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semblent presque toujours ne diriger leurs argumens que contre sa spiritualité, bien convaincus qu'après avoir frappé celle-ci, celle-là tombera d'elle-même. Pour mieux se déguiser dans ce genre de combat, sous un faux masque de religion, ils affectent de représenter la question sur la nature de l'âme comme une question purement philosophique, où la foi n'est nullement intéressée: ils vont chercher dans l'Ancien-Testament des preuves, au moins négatives, de ce paradoxe : ils allèguent quelques pères de l'Eglise, qui, disent-ils, croyoient l'âme matérielle, et cependant éternelle: enfin ils soutiennent que rien n'empê-che que Dieu ne puisse lui accorder le don de l'immortalité, quand bien même elle ne seroit pas spirituelle de sa nature.

Il s'en faut cependant de beaucoup que ce soit là une question purement philosophique; elle appartient également à la raison et à la religion. Jésus-Christ n'en fait pas un point particulier de la doctrine qu'il est venu enseigner aux hommes; il suppose cette vérité dans ceux à qui il adresse ses leçons, comme en étant suffisamment instruits par la simple raison. Quand il leur parle de la fin de l'homme, quand il leur prescrit les devoirs de la loi, quand il leur promet l'immortalité bienheu

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reuse, ou qu'il les menace d'une éternité de souffrances , on voit évidemment que tout l'édifice de sa doctrine porte sur le fondement de la distinction de l'âme et du corps, et qu'il suppose que l'âme a une prééminence marquée sur le corps. La vraie philosophie éclaircit, développe, appuie cette distinction et cette prééminence, soit par les preuves qu'elle en donne, soit par la résolution des difficultés dont ces preuves sont susceptibles. Répandre des doutes ou de l'indifférence à cet égard, dire qu'il ne nous importe guère de savoir quelle est la nature de l'âme, pourvu que Dieu ait révélé qu'elle ne doit point mourir, c'est comme si l'on disoit que peu nous importe de connoître par la lumière naturelle la justice des devoirs de morale qui nous sont prescrits dans l'Evangile; que c'est là une question de philosophie à laquelle la religion ne prend aucun intérêt. On se défieroit à bon droit de la sincérité d'une soumission qui rejetteroit ainsi toute lumière naturelle dans la recherche des devoirs. On doit avoir la même défiance pour ceux qui, sous prétexte de s'en tenir humblement à ce qu'enseigne la révélation sur l'immortalité de l'âme, méprisent ou affoiblissent les preuves que nous en fournit la connoissance de sa nature. Cette méthode

L

spécieuse d'élever la foi en abaissant la raison, dont Bayle, Voltaire et tant d'autres ont si étrangement abusé, est très-suspecte dans la bouche des philosophes modernes; et quand on a l'expérience que c'est celle de gens qui d'ailleurs, ou n'admettent pas la révélation, ou qui sont dans l'usage de la dénaturer par des interprétations sociniennes, on ne peut s'empêcher de leur attribuer le but réel de vouloir anéantir la foi même.

Nous ne disons pas que ces réflexions doivent s'appliquer à Locke dans toute leur éténdue; mais il est certain qu'on ne peut le disculper d'avoir donné un dangereux exemple en ce genre, et d'avoir fourni aux incrédules des armes funestes sur cette question importante, par son système sur la nature de l'âme. Il faisoit, à la vérité, profession de croire le dogme de l'immortalité de l'âme : mais, sur ce point, il s'en tenoit à la seule révélation, prétendant par là se mettre à l'abri de tout reproche d'incrédulité, d'erreur et de témérité. Ne voyoit-il donc pas que cette espèce de preuve a l'inconvénient de ne pouvoir être alléguée qu'à ceux qui admettent la révélation, et qu'elle n'est nullement satisfaisante dans un système, tel que le sien, où la révélation en général n'imprime point un caractère de

démonstration aux propositions qui ne s'endéduisent que par analogie? Il est vrai que les preuves morales dans lesquelles la véracité de Dieu est intéressée, comme elle l'est dans cette question, lui paroissent d'un grand poids, quoique, sur d'autres questions non moins importantes, il les réduise à de simples probabilités. Enfin, n'est-ce pas altérer la force de ce double genre de preuves, que de faire dépendre entièrement l'immortalité de l'âme de la puissance qui est en Dieu, de lui donner ce dont elle n'est pas susceptible de sa

nature?

Cette question fut le sujet d'une longue et vive dispute entre Locke et Stilling-Fleet, comme l'avoit été celle de la spiritualité de l'âme, dont elle étoit une suite. Plusieurs autres habiles théologiens anglois y prirent part. « Le philosophe avoit soutenu que toutes les grandes fins de la morale et de la religion sont établies sur d'assez bons fondemens, sans le secours des preuves de l'immatérialité de l'âme, tirées de la philosophie, puisqu'il est évident que celui qui a commencé à nous faire subsister ici comme des êtres sensibles et intelligens, et qui nous a conservés plusieurs années dans cet état, peut et veut nous faire jouir encore d'un pareil état de

sensibilité dans l'autre monde, et nous y rendre capables de recevoir la rétribution qu'il a destinée aux hommes, selon qu'ils se seront conduits dans cette vie, >> (1)

Le savant évêque de Worcester, peu satisfait de cette preuve, fondée sur un raisonnement de pure analogie, pensoit que, « rien n'assure mieux les grandes fins de la religion et de la morale, que les preuves de l'immortalité de l'âme, établies sur sa nature et sur ses propriétés, qui font voir qu'elle est immaté, rielle, et par conséquent qu'elle survit à la dissolution du corps; car, quoiqu'on ne doute point que Dieu ne puisse donner l'immortalité à une substance matérielle, c'est beaucoup diminuer l'évidence de l'immortalité, que de la faire dépendre entièrement de ce que Dieu lui donne ce dont elle n'est pas capable de sa nature. Locke usoit de récrimination envers son adversaire, qu'il accusoit de jeter des doutes sur la fidélité de Dieu, comme si elle n'étoit pas un fondement assez ferme et assez solide pour s'y reposer sans le concours du témoignage de la raison, ce qui, suivant le philosophe, conduit au scepticis

(1) Essai sur l'entend. humain, liv. 4, ch. 3, §6.

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