ment se trouver dans la vie et les écrits de ses principaux chefs. Il ne seroit même pas possible de la faire connoître autrement, lorsque chaque sectaire a son système particulier, souvent contradictoire avec ceux des autres sectaires, et qu'il n'est même pas toujours d'accord avec lui-même. Tel est le cas des philosophes dont il est ici question. Comme il y a parmi eux autant de systèmes que d'individus, on ne pourroit jamais parvenir à composer, de leurs idées réunies, un corps complet de doctrine. Leur seul point de ralliement est un plan bien concerté de détruire toutes les religions positives, mais plus particulièrement celle de Jésus-Christ. Sous ce point de vue, la philosophie angloise ressemble à la philosophie de tous les autres pays: nous y trouverons la même méthode, les mêmes dogmes, les mêmes variations que dans le philosophisme françois, et nous y verrons que ce dernier n'est le plus souvent que la copie, la répétition du premier adapté au caractère et au génie de notre nation. CHAPITRE II. HERBERT. I. ÉDOUARD HERBERT, baron de Cherbury, naquit en 1581, au château de Montgomery dans le pays de Galles. Après avoir fait à l'université d'Oxford d'aussi bonnes études qu'on pouvoit en faire à cette époque, il parcourut plusieurs contrées de l'Europe, et il acquit dans ses voyages des connoissances très-étendues et très-variées. A son retour en Angleterre, Jacques I le combla de faveurs, et lui confia divers emplois importans. Ce prince l'envoya en ambassade à la cour de France, pour y solliciter quelques tempéramens aux mesures rigoureuses dont on usoit envers les protestans de ce royaume. Le zèle avec lequel il remplit cette mission déplut au connétable de Luynes, qui, plus puissant que le roi même, exigea son rappel en Angleterre, d'où il ne tarda pas à revenir à son poste, aussitôt après la mort de ce ministre. Sa conduite publique et privée, jusqu'à sa mort arrivée en 1648, n'offre plus d'événement, fait pour entrer dans la vie d'un philosophe, si ce n'est que, malgré les faveurs qu'il avoit reçues de Jacques I, il embrassa depuis la cause parlementaire contre le fils de ce prince. Le lord Herbert est regardé, non-seulement comme le plus illustre des écrivains déistes de son temps en Angleterre, et, à bien des égards, supérieur à beaucoup d'autres qui l'ont suivi dans la même carrière, mais encore, comme le premier en date. C'est lui effectivement qui posa le premier les bases du déisme, qui en développa les principes élémentaires, et qui le réduisit en système. Toute sa vie fut occupée d'études relatives à cet objet, et de la composition d'ouvrages propres à établir, par toutes sortes d'argumens, le règne de ce qu'on appelle la religion naturelle, sur les ruines de la religion révélée, et il se glorifioit d'y avoir réussi. II. Occupé long-temps de la recherche d'un moyen général, et indépendant de tous les cultes, propre à convaincre les hommes du dogme d'une providence universelle, et à les diriger dans la voie du salut, il rencontra sous ses pas des difficultés sans nombre, qui l'embarrassèrent dans sa marche. Les anciens pères lui présentoient trop de prévention contre le paganisme, et les controversistes trop de rigueur, chacun envers les communions qui lui étoient opposées. Le résultat de ses recherches fut que, suivant la doctrine des. uns et des autres, la très-grande partie du genre humain seroit nécessairement condamnée à des peines éternelles. Une telle conclusion lui parut incompatible avec l'idée qu'il avoit conçuedes perfections del'Etre-Suprême. Il recommença donc ses recherches; et, pour arriver plus directement à la découverte de la vérité, il voulut approfondir la doctrine des payens, en l'étudiant dans leurs propres livres. Ces livres lui apprirent que les dieux du paganisme n'ont été que des hommes sujets aux misères communes, dont quelques uns même s'étoient rendus méprisables, pendant leur vie mortelle, par toutes sortes de vices et de crimes; que le culte, les rites, les cérémonies de la religion payenne, ne formaient qu'un assemblage monstrueux d'institutions bizarres et extravagantes. Tout cela le disposoit à prononcer sur le paganisme un jugement conforme à l'opinion que tout le monde en a; mais de nouvelles réflexions sur le dogme fondamental d'une providence universelle, qui lui servoit comme de boussole, l'engagèrent à suspendre encore sa détermination pour faire des recherches ulté rieures. Ce fut dans cette nouvelle étude que notre philosophe crut découvrir, à travers le fatras de divinités absurdes, dont est encombrée la théologie payenne, que les anciens s'accordent assez généralement sur l'existence d'un seul Etre-Suprême, supérieur à toutes les déifications vulgaires, créateur et père commun de tout ce qui existe. Il le voyoit clairement désigné dans tous les monumens de l'antiquité, sous les titres de Summus, Optimus, Maximus, etc. Il est certain que la tradition profane s'accorde assez sur ce point, avec la tradition sacrée; que les monumens de l'une et de l'autre attestent également que la créance d'un Dieu souverainement bon et souverainement grand, fut la foi primitive de tout le genre humain; que de cette idée découla naturellement le premier culte public offert à la divinité; que le polytheisme et tous les cultes qu'il enfanta ne furent jamais que d'un ordre aussi postérieur que subalterne; que les idoles, ainsi que les honneurs qu'on leur rendit, ne durent leur naissance qu'à la superstition, à l'ignorance et à des vices encore plus grossiers. Si l'on vouloit s'en tenir là dessus à l'Ecriture-Sainte, et rectifier, par les documens qu'elle nous fournit, les idées confuses qu'offrent les mo |