1) une foule immense l'avait accompagné, criant vivat! et agitant en l'air des banderoles orange, couleur de sa maison; quiconque en portait une autre était suspect et insulté (2). Il trouva à Northampton près de vingt mille hommes réunis. Un comité des deux chambres lui était adjoint et devait résider près de lui, mais sous sa présidence et sans pouvoirs supérieurs au sien (3). Il avait pour instruction de transmettre au roi une pétition qui le conjurait de revenir à Londres, et, sur son refus, de le suivre partout, « et par bataille ou » autre voie, d'enlever sa Majesté, le prince de >> Galles et le duc d'York, ses deux fils, à leurs >> perfides conseillers, pour les ramener au par>> lement (*). >>

La pétition ne fut pas même présentée; le roi déclara qu'il ne la recevrait point transmise par des hommes qu'il avait déjà proclamés traîtres (5).

(1) Le 9 septembre 1642.

(2) May, Hist. du Long-Parl., t. II, p. 57.

Whitelocke, p. 59.

(3) Parl. Hist., t. II, col. 1473. Le comité était composé de douze lords et de vingt-quatre membres des communes.

(4) Parl. Hist., t. II, col. 1471.

(5) Le 16 octobre 1642. Parl. Hist., t. II, col. 1484.

A Shrewsbury, il avait repris force et confiance. De l'ouest et du nord, de nombreuses recrues lui arrivaient enfin; pour leur donner des armes, il avait enlevé, non sans résistance, celles des milices de plusieurs comtés; des convois destinés à l'Irlande traversaient l'ouest pour s'embarquer à Chester, il les avait saisis. Les catholiques des comtés de Shrop et de Stafford lui avaient avancé 5,000 livres sterling; pour le titre de baron un gentilhomme en avait payé 6,000; de Londres même son parti lui avait, sous main, fait passer de l'argent. Douze mille hommes environ marchaient sous ses drapeaux (1). A la tête de la cavalerie, le prince Robert son neveu (2), naguère arrivé d'Allemagne (3), parcourait le pays d'alentour, déjà odieux par ses pillages et sa brutalité, mais déjà redouté pour son audace. Essex n'avançait qu'avec lenteur et comme pour suivre plutôt que pour atteindre son ennemi. Arrivé le 23 septembre à Worcester, à quelques lieues du roi, il y passa trois semaines sans agir. Enhardi par cette

Cla

(1) May, Hist. du Long-Parl., t. II, p. 37-39, 56, 66-69. rendon, Hist. of the rebell., t V, p. 24, 29, 41, 60, 62, 68. moires de mistriss Hutchinson, t. I, p. 199-212, dans ma Collection. (2) Second fils de Frédéric V, électeur palatin, roi de Bohême, et d'Élisabeth, sœur de Charles Ier.

(3) Au commencement du mois de septembre.

d'un

inaction, par le succès de quelques escarmouches, par le nouvel aspect de sa fortune, Charles résolut de marcher sur Londres, pour finir la finir la guerre seul coup; et il était déjà en mouvement depuis trois jours, lorsqu'Essex rebroussa chemin à sa suite pour aller défendre le parlement.

Le trouble fut grand à Londres; on ne s'attendait pas à ce brusque péril: les parlementaires s'étonnaient, les royalistes commençaient à s'agiter, le peuple avait peur. Mais la peur du peuple se tourne aisément en colère; le parlement sut l'y pousser. Ferme et passionné dans ses actes comme dans son langage, il prit soudain des mesures de défense contre le roi, de rigueur contre les malveillants. Quiconque était resté étranger aux contributions volontaires fut taxé et contraint; on emprisonna les récalcitrants, on désarma les suspects des réquisitions de toute sorte eurent lieu; toutes les écuries de la ville et des faubourgs furent visitées; on prit tous les chevaux propres à servir. Des fortifications s'élevèrent en hâte; une foule d'hommes, de femmes, d'enfants, y travaillaient avec ardeur; on tendait des chaînes; on dressait des barricades dans les rues; la milice, toujours sur pied, se tenait prête à marcher (1).

(1) May, Hist. du Long-Parl., t. II, p. 70. Parl. Hist., t. II,

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Tout à coup, le 24 octobre au matin, le bruit se répandit qu'une grande bataille avait été livrée, l'armée du parlement totalement défaite, beaucoup d'officiers tués et faits prisonniers : ces nouvelles venaient d'Uxbridge, à quelques lieues de Londres; sir James Ramsey, Écossais et colonel d'un régiment de cavalerie, les avait données, disait-on, en traversant cette ville dans sa fuite. Presque au même moment, arrivèrent d'autres nouvelles, bien différentes, mais non plus certaines; la victoire du comte d'Essex était complète, l'armée du roi en pleine déroute; on le tenait de gens qu'on avait rencontrés, aussi sur la route d'Uxbridge, galopant en toute hâte pour annoncer à Londres ce merveilleux succès (1).

Aussi peu instruit que le peuple, le parlement fit fermer les boutiques, ordonna aux milices d'être à leurs postes, aux citoyens d'attendre ses ordres, et exigea de chacun de ses membres une déclaration personnelle de ferme adhésion au comte d'Essex et à sa cause, quoi qu'il fût arrivé et qu'il pût arriver (2). Le lendemain seulement (3),

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lord Wharton et M. Strode apportèrent de l'armée l'avis officiel de la bataille et de ses résultats.

Elle avait eu lieu le 23 octobre, près de Keynton, dans le comté de Warwick, au pied de la colline dite Edgehill; là seulement, après une marche de dix jours, pendant laquelle les deux armées, à quelques lieues l'une de l'autre, avaient complétement ignoré leurs mouvements réciproques, Essex avait enfin rejoint les troupes du roi. Quoiqu'il eût laissé en arrière une portion de son artillerie et plusieurs régiments, entre autres celui de Hampden, il se décida à attaquer sans retard, et au même instant le roi prenait le même parti. L'un et l'autre souhaitaient la bataille, Essex pour sauver Londres, Charles pour mettre un terme aux obstacles qu'il rencontrait dans un comté tellement ennemi de sa cause, que les maréchaux s'enfuyaient des villages, pour ne pas ferrer les chevaux du roi (1). Engagée vers deux heures de l'après-midi, l'action fut vive et dura jusqu'au soir la cavalerie du parlement, affaiblie par la désertion du régiment de sir Faithful Fortescue, qui, au moment de charger, passa tout entier à l'ennemi, fut mise en déroute par le

(1) Clarendon, Hist. of the rebell., t. V, p. 78.

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