Lorsqu'Annius fut arrivé à Rome avec les autres députés, on leur donna audience dans le Capitole. Là T. Manlius leur ayant commandé de la part du Sénat de laisser en repos les Samnites alliés du peuple Romain, Annius prit la parole, & parlant comme un vainqueur, qui se seroit emparé du Capitole, les armes à la main, & non comme un ambassadeur, qui ne doit sa sûreté qu'à son caractère: » Il étoit tems, dit-il, » T. Manlius, & vous messieurs >> les Sénateurs, que vous cessas>> fiez de nous parler en maîtres, >> voyant à quel dégré de puis>> fance se sont élevés les Latins, >> depuis que, par un bienfait des >> dieux, ils ont vaincu les Samnites » & fait alliance premièrement >> avec les Sidiciniens & les Cam>> paniens, & tout récemment avec >> les Volsques; & que vos colo>> nies elles - mêmes ont préféré >> notre Empire au vôtre; mais, >> puisque vous ne sçauriez vous >> réfoudre à renoncer à votre do» mination tyrannique, quoique >> nous soyons en état de recou>> vrer notre liberté par la force >> des armes, nous voulons bien >> cependant, en considération de >> la parenté, vous propofer des >> conditions raisonnables, & qui >> ne foient pas plus favorables » à un peuple qu'à l'autre, puif» qu'il a plu aux dieux de mettre >> entr'eux une parfaite égalité. Il >> faut que des deux Confuls, l'un >> soit pris de Rome, & l'autre >> du Latium; que le Sénat soit >> composé d'autant de Latins que >> de Romains; & que par-là nous » ne fassions avec vous qu'un » même peuple & une même » république. Et comme la capi>> tale de l'Empire ne peut être » que d'un côté, & qu'il faut né>> cessairement qu'un parti céde à » l'autre en ce seul point, nous >> consentons que Rome foit le » siége de l'Empire, & que nous >> portions tous le nom de Ro>> mains, priant les dieux que ce >> traité tourne à l'avantage des >>> uns & des autres. " Les Romains avoient alors dans la personne de T. Manlius, un consul qui n'étoit, ni moins fier, ni moins violent qu'Annius; car, bien loin de retenir sa colère, il déclara que si les Sénateurs étoient assez insensés, pour se laisser donner la loi par un Sétinien, il viendroit dans le Sénat armé d'un poignard, & tueroit, de fa main, tout autant de Latins qu'il en verroit dans l'assemblée. Et se tournant vers la statue de Jupiter : » Dieu puissant, dit>> il, fouffrirez-vous qu'on intro>> duise dans votre sacré temple >> des étrangers, pour y faire les >> fonctions de Sénateurs & de >> Confuls, & vous y tenir vous» même comme prifonnier & >> comme vaincu ? Est-ce fur ce >> pied-là, peuples Latins, que >> les trois Tullus & L. Tarquin >> ont traité avec vos peres? Ne >> vous souvient-il plus de la ba>> taille du lac Régille ? Avez» vous déjà oublie & vos ancien>> nes actions & les bienfaits que >> vous avez reçus de nous ? « Ce difcours du Conful excita contre les Latins l'indignation de tous les Sénateurs. On ajoûte mê. me que, comme ils prenoient les dieux à témoins de la rupture du traité, & qu'ils imploroient leur fecours & leur vengeance, Annius sortit brusque ment du Sénat, en se moquant de Jupiter en des termes pleins de mépris & d'impiété, & que comme il marchoit à grand pas, & tout bouillant de colère, il tomba du haut du dégré en bas, & donna de la tête contre une pierre si lourdement qu'il se tua. Tite-Live ne donne point ce fait pour certain, parce que tous les Auteurs n'en convenoient pas, non plus que l'horrible tempête que quelques - uns assurent s'être élevée dans le tems que les Sénateurs prioient les dieux de punir la perfidie des Latins. Car, ajoûte l'Historien, s'il se peut faire qu'il y ait du vrai, il n'est pas possible non plus que les Écrivains n'aient embelli leur récit de ces circonftances propres à faire craindre aux impies la colère & la vengeance céleftes. ANNIUS [T.], T. Annius, (a) T. A. L'an de Rome 534, il fut envoyé en qualité de Triumvir pour partager les campagnes aux colonies de Crémone & de Plaisance, qu'on avoit établies depuis peu le long du Pô, dans la Gaule Cifalpine. Ses collégues étoient C. Lutatius & C. Servilius. Quelques-uns mettent Q. Acilius & C. Hérennius à la place de C. Servilius & de T. Annius. (4) Tit. Liv. L. XXI. c. 25. (b) Plut. Tom. I. pag. 831. Roll. Quoiqu'il en soit, dans le tems que les Triumvirs faifoient le partage du territoire en question, les Boïens, avec les Insubriens, ayant pris brusquement les armes, se répandirent dans ce même territoire; & ils jettérent dans tout le païs tant d'effroi, que non seulement les gens de la campagne, mais les députés Romains comptant pas assez sur les murailles de Plaisance, se réfugiérent à Modène avec beaucoup de précipitation. Voyez Acilius. ne ANNIUS, Annius, Αννιος, (b) étoit contemporain de Tibérius Gracchus. Ce fameux Romain, par le peu de ménagément qu'il gardoit avec le Sénat, se trouva, l'an de Rome 619, exposé à mille invectives & à mille reproches. Mais, il n'eut point de plus rude assaut à foûtenir que сеlui que lui livra cet Annius, homme qui ne lui étoit nullement comparable, ni pour la naissance, ni pour les talens, ni pour les mœurs; mais qui, dans les altercations, avoit un art fingulier pour embarrasser ses adversaires, par des questions captieuses, ou par de fines & droites reparties. Annius eut l'audace de fommer Tibérius de convenir qu'il avoit outragé un Magiftrat, dont la personne étoit sacrée. Le Tribun, offensé, convoque sur le champ l'assemblée du peuple, y traduit Annius, & se prépare à l'accuser. Mais, celui-ci sentant combien la partie seroit inégale, eut recours Hift. Rom. Tom. V. pag. 209, 210 à ce qui faisoit sa force. Il demanda à Tibérius la permission de lui faire une question. Tibérius y confentit, & tout le peuple demeura en filence. Alors Annius dit ce peu de paroles: >> Vous voulez >> vous venger de moi. Je suppo> se que j'implore le secours d'un >> de vos collègues. S'il me prend >> sous sa protection, & qu'en >> conféquence vous vous mettiez » en colère, le dépouillerez-vous >>> du Tribunat? « Tibérius, à cette demande, fut tellement déconcerté, que quoiqu'il fût l'homme du monde le plus en état de parler sans préparation, & le harangueur le plus hardi & le plus déterminé, il demeura muet, ne répondit pas une feule parole, & congédia l'assemblée sur le champ. ANNIUS, Annius, Αννιος, (a) officier de C. Marius. Ce fut cet officier qu'on envoya, l'an de Rome 665, avec plusieurs foldats pour couper la tête à M. Antoine, l'Orateur, & l'apporter à son maître. Quand on fut arrivé à la maison où étoit Antoine, Annius demeura à la porte ; & ses soldats étant montés par un méchant petit escalier dans la chambre, & ayant envisagé Antoine, ils se renvoyoient les uns aux autres l'exécution; tant l'éloquence de ce personnage, comme une Sirène enchanteresse, étoit pleine de douceur, de perfuafion & de grace. Il n'eut pas plutôt commencé à parler & à les prier de lui sauver la vie, qu'il ne s'en (a) Plut. Tom. I. pag. 431. Roll. Hift. Rom. Tom. V. pag. 571, 572. trouva pas un qui eût le cœur affez dur pour mettre la main fur lui, ni qui ofât le regarder en face; mais, baissant tous la vue, ils se mirent à pleurer. Comme cela duroit long-tems, Annius, qui s'impatientoit, monta dans la chambre, & vit Antoine qui parloit à ses soldats, & fes soldats si charmés & fi enchantés de son éloquence, qu'ils en étoient attendris. Il les appelle lâches & traitres ; & courant à Antoine, il lui coupa la tête de sa propre main, & l'apporta à Marius. Ce barbare étoit encore tout sanglant, lorsqu'il la présenta à son maître, aussi barbare que lui; car, il prit de ses mains la tête d'Antoine, & ne craignit point de fouiller la table, qui étoit regardée par les Anciens comme quelque chose de sacré, du sang d'un si illustre Citoyen, & d'un si grand Orateur. Quand il eut donné le tems à ses yeux de se repaître de ce cruel spectacle, il la rendit pour être placée sur la tribune aux harangues. ANNIUS [C.], C. Annius, Κ. Α'ννιος, lieutenant de Sylla. Voyez C. Annius. ANNIUS MILON, Annius Milo, Α'ννιος Μίλων. Voyez Milon. ANNIUS [T. ANNIUS SCAPULA), T. Annius Scapula.. Voyez Scapula. (b) Sallufte, dans l'histoire qu'il nous a laissée de la conjuration de Catilina, nornme parmi les complices P. Annius de l'ordre des Sénateurs, & Q. Annius. Et (b) Salluft. in Catilin. c. 10, 33. Ira Jugurth, c. 26, SI ; 1 dans l'histoire de la guerre de Jugurtha contre les Romains, il fait mention i. d'un L. Annius, tribun du peuple avec P. Lucullus; ces deux tribuns, qui, par leurs querelles, donnoient alors d'horribles tecousses à la République, vouloient, à toute force, être continués dans leurs charges 2.0 d'un C. Annius, préset de quatre cohortes Liguriennes, qu'on envoya à Leptis sur la demande que ceux de cette Ville en avoient faite. (a) Cicéron de même, dans ses harangues, nomme plusieurs Annius. 1.° C. Annius Asellus, qui mourut dans le tems que C. Sacerdos étoit préteur, & qui ne laissa qu'une fille, qu'il avoit conftituée son héritière; mais, Verrès trouva le moyen de lui enlever la succession. 2.o C. Annius Bellienus, lieutenant de M. Fonteius, dans la Gaule. 3.o M. Annius Appius de Camérte, ville d'Italie, auquel Marc-Antoine accorda le droit de bourgeoisie. 4.° M. Annius, chevalier Romain, qui déposa contre Verrès, &c. ANNIUS, Annius, Ανιος, (b) furnommé RUFUS. Il succéda dans le gouvernement de Judée à Ambivius, & eut, pour succes seur, Valérius Gratus. Il gouverna cette province, depuis l'an du monde 4016, jusqu'en 4018. Ce fut pendant fon gouvernement qu'arriva la mort d'Auguste. Il (a) Cicer. in Verr. L. III. c. 9, 73.1 L. VII. C. 59, 121. Pro Fontei. c. 7. Pro Corn. Balb. c. 36. (b) Jofeph. de Antiq. Judaïc. p. 619. , avoit été envoyé par ce prince en Judée. Il fut rappellé par Tibère. ANNIUS, Annius Αννιος (c) furnommé Bassus, lieutenant de la onzième légion, l'an de Rome 821. Cette légion, grossie de fix mille Dalmates, étoit commandée par Pompeus Sylvanus, homme confulaire. Mais, comme cet officier avoit peu d'expérience dans la guerre, & qu'il passoit à raisonner le tems où il falloit agur, Annius Bassus avoit toute l'autorité fur les troupes ; & prenant, en apparence, les ordres de Sylvanus, il le gouvernoit en effet, observoit avec attention toutes ses démarches, & lui fuggéroit adroitement tout ce qu'il étoit à propos de faire. ANNIUS, Annius, Ανις, (d) qui fut surnommé FAUSTUS, étoit de l'ordre des Chevaliers. Comme il avoit fait, sous l'Empire de Néron, le métier de Délateur, & qu'il avoit accusé, entr'autres, le frere de Vibius Crifpus, celui-ci le cita devant le Sénat après la mort de l'Empereur. Il se fondoit fur un arrêt que le Sénat avoit rendu tout récemment, pour obliger les accufateurs à rendre compte de de leur conduite. Cet arrêt subsistoit encore, quoiqu'il fût aufli souvent négligé qu'exécuté, felon que les accusés étoient foibles ou puissans. Mais, outre cet acte que Crispus faifoit valoir, il employoit encore toute fon éloquence, fon pouvoir, & fon crédit, pour (c) Tacit. Hift. L. III. c. 5o. Crév. Hift. des Emp. Tom. III. p. 213, 214. (d) Tacit. Hift. L. 11 c. 10. opprimer l'accusateur de son frere; & il avoit tant fait, qu'il avoit engagé la plus grande partie des Sénateurs à demander qu'Annius Faustus fût puni de mort, sans qu'on voulût entendre sa défense. Les autres au contraire étant d'autant plus favorables à cet accusé, que son adversaire avoit plus de puissance & d'autorité, vouloient qu'on lui fit connoître ses crimes, & que quelqu'odieux & coupable qu'il pût être, on lui laissat, suivant l'usage, le tems & la liberté de répondre. Cette opposition fit différer son jugement de quelques jours; & à la fin il fut condamné, mais d'un consentement moins unanime que sa malice & fa cruauté ne le méritoient. Car, on se souvenoit que Crifpus lui-même s'étoit enrichi dans le métier, dont il faisoit un crime à fon ennemi; ensorte qu'on trouvoit qu'Annius Faustus auroit été légitimement condamné & puni, si ç'eût été à la poursuite d'un autre. Son arrêt fut prononcé, l'an de Rome 821. ANNIUS, Annius, Αννος (a) qu'on surnomma GALLUS, étoit un homme de beaucoup d'expérience & de capacité. Othon, dont il suivit constamment le parti, lui confia le commande ment de l'armée, qui devoit marcher contre Cécinna & Valens, l'an de Rome 821. Vestricius Spurinna commandoit conjointement avec lui. Celui-ci ayant été envoyé devant pour défendre les (a) Tacit. Hift. L. I. c. 87. L. II. c. 11, 23, 33. L. IV. c. 67. L. V. c. 19. bords du Pô, écrivit quelque tems après à Annius Gallus pour lui apprendre la levée du siége de Plaisance, tout ce qu'il avoit fait pour sauver cette place, & les démarches présentes de Cécinna. Annius, qui étoit actuellement en chemin avec une légion, pour venir à son secours, dans la crainte, qu'avec un petit nombre de cohortes, il ne fût obligé de céder à la force des troupes aguerries de Germanie, n'eut pas plutôt appris que Cécinna & les fiens avoient été repoussés, que ses soldats brûlant du desir de combattre, lui firent presque violence, pour l'obliger à les mener contre l'ennemi; ensorte qu'ayant appaisé la sédition, avec beaucoup de peine, il conduifit sa légion à Bédriac, petit bourg, situé entre Crémone & Vérone, & célebre par le malheur de deux armées Romaines, qui y furent défaites à peu d'intervalle l'une de l'autre. Malgré une conduite si sage, il fut accufé de trahifon; & cela par les plus lâches de ses soldats. Une blessure qu'il s'étoit faite en tombant de cheval, l'ayant empêché de suivre l'armée, on ne laissa pas d'envoyer le consulter dans l'endroit, où il étoit resté pour se guérir, sur le projet d'Othon, qui vouloit attaquer Vitellius. Il fut d'un avis contraire; mais on n'y eut point d'égard, non plus qu'à celui de Celfus qui avoit opiné de même. L'événement fit voir que ces deux Géné T Crév. Hift. des Emp. Tom. III. pag. 87. & juiv. |