»> nos cavaliers, le même Dieu pour nous aider; >> tentons de même notre fortune; essayons de nous >> faire jour comme eux à travers nos ennemis : il » vaut mieux mourir avec honneur que de se sau» ver lâchement. » Mais l'héroïsme de Skippon ne gagna point le conseil; beaucoup d'officiers de cette armée, braves et fidèles, mais presbytériens ou modérés comme Essex, étaient, comme lui, tristes et découragés. Le roi leur fit proposer une capitulation inespérée : il n'exigeait que la remise de l'artillerie, des munitions et des armes; tous les hommes, officiers et soldats, demeureraient libres et seraient même conduits en sûreté jusqu'aux quartiers du parlement. Ces conditions furent acceptées (1); et, sous l'escorte de cavaliers royaux, les bataillons parlementaires traverserent sans général, sans armes, ces comtés que naguère ils avaient parcourus en vainqueurs (2). Cependant Essex débarquait à Plymouth, et rendait compte au parlement de son désastre: C'est, écrivait-il, le plus rude coup qu'ait ja>> mais reçu notre parti; je ne désire rien tant que » d'être mis en jugement de tels échecs ne doi (1) Le 1er septembre 1644. (2) Rushworth, part. 3, t. II, p. 704-709. the rebell., t. VII, p. 190-192. Clarendon, Hist. of » Huit jours >> vent point demeurer étouffés (1). Milord, le comité des deux royaumes ayant >> communiqué aux chambres du parlement les >> lettres de votre seigneurie, en date de Plymouth, >> elles nous ont ordonné de vous faire connaître » que, pénétrées de la gravité de ce malheur, >> mais se soumettant à la volonté de Dieu, leurs >> bons sentiments pour votre seigneurie et leur >> confiance dans votre fidélité et vos mérites n'en » sont nullement ébranlés. Elles ont résolu de dé>> ployer leurs plus énergiques efforts pour réparer » cette perte, et remettre sous votre commande>>ment (2) une armée qui, avec la bénédiction de >> Dieu, puisse rétablir nos affaires en meilleur » état. Le comte de Manchester et sir William » Waller ont reçu l'ordre de marcher avec toutes leurs troupes vers Dorchester. Les chambres ont pareillement ordonné que six mille mousquets, » six mille uniformes, cinq cents paires de pisto (1) Lettre d'Essex à sir Philippe Stapleton, dans Rushworth, part. 3, t. II, p. 703. (2) Dans Rushworth (part. 3, t. II, p. 708), on lit: Under their command (sous leur commandement); mais dans l'Histoire parlementaire (t. III, col. 289), le texte porte: Under your command, et j'ai adopté cette dernière, leçon, de beaucoup la plus probable. La lettre est du 7 septembre 1644. » lets, etc., fussent expédiés à votre seigneurie, >> à Portsmouth, pour servir à l'équipement et » relever le courage de vos soldats. Elles ont la >> confiance que le séjour de votre seigneurie dans » ce comté, pour réorganiser et mettre en mou»vement les divers corps, aura les plus salutaires >> effets. >> La surprise du comte fut grande: il s'attendait à des poursuites, au moins à d'amers reproches; mais sa fidélité, si récemment éprouvée, l'étendue même du désastre, la nécessité d'en imposer à l'ennemi, ralliaient à ses partisans les hommes incertains, et ses adversaires s'étaient interdit le combat. Essex, embarrassé de son malheur et de sa faute, ne leur semblait plus redoutable; ils le connaissaient et prévoyaient que bientôt, pour épargner à sa dignité des chocs si rudes, lui-même se mettrait à l'écart. Jusque-là, en le traitant avec honneur, on faisait preuve d'énergie; on évitait, sur les causes cachées de l'événement, une enquête peut-être fàcheuse; on engageait enfin dans un nouvel effort pour la guerre les fauteurs mêmes de la paix. Aussi habiles que passionnés, les meneurs indépendants se turent, et le parlement sembla unanime à soutenir dignement ce grand revers. Son activité et la fermeté de son attitude ralentirent d'abord les mouvements du roi; il adressa aux chambres un message pacifique, puis se contenta, pendant trois semaines, de se présenter devant quelques places, Plymouth, Lyme, Portsmouth, qui ne se rendirent point. Mais, vers la fin de septembre, il apprit que Montrose, qui depuis longtemps lui promettait en Écosse la guerre civile, avait enfin réussi à la faire éclater, et marchait déjà de succès en succès. Après la bataille. de Marston-Moor, déguisé en domestique et suivi seulement de deux compagnons, Montrose avait passé à pied la frontière d'Écosse, et s'était rendu à Strathern, chez Patrick Graham d'Inchbrackie, son cousin, à l'entrée des hautes terres, pour y attendre le débarquement des auxiliaires irlandais qu'Antrim lui devait envoyer. De jour il se cachait ; de nuit il errait dans les montagnes environnantes, allant recueillir lui-même, de rendez-vous en rendez-vous, les rapports de ses affidés. Bientôt la nouvelle lui parvint que les bandes irlandaises avaient en effet débarqué ('), et s'avançaient dans le pays, pillant, ravageant, mais ne sachant où se diriger, et cherchant à leur tour le général qu'on leur avait promis. Elles approchaient du comté (1) Le 8 juillet 1644. d'Athol. Montrose parut tout à coup dans leur camp, avec un seul homme, en costume de montagnard: elles le reconnurent aussitôt pour chef. Au bruit de sa venue, plusieurs clans accoururent; sans perdre un moment, il les mena au combat, exigeant tout de leur courage, permettant tout à leur avidité; et quinze jours après, il avait gagné deux batailles (1), occupé Perth, pris Aberdeen d'assaut, soulevé la plupart des clans du nord et semé l'effroi jusqu'aux portes d'Édimbourg. A ces nouvelles, Charles se flatta que le désastre de Marston-Moor était réparé, que le parlement retrouverait bientôt dans le nord un puissant adversaire, et que lui-même pouvait sans crainte suivre dans le midi le cours de ses succès. Il résolut de marcher sur Londres; et pour donner à son expédition une apparence populaire et décisive, au moment de son départ, une proclamation partout répandue invita tous ses sujets du midi et de l'est à se lever en armes, à se choisir eux-mêmes des officiers, et à le rejoindre sur la route pour aller avec lui sommer les chambres d'accepter enfin la paix (2). (1) A Tippermuir, le 1er septembre, et au Pont de Dee, le 12 du même mois. (2) La proclamation est datée de Chard, le 30 septembre 1644. (Rushworth, part. 3, t. II, p. 715.) |