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Edouard n'eut pas le temps de sanctionner avant de mourir; mais ils reparurent sous Elisabeth parmi les trente-neuf articles rédigés dans la convocation de 1562, qui réglèrent définitivement, et qui forment, encore aujourd'hui, le symbole de l'Eglise angli

cane.

La réformation ne tarda pas à devenir, en Angleterre, un ouvage de confusion. La sévérité de l'administration, sous le règne de Marie, avoit forcé plusieurs partisans des nouveautés de se retirer au-delà de la mer. Ceux qui s'étoient réfugiés à Genève et en Suisse, en revinrent au commencement du règne d'Elisabeth, et rapportèrent dans leur pays les principes de presbytérianisme qu'ils avoient puisé dans la société de Calvin et de ses disciples. Ces principes, appliqués à la politique, tendoient à établir un systême de résistance à l'autorité souveraine, fondé sur les droits de t'homme, qui commencèrent dèslors à ouvrir la porte à tous les genres de licence. Cartwright et quelques autres allèrent même jusqu'à prêcher contre les distinctions. sociales, à préconiser cette fameuse égalité, si séduisante pour le peuple, si incompatible avec le repos des états.

Le gouvernement vigoureux d'Elisabeth

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comprima les nouveaux missionnaires: mais leur doctrine prit racine dans le cœur de ses sujets, et elle produisit la secte des puritains, qui, dans le siècle suivant, trempa ses mains dans le sang du malheureux Charles I. Ce fut alors que le peuple, appelé par cette nouvelle doctrine à examiner et à changer la croyance religieuse qui l'avoit lié jusque-là, en tira des conséquences assez naturelles pour son autorité politique; qu'érigé en juge dans les mațières qui regardent son salut spirituel, il voulut s'ériger en maître dans celles qui tiennent à son bonheur temporel. On imagina dès-lors d'opposer les droits aux devoirs, et les obligations aux lois de la société. Tout ce qui donna dans la réforme tendit à consacrer ce principe, que l'homme ne doit avoir d'autre règle et d'autre barrière que son sens propre; qu'étant seul juge de ce qu'il doit croire, il l'est également de ce qu'il doit faire. C'est ainsi, comme le sentoit Charles II, que les idées d'indépendance civile s'introduisirent dans l'opinion, à la faveur de celles d'indépendance religieuse. « Cette fameuse liberté, qu'à l'ombre de la réformation se donnoient petits et grands d'examiner les matières de religion, disoit ce prince, les mettoit

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en goût de faire aussi les raisonneurs en matière de politique (1).

VII. A mesure que le principe de la réforme prit faveur, le nombre des sectes se multiplia à l'infini. Dès qu'il n'y eut plus aueun système de doctrine qui pût servir de centre de réunion, dit Collier, chacun voulut user du droit que les réformateurs s'étoient arrogés de tout discuter. Leur doctrine fut réformée à son tour. L'autorité des Pères et des conciles ne les avoit point arrêtés, la leur ne fut pas plus respectée. Ils avoient soumis l'Ecriture au jugement des particuliers, et chaque particulier usa de ce pouvoir pour l'interpréter à sa manière. Du moment, ajoute Feltham, que les gardiens du champ ont été éloignés, il y a crû plus d'ivraie qu'en aucun autre temps, depuis l'établissement du christianisme, Puisque nous négligeons notre froment, ou que nous le mêlons avec ces mauvaises graines pour nous en nourrir, il n'est pas étonnant que des vapeurs malsaines nous fassent tourner la tête et nous troublent la vue dans les voies de la vérité et de l'antiquité, au point qu'on peut nous croire de ceux qui ne vivent que d'ivraie. Enfin le fameux Burnet, tout zélé anglican qu'il étoit, ne pouvoit s'empêcher de faire l'aveu suivant dansl'amertume de son cœur: «Toutes les observations que j'ai faites en ma vie, me font penser que la réformation a beaucoup moins à craindre des dangers du dehors que des divisions du dedans, qui ont presque éteint le christianisme parmi nous » (1).

(1) Burnet. Hist. des dern. Révolut. d'Angleterre, liv. 2,

an. 1660.

Ainsi, dès qu'on eut brisé le joug salutaire de l'autorité, dès qu'on eut introduit dans la religion un principe qui en ébranle les fondemens; dès qu'on eut permis à chaque individu de discuter les vérités de la foi, et de ne reconnoître dans l'Ecriture-Sainte, comme nécessaire au salut, que ce qui mérite l'assentiment de la raison livrée à ses seules lumières; enfin, dès qu'on eut abandonné cette foi ancienne qui, par sa sévérité même, est le frein le mieux approprié à notre indocile nature, le premier besoin d'un esprit si superbe et d'un cœur si inconstant; tout l'édifice bâti sur la révélation dut s'écrouler. C'est de là que partit

(1) Liv. 5, an. 1686.

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mylord Herbert; et tous ceux qui suivirent ce chef du philosophisme anglois, invoquèrent le même principe, adoptèrent la même mé-thode, et arrivèrent au même résultat.

Tant que la réforme ne fut occupée qu'à faire la guerre à l'Eglise romaine, le mal fut moins sensible. La chaleur des disputes fixoit uniquement l'attention des combattans sur les matières contestées. Les nouveaux apôtres, conduits par l'amour-propre et par la haine, prévenus en faveur de leurs sentimens, et envenimés contre ceux de leurs adversaires, ne songeoient qu'à faire triompher leurs dogmes particuliers, sans réfléchir sur les suites fàcheuses que pourroient avoir pour eux-mêmes les moyens dont ils étoient obligés de se servir. Leurs victoires prétendues et leurs funestes conquêtes n'ont que trop fait connaître les pertes réelles de la religion; et les descendans des premiers réformateurs furent forcés, ainsi qu'on vient de le voir, de gémir des plaies cruelles qui désoloient la réforme ellemême, plaies causées dans l'origine par ceux qu'ils regardoient comme leurs pères.

Alors la liberté de décider sur la foi, et de raisonner sur l'Ecriture n'eut plus de bornes. Les diverses sectes, en se faisant la guerre, déchirèrent d'une manière affreuse le sein de

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