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violents démagogues, les sectaires les plus fougueux, commençaient à laisser éclater leurs secrets sentiments: John Saltmarsh, qui fut depuis chapelain dans l'armée de Fairfax, soutint « qu'il fallait » à tout prix empêcher le rapprochement du roi et >> du peuple, et que si le roi ne voulait pas se prê>>ter à tout, on devait l'extirper, lui et sa race, >> et conférer à quelque autre la couronne. » Le pamphlet fut dénoncé à la chambre des communes, mais Henri Martyn en prit la défense: « Je » ne vois, dit-il, aucune raison pour condamner » M. Saltmarsh; à coup sùr, la ruine d'une seule >> famille vaut mieux que celle de beaucoup. >> Je demande, s'écria sir Nevil Poole, que » M. Martyn soit sommé de dire de quelle famille » il entend parler. Du roi et de ses enfants, »> reprit Martyn sans hésiter (1); violence jusque-là inouïe, et que le parti qui s'y livrait était bien loin de pouvoir soutenir. Aucune nouvelle enfin n'arrivait d'Écosse; on ignorait même si les commissaires avaient débarqué; et chaque jour on craignait d'apprendre que le roi marchait sur Londres, ou qu'il avait mis le siége devant Glocester, la dernière place qui restât au parlement dans l'ouest du

(1) Whitelocke, p. 68.

royaume, la seule qui, gênant encore, du sud-ouest au nord-est, les communications des armées royales, les empêchât d'agir partout de concert (1).

Les passions cédèrent aux périls; les partis jugèrent sainement de leur situation. Ni l'un ni l'autre n'était assez fort pour écraser promptement son adversaire, et demeurer en état de faire ensuite avec avantage la guerre ou la paix. Au lieu de chercher leur salut, les modérés dans la faiblesse, les fanatiques dans la frénésie, les premiers comprirent qu'avant de traiter il fallait vaincre, les seconds que pour remporter la victoire, c'était à eux de servir, à leurs rivaux de commander. Toute méfiance fut suspendue, toute ambition ajournée. Un comité où siégeaient quelques uns des plus chaux partisans de la guerre (2) se rendit auprès d'Essex (3), l'informa des mesures qu'on venait de prendre pour recruter et pourvoir de tout son armée, lui demanda ce qu'il souhaitait encore, remit enfin en ses mains le sort de la patrie, avec les plus éclatants témoignages de la confiance du parlement. De leur côté, le comte et ses amis se por

(1) Whitelocke, p. 69.

(2) MM. Saint-John, Strode et Crew, auxquels fut adjoint M. Pym, après quelque opposition.

(3) Le 4 août 1643. Journals of the house of Commons, t. III, p. 15. Clarendon, Hist. of the rebell., t. VI, p. 187.

tèrent à la guerre aussi vivement que s'ils n'eussent jamais formé un autre désir (1) Hollis, qui avait demandé un passe-port pour se retirer sur le continent avec sa famille, le fit révoquer et resta : partout les hommes naguère accusés de lâcheté ou de trahison étaient à la tête des préparatifs, des efforts, des sacrifices; et leurs fougueux adversaires, réservés maintenant et dociles, les secondaient avec ardeur, mais sans bruit. Ils laissèrent même ordonner presque sans résistance l'exclusion de Henri Martyn et son emprisonnement à la Tour après sa dernière incartade (2); tant leur résolution était ferme de tout sacrifier à ce bon accord momentané, seul moyen de salut. Une si sage conduite porta bientôt ses fruits; tandis que Waller et Manchester formaient, chacun de son côté, une armée de réserve, les levées d'hommes, d'argent, les approvisionnements de toute sorte destinés à celle d'Essex, la seule qui pût rentrer promptement en campagne, s'opérèrent avec une rapidité inouïe; quatre régiments de la milice de Londres voulurent y servir; et le 24 août, après une revue solennelle passée à Hounslow-Heath, en présence

(1) Rushworth, part. 3, t. II, p. 291.

(2) Le 16 août 1643. Parl. Hist., t. III, col. 161.

de la plupart des membres des deux chambres, le comte partit à la tête de quatorze mille hommes, pour aller à marches forcées au secours de Glocester, que le roi, comme on l'avait craint, bloquait étroitement depuis quinze jours (1).

C'était bien à regret que Charles, après sa victoire, n'avait pas tenté, sur Londres même, une entreprise plus décisive; la résolution en avait été formée, et d'après un plan dont le succès semblait assuré tandis que le roi se serait avancé de l'ouest à l'est, lord Newcastle, vainqueur aussi dans le comté d'York, aurait marché du nord au sud, et les deux grandes armées royalistes se seraient réunies sous les murs de la cité. Après la prise de Bristol, Charles se hâta d'envoyer à lord Newcastle un de ses plus fidèles serviteurs, sir Philippe Warwick, pour lui faire part de ce dessein et l'engager à se mettre en mouvement. Mais les grands seigneurs attachés au parti du roi n'étaient pas des généraux qu'il pût faire agir à son gré : ils avaient reçu de lui leur commission, non leur pouvoir; et contents de soutenir sa cause dans les lieux où s'exerçait leur influence, ils se souciaient

(1) May, Hist. du Long-Parl., t. II, p. 241. Mémoires de Hollis, p. 16, dans ma Collection.

peu de perdre, en se déplaçant, leur indépendance avec leurs moyens de succès. Newcastle, fier, magnifique, aimant la pompe et le loisir, craignant la fatigue et l'ennui de la contradiction, entouré lui-même d'une petite cour où l'élégance de son esprit et de ses mœurs attirait des hommes d'un commerce agréable, ne voulut ni s'aller perdre à Oxford, au milieu des courtisans, ni se trouver, dans l'armée du roi, au-dessous d'un grossier étranger comme le prince Robert. Après avoir écouté froidement la proposition que lui portait Warwick : « Je me rappelle, lui dit-il, l'histoire du >> rebelle irlandais Tyrone, fait prisonnier par le >> vice-roi Mountjoy et amené à la reine Élisabeth ;

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lorsqu'il vit, dans les appartements de Whitehall, >> le vice-roi à peine remarqué, et attendant, comme » les autres, que la reine parût, il se tourna vers >> l'un de ses compatriotes et lui dit : — Que je >> suis humilié d'avoir été fait prisonnier par un >> homme qui me semblait puissant, et qui mainte>>nant, confondu dans la foule, se fait assez petit » pour attendre sur le passage d'une femme! >> Pour moi, tant que Hull ne sera pas pris, je ne puis quitter le comté d'York (1). » Warvick trans

(1) Mémoires de Warwick, p. 200-202, dans ma Collection. Clarendon, Hist. of the rebell., t. VI, p. 191.

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