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L'HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION

D'ANGLETERRE

La révolution d'Angleterre a réussi. Elle a réussi deux fois. Ses auteurs ont fondé en Angleterre la monarchie constitutionnelle; ses descendants ont fondé, en Amérique, la république des États-Unis. Ces grands événements n'ont maintenant plus d'obscurités; avec la sanction du temps, ils ont reçu ses lumières. La France est entrée, il y a soixante ans, et l'Europe se précipitait hier dans les voies que l'Angleterre a ouvertes. Je voudrais dire quelles causes ont donné, en Angleterre à la monarchie constitutionnelle, et dans l'Amérique anglaise à la république, le solide succès que la France et l'Europe poursuivent jusqu'ici vainement, à travers ces mystérieuses épreuves des révolutions qui, bien ou mal subies, grandissent ou égarent pour des siècles les nations.

C'est au nom de la foi et de la liberté religieuse qu'a commencé, au xvr siècle, le mouvement qui, depuis cette époque, quelquefois suspendu mais toujours renaissant, agite et emporte le monde. La tempête s'est élevée d'abord dans l'âme humaine; elle a atteint l'Église avant l'État.

On a dit que le protestantisme avait été une révolution plus. politique, au fond, que religieuse; une insurrection, au nom d'intérêts mondains, contre l'ordre établi dans l'Église, plutôt que l'élan d'une croyance, au nom des intérêts éternels de T'homme. C'est juger légèrement et sur les apparences; et cette

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erreur a entraîné dans une conduite à eux-mêmes fatale voirs spirituels ou temporels, qui s'en sont laissé abuser cupés de réprimer l'élément révolutionnaire du protesta ils en ont méconnu l'élément religieux. L'esprit de ré certes bien puissant, pas assez cependant pour accomp seul de telles choses. Ce n'était pas uniquement pour sec frein, c'était aussi pour professer et pratiquer une foi réforme du xvIe siècle a éclaté et persévéré. Après trois un fait souverain, incontestable, le démontre avec écla pays protestants, les plus protestants de l'Europe, l'An et la Hollande, sont aujourd'hui les deux pays où la f tienne conserve le plus de vie et d'empire. Il faut ignore gement la nature de l'homme pour croire que la ferveur re se fût ainsi soutenue et perpétuée, après le triomphe de rection, si le mouvement n'avait pas été, dans son p essentiellement religieux.

En Allemagne, au xvı siècle, la révolution a été relig point politique. En France, au xvIII, elle a été politique religieuse. Ce fut, au xvme siècle, la fortune de l'Anglete l'esprit de foi religieuse et l'esprit de liberté politique y re ensemble, et qu'elle entreprit en même temps les deux tions. Toutes les grandes passions de la nature humain ployèrent ainsi sans qu'elle brisât tous ses freins,, et le rances comme les ambitions de l'éternité restèrent aux] quand ils crurent que leurs ambitions et leurs espéranc terre étaient déçues.

Les réformateurs anglais, les politiques surtout, ne ci pas avoir besoin d'une révolution. Les lois, les tra les exemples, tout le passé de leur pays leur étaien et sacrés; et ils y trouvaient le point d'appui de leu tentions comme la sanction de leurs idées. C'était au no grande charte, et de tant de statuts qui, depuis quatre l'avaient confirmée, qu'ils réclamaient leurs libertés. quatre siècles, pas une génération n'avait passé sur le sol sans prononcer le nom et sans voir la figure du parleme grands barons et le peuple, les gentilshommes des campa les bourgeois des villes, venaient ensemble, en 1640, noi puter des conquêtes nouvelles, mais rentrer dans leur 1

non poursuivre les combinaisons et les expériences infinies, mais nconnues, de la pensée humaine.

Les réformateurs religieux n'entraient pas dans le long parlement de Charles Ier avec des prétentions aussi légales. L'Église Episcopale d'Angleterre, telle qu'elle avait été constituée, d'aDord par le despotisme capricieux et cruel de Henri VIII, puis par le despotisme habile et persévérant d'Élisabeth, ne leur Convenait point. C'était, à leurs yeux, une réforme incomplète, Inconséquente, incessamment compromise par le péril du retour vers l'Église catholique dont elle restait trop près; et ils médiLaient, pour l'Église chrétienne de leur pays, une refonte nouvelle et une autre constitution. L'esprit révolutionnaire était là plus ardent et plus avoué que dans le parti qui se préoccupait surtout des réformes politiques. Cependant les novateurs religieux eux-mêmes n'étaient pas tout à fait en proie aux fantaisies de leur esprit. Ils avaient une ancre à laquelle ils tenaient, une boussole à laquelle ils croyaient. L'Évangile était leur grande charte; livrée, il est vrai, à leurs interprétations et à leurs commentaires; mais antérieure et supérieure à leur volonté; ils la respectaient sincèrement, et s'humiliaient, malgré leur orgueil, devant cette loi qu'ils n'avaient point faite.

A ces gages de tempérance que trouvaient ainsi, dans les dispositions de leurs propres partisans, les deux révolutions qui commençaient, la Providence ajouta encore une faveur. Elles ne furent point, dès leurs premiers pas, condamnées à ce tort, qui devient bientôt un péril, d'attaquer spontanément, sans nécessité claire et pressante, un pouvoir doux et inoffensif. Au xvIIe siècle, en Angleterre, le pouvoir royal fut l'agresseur. Charles Ier, plein de prétentions hautaines sans grande ambition, et plutôt pour ne pas décheoir aux yeux des rois ses pareils que pour dominer fortement son peuple, tenta deux fois de faire prévaloir les maximes et les pratiques de la monarchie absolue : d'abord en présence du parlement, et dominé lui-même par un favori frivole et vain', dont l'habileté présomptueuse choquait le bon sens et blessait l'honneur des plus obscurs citoyens; en

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suite en repoussant tout parlement et en gouvernant seul les mains d'un ministre énergique. habile, ambitieux e périeux avec grandeur, dévoué à son roi, sans en être bien pris ni bien soutenu, et qui apprit trop tard qu'il ne suffi pour sauver les rois, de se perdre noblement soi-même servant 1.

Contre ce despotisme agressif, plus entreprenant que f qui attaquait également, dans l'État et dans l'Église, les anciens et les libertés nouvelles que réclamait le pays, la p du pays n'allait point au delà de la résistance légale, et s fiait dans le parlement. La résistance y fut unanime autan légitime. Les hommes les plus divers d'origine et de cara grands seigneurs, gentilshommes ou bourgeois, étrangers tachés à la cour, amis ou ennemis de l'Église établie, tous vèrent d'un commun accord contre tant de griefs et d'ah les abus tombèrent, les griefs disparurent, comme les vieillis d'une place abandonnée s'écroulent aux premiers des assaillants.

Dans cette explosion des colères et des espérances nati quelques esprits plus prévoyants, quelques conscience scrupuleuses ressentaient déjà quelque inquiétude. La geance non-seulement défigure, mais altère. au fond, la j et la passion, fière de son droit, va plus loin qu'elle n' droit, et même le dessein. Strafford était justement accus justement jugé. Les politiques qui ne voulaient pas la ru l'Église épiscopale laissaient outrager et humilier les év comme des vaincus qui ne se relèveront point. Les coup mesurés, qui enlevaient à la couronne ses usurpations prétentions illégitimes, la blessaient dans ses justes prérog Des incidents graves révélaient, des voix courageuses laient l'esprit révolutionnaire caché sous les réformes. Le tissements et les traits de lumière sur l'avenir n'ont manqué aux révolutions naissantes. Mais la nécessité e de la victoire refoulaient bien loin le sentiment de ces fa le pressentiment de leurs dangers.

Quand l'œuvre des réformes fut accomplie, quand le

1 Thomas Wentworth, comte de Strafford.

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