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En fait une chenille; on l'évite, on le fuit ;

Des ruelles l'Amour le chaffe ;

Et des plaifirs prenant la place,
L'ennui le gagne & le poursuit.

UN garçon qui le dit: après moi je ne laisse
Point de femme, d'enfant; ne fe refuse rien,
Et, faute de compter, diffipant tout fon bien,
Il fe refufe tout dans l'affreufe vieilleffe.
Peut-être les meilleurs amis,

A la trifte indigence après l'avoir foumis,
Le livreront à fa détreffe.

Amis! que dis-je, hélas! depuis le fiècle d'or
Eft-il de vrais amis encor?

Où retrouver un Pilade, on Orefte ?
Dès-long-temps le nom d'Amitié,

Nom profané, prefque oublié,

D'un fentiment fi doux eft tout ce qui nous reste.

CETTE perfide liberté

Dont abufe up Célibataire,
Par des excès nombreux altère fa fanté;
Jeune vieillard, fouffrant & grabataire,
Il croit quitter le monde alors qu'il eft quitté,
Lorfque fon dernier jour l'éclaire,

Le malheureux eft entouré

D'héritiers, fes parens au vingtième degrés
Autour de fon lit funéraire

Il vojt ces.vautours aux aguets,

Sans attendre la mort, faifant fon inventaire,
Déjà de fon convoi minuter les billets.

A LA merci de fes Valets,
De fes collatéraux, ah ! qu'un Célibataire
Infirme & vieux, eft malheureux !
Que ces titres fi doux & d'époux & de père,
Sont confolans dans ces momens affreux,
Où cette femelle hideuse,

D'une main décharnée arrêtant le fuseau

Que tourne la vieille fileufe,

Sur l'acier de fa faulx aiguise son cifeau !
Qu'un époux de ses jours ait vu s'ufer la trame;
De fes regards éloignant ce tableau,

Par les plus tendres foins, des enfans, une femme
Ralentiront fes pas s'il defcend au tombeau.
Un père adoré va revivre

Dans fes enfaus chéris, appui de fes vieux ans ;
Et le Célibataire au défefpoir fe livre,

Quand il voit les derniers inftaus.

CELUI qui dans le mariage

Croit ne voir qu'un dur esclavage,

N'a pas vu le bonheur des époux bien unis.
Mais, hélas ! dira-t'il, combien de temps fubfifte
Cette union fi tendre? eft il vrai qu'elle exifte?
Du temple de l'Hymen les amours font bannis,
SA chaîne, croyez-moi, feroit plus fortunée,
Si l'homme étoit plus jufte; il ne tiendroit qu'à vous,

( Je parle à Meffieurs les époux ) Que toujours on vit l'hyménée Des myrtes de l'Amour la tête couronnee.

QUAND pour en tracer le tableau, L'époux toujours amant conduira le pinceau, Reffemblant à peu-près à fon aimable mère, Il plaira comme lui, peut-être un peu moins beau. La beauté plaît aux yeux; c'est au cœur qu'il doir

plaire.

Dépouillé de fon air auftère,

De l'Amour il aura le fourire enchanteur,
Et fon regard plein de douceur,
Auffi tendre, mais plus fincère,
Mais fans caprice plus conftant,
Comme lui, d'une aile légère,

He prenant point l'effor fitôt qu'il eft contents
De l'aveugle enfant de Cythère
Il empruntera le bandeau,

Bandeau par fois plus nécessaire

Aux époux,qu'aux amans faits pour tout voir en beau.
Mais, victime de l'hyménée,

Sous fes loix une femme en efclave enchaînée,
Accufe de menfonge un fi riant tableau.

Trop inftruite à le méconnoître,

Sous fon joug defpotique ayant long-temps gémi,
Hélas! elle n'a vu qu'un maître, amb

Qu'un froid tyran, dans l'époux qui doit être
Et fon égal & fon ami.

*

S'IL faut s'en rapporter aux hommes,

Il eft des Philémon, même au siècle où nous fommes ;
Mais, hélas! diront-ils, quel eft l'heureux pays
Où l'on pourroit encor trouver une Baucis?
De la femme en traçant l'efquiffe,

Quelque mauvais plaifant, ou quelque plat bouffon,
Nous la peindroit fans ame & fans raifon:.
A ce fexe charmant rendons plus de juftice.
La femme a des défauts, il faut en convenir;
Mais c'eft par la raifon qu'on la fait revenir,
C'est la raison qui la corrige.
Voulez-vous être oui; parlez raifon, vous dis-je.
Mais vous qui raifonnez fi bien,

Me diront les maris, daignez donc nous apprendre
Quel eft le parti qu'il faut prendre
Lorfque la raifon n'y fait rien.

Meffieurs, il peut très-bien le faire
Qu'elle n'y faffe rien quand elle est trop févère.
Par la douceur il faut perfuader:

Le ton brufque, grondeur ne fait qu'intimider.
A la longue il révolte, aigrit le caractère.

Du ciel pour vous si libéral,

Quoi! vous reçûtes feuls la raifon en partage?
Vous le dites, Meffieurs ; mais vous le prouvez mal,
On va vous contefter un fi noble avantage,
Lorfque cette raison, jouet d'un goût fatal,
Auprès d'une Circé viendra faire naufiage;
Lorfque fortant d'un fouper clandeftin,

Vous trouvez chez vous le matin

Une femme qui vous adore

Et qui vous cache le chagrin

Qui nuit & jour en fecret la dévore; Qui prend pour vous un air ferein, D'une main effuyant fes larmes, Et vous préfentant l'autre avec un doux fouris; Lerfqu'enfin dédaignant la tendreffe & fes charmes, A l'infidélité vous joignez le mépris,

Perfides & cruels maris,

Dans vos égarémens ferez-vous pardonnables ?
Serez vous feuls alors juftes & raisonnables ?

CONCLUONS donc qu'avant de s'unir par l'hymen,

De part

& d'autre on devroit faire

Un très-férieux examen

Et du cœur & du caractère.

En prenant femme, un homme rifque peu ; D'un fexe doux & foible il fera toujours maître. Pour la femme, c'est trop gros jeu;.

Elle eft, après ce trifte aveu,

Ce que l'hymen lui permet d'être.

(Par M. Dulondel, Secrétaire des Commandemens. de Mgr. le Duc de Penthièvre.)

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