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bien qu'avec des vues et des sentiments fort divers. Par égard pour les apparences, un comité reçut ordre de chercher les moyens de la prévenir'; des propositions d'accommodement, en dix-neuf articles, furent même rédigées et solennellement envoyées au roi 2. Mais en attendant sa réponse, on continua d'étouffer toute pétition favorable au maintien de la paix 5; on poussa les préparatifs militaires ouvertement et avec vigueur. Charles avait offert d'aller en personne réprimer la rébellion d'Irlande, chaque jour plus violente; son offre fut rejetée 4. II refusa de nommer lord Warwick, que désignaient les chambres, au commandement de la flotte 5; Warwick en prit possession malgré son refus 6. Le lord maire Gourney ne craignit pas de publier dans Londres la commission du roi qui ordonnait de lever la milice pour son service et en son nom; il fut accusé, mis à la Tour, révoqué, et l'alderman Pennington, puritain ardent, le remplaça dans ses fonctions 7. La cité prêta 100,000 livres sterling; on en prit 100,000 sur les fonds destinés à secourir l'Irlande ; une souscription s'ouvrit dans les chambres 10; chaque membre, appelé à son tour, fut tenu d'exprimer sur-le-champ son intention : quelques-uns refusèrent: « Si l'occasion s'en pré>> sente, dit sir Henri Killigrew, je me procurerai un bon cheval, >> une bonne cotte de buffle, une bonne paire de pistolets, et je >> ne serai pas embarrassé pour trouver une bonne cause. » Mais il partit aussitôt pour son comté, car après de telles paroles il n'eût pu passer dans les rues de Londres sans insulte et sans

Le 27 mai 1612. Parl. Hist, t. 2. col. 1319.

2 Le 2 juin 1642. Ibid., col. 1324-1327.

p. 363-371, dans ma Collection.

May, Hist. du long parl., t. I,

3 Entre autres une pétition préparée au commencement de juin dans le comté de

Somerset. (Parl. Hist., t. 2, col. 1366.)

4 Le 15 avril 1612. Parl. Hist t. 2, col. 1169-1172 et suiv.

6o Le 31 mars 1642.

6 Parl. Hist., t. 2, col. 1164-1165.

suiv., dans ma Collection.

May, Hist. du long parl., t. 1, p. 395 et

7 Le 18 août 1612. Parl. Hist., t. 2, col. 1203, 1403, 1452. - State-Trials,

t. 4, col. 139.

8 Le 4 juin 1642. Parl. Hist., t. 2, col. 1328.

9 Le 30 juillet 1642. May, Hist. du long parl., t. 2, p. 33-40, dans ma Collection

- Parl. Hist., t. 2, col. 1443-1448.

19 Le 10 juin 1642.

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péril. L'ardeur du peuple était au comble; dans la cité comme à Westminster, l'éloignement des membres royalistes, avait abattu leurs partisans. Le parlement fit un appel au patriotisme des citoyens; argent, vaisselle, bijoux, tout fut requis pour équiper quelques escadrons de cavalerie, sous la promesse d'un intérêt de huit pour cent. Les chaires retentirent des exhortations des prédicateurs; l'effet surpassa les conseils des plus passionnés et l'attente des plus confiants; pendant dix jours, une immense quantité de vaisselle fut apportée à Guildhall; on manqua d'hommes pour la recevoir, de place pour la déposer ; de pauvres femmes venaient apporter leur anneau de mariage, les épingles d'or ou d'argent qui retenaient leurs cheveux, et plusieurs attendaient fort longtemps avant d'obtenir qu'on les déchargeât de leurs offrandes 2. Informé de ce succès des communes, Charles voulut tenter le même moyen; mais l'enthousiasme ne s'imite point, et le dévouement populaire peut seul suffire aux besoins d'une cause. L'université d'Oxford envoya au roi sa vaisselle; sur son exemple, celle de Cambridge fit emballer la sienne; déjà même une portion était partie quand Cromwell, toujours vigilant, survint tout à coup et empêcha tout nouvel envoi 5. Les commissaires du roi eurent grand peine à recueillir, de château en château, quelques faibles contributions; et la moquerie, vain et dangereux plaisir d'une cour vaincue, fut la seule consolation qui demeurât aux cavaliers 4.

Les propositions d'accommodement étaient arrivées à York 5; elles dépassaient les prédictions des plus emportés royalistes, et ravirent aux plus modérés toute espérance. Les chambres de mandaient la complète destruction de la prérogative et que le pouvoir leur appartint tout entier. Création de nouveaux pairs, nomination et révocation des grands fonctionnaires de tout

1 Clarendon. Hist. of the rebell., t. 4, p. 290.

May, Hist. du long. Parl., t. 1 p. 376, dans ma Collection. - Clarendon, Hist. of the rebell., t. 1, p. 136. - Whitelocke, p. 58.

5 May, Hist. du long parl., t. 2, p. 196, dans ma Collection. Parl. bist., t. 2, col. 1153. Querela Cantabrigiensis, p. 182 (in-80, Londres, 1685). Barwik's Life, p. 24. (in-8. Londres, 1624). - Clarendon, Hist. of the rebell., t. 5, p. 53. 4 Clarendon, Hist. of the rebell., t. 5, p. 55-57. May, hist du long Parl., tome 1, p. 401.

5 Elles furent présentées au roi le 17 juin.

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genre, éducation et mariage des enfants du roi, affaires militaires, civiles, religieuses, rien ne devait plus se décider sans l'aveu formel du parlement. Tel était au fond le but véritable, et devait être un jour l'inestimable résultat de la révolution; mais le temps n'était pas venu où cette action décisive du parlement dans le gouvernement devait s'accomplir par le jeu naturel des institutions et l'influence dominante, quoique indirecte, des communes sur l'exercice journalier du pouvoir. Hors d'état d'imposer ses chefs à la couronne comme conseillers nécessaires, le parti national se sentait contraint d'asservir officiellement la couronne à leur empire, ne pouvant vivre en sûreté qu'à ce prix; moyen trompeur et impossible, propre seulement à jeter l'État dans l'anarchie, mais le seul alors que les plus habiles sussent imaginer. A la lecture de ces propositions, la colère éclata dans les yeux du roi, une vive rougeur lui monta au visage : « Si j'ac>> cordais ce que vous demandez, répondit-il, on pourrait encore >> ne se présenter devant moi que la tête nue; on pourrait encore >> me baiser la main et m'appeler toujours du nom de Majesté; » ces mots, la volonté du roi signifiée par les deux chambres, >> pourraient être encore la formule de vos commandements; je >> pourrais même faire porter devant moi la masse ou l'épée, et >> m'amuser de la vue d'un sceptre ou d'une couronne, rameaux > stériles qui ne fleuriraient pas longtemps, car le trone serait >> mort; mais quant au pouvoir réel et vrai, je ne serais plus » qu'une image, un signe, un vain fantôme de roi 1. » Et il rompit la négociation.

Le parlement n'attendait pas une autre réponse: dès qu'il l'eut reçue, toute hésitation, même de pure forme, disparut ; la guerre civile fut mise en délibération 2. Une voix, la même qui, à l'ouverture de la session, avait dénoncé la première tous les griefs publics, s'éleva presque seule pour la repousser ; « Monsieur >> l'orateur, dit sir Benjamin Rudyard, je suis pénétré, saisi >> jusqu'au fond de l'âme du sentiment de ce qui importe >> à l'honneur de la chambre et au succès de ce parlement; >> mais pour bien juger de la situation où nous sommes >> aujourd'hui, reportons-nous de trois ans en arrière, Si >> quelqu'un nous eût dit alors que, dans trois ans, la reine, >> par un motif quelconque, aurait fui d'Angleterre dans les >> Pays-Bas; que le roi se serait éloigné de nous et de Londres >> pour aller à York, disant qu'à Londres il n'était pas en sûreté; >> qu'une rébellion générale couvrirait l'Irlande; que l'Etat et >> l'Eglise seraient en proie aux discordes qui les travaillent; à >> coup sûr, nous aurions frémi à la seule pensée d'une telle situa» tion. Sachons donc la ressentir maintenant que nous y sommes >> plongés. Si d'autre part on nouseût dit quedans trois ans nous >> aurions un parlement, que la taxe des vaisseaux serait abolie, >>> que les monopoles, la cour de haute commission, la chambre >> étoilée, le vote des évêques seraient supprimés, que la juri>> diction du conseil privé serait réglée et restreinte, que nous >> aurions des parlements triennaux, que dis-je, un parlement >> perpétuel que personne ne pourrait dissoudre, si ce n'est >> nous-mêmes : à coup sûr, nous aurions regardé tout cela >> comme un rêve de bonheur. Eh bien ! nous possédons vrai>> ment tout cela, et nous n'en jouissons pas; nous insistons sur >> de nouvelles garanties. La possession actuelle de tous ces >> biens en est la meilleure garantie; ils se garantissent l'un >> l'autre. Prenons garde qu'en recherchant à travers toutes >> sortes de hasards une prétendue sécurité, nous ne mettions >> en péril ce que nous possédons déjà. Obtinssions-nous tout >> ce que nous souhaitons, nous ne jouirions point d'une sécu>> rité mathématiquement infaillible; toutes les garanties hu» maines peuvent se corrompre et manquer. La providence de >> Dieu ne souffre pas qu'on l'enchaîne ; elle veut que le succès >> demeure en ses mains. Monsieur l'orateur, c'est maintenant » qu'il nous importe de recueillir toute la sagesse dont nous >> sommes capables, car nous voilà à la porte de l'incendie et du >> chaos. Si une fois le sang touche lesang, nous tomberons dans >> un malheur certain, en attendant un succèsincertain, quenous » obtiendrons, Dieu sait quand! Dieu sait lequel ! Tout homme >> est tenu de tenter les derniers efforts pour empêcher l'effusion >> du sang; le sang est un péché qui crie vengeance; il souille >> tout un pays. Sauvons nos libertés et nos biens, mais de telle >> sorte que nous sauvions aussi nos âmes. J'ai clairement >> acquitté ma conscience; j'abandonne chacun à la sienne 1. » Vain appel d'un homme de bien qui n'avait plus qu'à se retirer d'une arène désormais trop agitée pour sa chaste et prudente vertu! D'autres prévoyances, d'autres craintes, également fondées, bien qu'alliées à des passions plus aveugles ou moins pures, dominaient impérieusement le parti national; et le jour était venu où le bien et le mal, le salut et le péril se mêlent et se confondent si obscurément que les plus fermes esprits, hors d'état de les discerner, ne sont plus que les instruments de la Providence qui châtie tour à tour les rois par les peuples et les peuples par les rois. Quarante-cinq membres seulement dans les communes partagèrent les scrupules de Rudyard 2, et dans la chambre haute le comte de Portland protesta seul 5. Les meures de guerre furent soudain adoptées; les chambres saisirent, à leur profit, tous les revenus publics ; les comtés eurent ordre de s'approvisionner d'armes, de poudre, et de se tenir prèts au premier signal. Sous le nom de comité de sûreté, cinq pairs et dix membres des communes furent chargés de veiller à la défense publique, et de faire exécuter les ordres du parlement 5. Enfin on décréta la formation d'une armée, forte de vingt régiments d'infanterie d'environ mille hommes et de soixante-quinze escadrons, chacun de soixante chevaux. Lord Kimbolton, lord Brook, sir John Merrick, Hampden, Holls, Cromwell, chefs du peuple dans les camps comme à Westminster, y reçurent des commandements. Le comte d'Essex fut nommé général 6.

1 Rushworth, part. 3, t. 1, p. 728. 2 Le 9 juillet 1642.

Parl. Hist., t. 2, col. 1410-1418

2 La levée de dix mille volontaires à Londres fut votée dans la chambre des com munes par cent vingt-cinq voix contre quarante-cinq. (Parl. Hist., t. 2, col. 1409.) 5 Ibid., col. 1414.

4 Ibid., col. 1349.

*5 Le 4 juillet 1642, les cinq lords étaient les comtes de Northumberland, d'Essex, de Pembrocke, Holland et le vicomte Say; les dix membres des communes, Hamp den, Pym, Hollis. Martyn, Fiennes, Pierpoint, Glynn, sir William Waller, sir Philippe Stapleton et sir John Merrick.

6 Les lecteurs ne verront pas sans intérêt la liste exacte et complète des chefs de cette armée vraiment nationale; on la trouvera dans les Éclaircissements et Pièces historiques, no 6.

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