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songes, de fictions, de contes apocryphes, etc., il n'en est pas moins certain, comme l'observe le savant Potter, que la véritable ro ligion payenne, celle qui fut adoptée par les nations les plus polies et les plus savantes, celle qui fut établie par les lois et par l'autorité publique, est la même qu'on trouve dans les écrits des poëtes; elle est toute fondée sur la mythologie poétique. (1) Cudworth, qui a dépensé tant d'esprit et d'érudition pour faire l'apologie du paganisme, convient également que ce furent les poëtes qui jetèrent dans l'esprit des peuples les premières semences de religion et de morale, et qu'on ne peut mieux juger des opinions religieuses adoptées par le vulgaire et par le grand nombre des anciennes nations payennes, qu'en consultant les poëtes, les mythologues, leurs premiers maîtres et leurs principaux docteurs en fait de religion. (2)

XI. Pour mieux juger de l'état de corrup-tion où l'idolatrie avoit plongé le genre humain, à l'époque où Jésus-Christ vint dans le monde, et combien on avoit besoin qu'un

(1) Potter's, Antiquities of Grece, tom. 1, cap. 20. (2) Syst. mundi intellect., cap. 4, pag. 355.

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divin instituteur se présentât pour l'en retirer, il n'y a qu'à voir le tableau que saint Paul trace de cet état, et qu'à 'considérer le changement qui, selon le même apôtre, se fit dans ceux qui passèrent des ténèbres du paganisme à la lumière de l'évangile. (1) N'est-ce pasd'ailleurs un fait certain, que, dans les contrées qui ont été éclairées du flambeau de la révélation, et où le christianisme est professé dans sa pureté, les grands principes de la religion naturelle sont mieux compris que partout ailleurs; que le peuple y est plus instruit par la lecture des livres saints, par les prédications des docteurs, par les ouvrages des théologiens; qu'il y est beaucoup plus éclairé, beaucoup moins sujet à s'en laisser imposer par la superstition, par la fourberie de ceux qui voudroient abuser de sa crédulité, que dans les contrées où la lumière de la révélation n'a pas encore pénétré. (2)

Les déistes, dit Clarke, prétendent qu'il n'étoit nullement besoin de révélation; que la philosophie et la droite raison suffisent par

(1) Ephes. 4, 17 et seq.

(2) Voyez Leland, Answer to christianity of old as the creation, tom. 1,ch.g.

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elles-mêmes; mais nous pouvons sans crainte en appeler à eux-mêmes, et leur demander s'ils ne croient pas que le témoignage de Jésus-Christ, sur l'immortalité de l'âme et sur l'état à venir, a produit de plus grands effets que tous les raisonnemens des philosophes qui parurent jamais dans le monde? Ne doivent ils pas avouer que, dans les pays où la religion est enseignée, les plus simples et les plus ignorans ont des idées plus saines de Dieu, de ses attributs, de leurs devoirs et de la vie future, que n'en ont jamais eu les païens en général, dans aucun lieu du monde? Mais quand on leur accorderoit que tous les devoirs et tous les motifs de la morale sont d'une nature à pouvoir être découverts et appliqués par les lumières naturelles, que gagneroient-ils à. cela? Il est toujours certain que les plus éclairés des philosophes de l'anti quité n'ont jamais pu en venir à bout, et qu'ils firent profession de croire qu'ils avoient besoin pour cela du secours du ciel. (1)

En effet, les plus sages et les plus instruits se plaignent de la foiblesse de l'esprit humain,

(1) The evid, of nat, and revealed relig., propos. 8,

§3. Trad.fr. ch. 11. Tome I.

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de l'ignorance où les hommes naissent, des peines extrêmes qu'ils ont à en sortir, des difficultés qu'ils rencontrent dans la recherche de la vérité. Ils sentoient le besoin qu'avoient les hommes d'une révélation surnaturelle pour être instruits de la science de la religion et de la règle de leurs devoirs.

A moins, disoit Socrate, qu'il ne plaise à Dieu de nous envoyer quelqu'un pour nous instruire de sa part, n'espérez pas de réussir jamais dans le dessein de réformer les mœurs des homines. (1) Le même philosophe, comme on l'a déjà observé, exhortoit Alcibiade à attendre que quelque envoyé du ciel vînt lui apprendre de quelle manière on doit se comporter envers les Dieux, dans l'oblation des prières et des sacrifices. (2) Tous les derniers platoniciens et pythagoriciens en général, tels que Porphyre, Hieroclès, Proclus, etc. convenoientdela nécessité d'une révélation divine pour instruire les hommes de tout ce qui a rapport à la science divine. «Il est manifeste, dit Jamblique, qu'il faut faire ce qui plaît à Dieu; mais il n'est pas aisé de savoir ce qui

(1) Plutarq. In apolog. Socr.
(2) Plato. In primo Alcibiade.

lui plaît, à moins que Dieu ne vienne luimême l'apprendre aux hommes, ou quelqu'un de sa part, ou qu'il ne leur communique cette connoissance par une voie surnaturelle et divine. » (1)

Il est certain que ces idées confuses, que l'on apperçoit dans le paganisme, étoient un reste de l'antique révélation d'un médiateur futur, faite aux premiers pères du genre humain, dont Platón surtout parle d'une manière mystérieuse et presque prophétique. Cette révélation s'étoit conservée vaguement par tradition chez leurs descendans. Les philosophess'étoient entretenus dans ces idées par la lecture des monumens de la révélation judaïque, devenus plus accessibles aux Grecs, depuis qu'ils avoient été traduits dans leur langue.

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On peut même dire que ce n'est pas dans leur propre fond et dans les seules lumières de la raison, que les anciens philosophes ont puisé ce que leurs divers systêmes renferment de plus exact. C'est un fait très-connu, que les plus renommés d'entr'eux avoient été s'ins truire en Egypte et en diverses contrées de

(1) In vita Pythagoræ, cap. 28.

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