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vail, entre l'honnêteté et la dépravation. Il n'y a plus dans notre société, creusée jusqu'au tuf par soixante ans de révolutions réformatrices, il n'y a plus d'autre antagonisme possible entre les citoyens. Gaulois et Francs! c'est le cri de la démence, de la perversité ou de la sottise. Choisissez !

Et aussi bien, nous somines une étrange époque ! Autrefois, dans un temps régulier, chez un peuple doué de quelque bon sens, il n'y aurait pas eu assez de sifflets pour les utopies rétrospectives qui sont le fond et la broderie des Mystères du Peuple. Aujourd'hui, cette revendication de la propriété sur des conquérants morts depuis deux mille ans, cette reprise d'une hostilité plus vieille que notre histoire, cette hideuse et sotte guerre faite aux yeux gris clair, aux nez aquilins et aux abdomens proéminents, toutes ces folies d'un fantaisiste à bout de moyens sont à la veille, si nous n'y prenons garde, d'avoir une voix dans l'Assemblée nationale, un siège dans le parlement.

Mais les Français de Paris y mettront bon ordre. Espérons-le, et puissions-nous en finir avec l'auteur de Plick et Plock, comme candidat, comme homme politique et même, à moins qu'il ne s'amende, comme romancier!

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M. Victor Hugo est aujourd'hui le principal orateur si ce n'est le chef du parti ultra-démocratique dans l'Assemblée nationale.

J'espère démontrer, dans la suite de cette étude, comment l'examen des causes qui ont amené cette situation politique pour M. Victor Hugo est une question d'art et de critique littéraire. Pour le moment, je tiens seulement à constater un fait par son talent et sa renommée, par l'élévation de son rang, comme académicien, comme pair de France sous le dernier règne, comme représentant du peuple, M. Victor Hugo est aujourd'hui le premier démagogue de France, peut-être d'Europe, j'entends celui qui est le plus en vue, celui dont la voix porte le plus loin, qui réunit avec la supériorité la moins contestable les deux qualités principales de l'éloquence démagogique, l'éclat et la sonorité. Quant à son importance dans le parti, ̈

M. Victor Hugo, j'en ai bien peur, est un de ces orateurs qui ne deviennent jamais ministres, un de ces généraux qui ne sont jamais rois. Mais n'anticipons pas.

Quand nous sommes amené, par la force des choses et le malheur des temps, à traiter, à propos d'un écrivain si célèbre, une si délicate question d'art et d'histoire contemporaine, M. Victor Hugo ne doit s'en prendre qu'à lui-même de la liberté que nous nous permettons, car il nous a donné l'exemple. Il a attaqué, nous nous défendons. Contre nous, j'entends contre nos amis, contre nos idées, contre notre parti dont il était l'élu, il a emprunté toutes les armes que fournit l'esprit de faction. Contre lui, nous gardons les nôtres. A la guerre ouverte, nous opposons la critique loyale. M. Victor Hugo a passé dans les rangs ennemis avec accompagnement de fanfares. Nous restons sous notre drapeau qui fut le sien, caché dans son ombre, humble défenseur d'une sainte cause, celle de la sociabilité française, où l'admirable supériorité des chefs ne laisse que le mérite du dévouement aux simples soldats.

Il y a bien des routes qui mènent à la démagogie. Il y a bien des portes ouvertes sur la limite qui sépare le libéralisme intelligent et modéré du radicalisme aveugle et turbulent, l'esprit de progrès et l'esprit de démolition. La démagogie est comme le palais de ce roi des ombres que décrit Virgile :

Mille chemins ouverts y conduisent toujours.

On y entre par ambition, convoitise et perversité. On y entre par le royalisme, témoin Marat; par les coulisses, comme. Collot d'Herbois; par le roman, comme

M. Eugène Sue; par l'Évangile, comme M. Lamennais. On y entre par exagération, intempérance ou orgueil d'esprit, par faiblesse ou par sottise. On peut choisir.

Dira-t-on que M. Hugo s'est fait démagogue par ambition? Jusqu'à ces derniers temps l'auteur des Orientales était resté homme de lettres et poète, pas autre chose. Personne ne s'était aperçu, même à la tribune de la Chambre des pairs, qu'il y eût en lui l'étoffe ou même la prétention d'un homme d'État. D'un autre côté, comment supposer qu'un écrivain d'un si vigoureux esprit ait été fasciné, depuis Février, par le mirage des vertus qui brillent sur la cime de la Montagne ou séduit par l'espoir d'appuyer à cette base fragile le triomphe d'une heure ou le pouvoir d'un jour? M. Victor Hugo est trop habile, il sait trop bien l'histoire pour se faire la moindre illusion sur le degré d'influence qu'un poète est appelé à exercer dans le parti qui l'a adopté et qui l'applaudit. Il sait bien que le temps est passé de ces miracles de la poésie...

Tum vero in numerum faunosque ferasque videres
Ludere, tum rigidas motare cacumina quercus.

Mais il y a des pays où les hommes s'attellent à la voiture de l'artiste qui a supérieurement joué une sonate. La faction démagogique a traité M. Victor Hugo comme la première trompette du parti, « je ne sais quoi de puissant et de magnifique, de creux et de sonore », écrivait un critique célèbre (M. SainteBeuve) en 1835; quelque chose, dirai-je à mon tour, qui est à l'éloquence habituelle de nos tribuns du peuple ce qu'un instrument fabriqué dans les ateliers

de Sax est à un simple clairon d'infanterie. Ce serait bien assez, après tout, pour expliquer, dans cette récente métamorphose de M. Victor Hugo, le succès de sa parole, sans accuser ni l'infirmité de son esprit, ni les calculs de son ambition, ni la facilité et la corruption de sa conscience. Ce serait trop peu pour expliquer la métamorphose elle-même; car, à coup sûr, l'auteur de Notre-Dame de Paris a le même droit que M. de Lamartine de prétendre qu'il est autre chose qu'un baladin propre à divertir les hommes sérieux. Cherchons donc, puisque notre thèse consiste à exclure toute autre cause, si ce n'est pas l'écrivain qui a compromis le politique dans cette transfiguration en apparence si soudaine; si ce n'est pas la forme qui a entraîné le fond; en un mot, s'il y a autre chose qu'une question d'esthétique dans cette défection éclatante qui appelle en ce moment, sur le nom de M. Victor Hugo, une célébrité si nouvelle, et, suivant nous, si malheureuse.

Suivant moi, M. Victor Hugo n'est devenu démagogue que parce qu'il est resté romantique. Le romantisme a été pour lui en même temps le prélude, l'apprentissage et l'excitation de la démagogie.

Le romantisme et la démagogie! Il y a là, si je n'y prenais garde, de quoi faire cabrer beaucoup de très honnêtes esprits qui ne songent plus à mal, mais que le premier feu de l'imagination et le premier élan de l'âge avaient emportés à la suite des novateurs, au temps où le romantisme était plus qu'une doctrine, où c'était une petite faction. C'est alors que M. Victor Hugo écrivait : « Le romantisme tant de fois mal défini n'est, à tout prendre, et c'est là sa définition réelle,

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