Homère, pour apprendre l'art de varier et de faire contraster les caractères. 3. Style dramatique. i Chaque personnage doit parler suivant sa condition, son âge, son pays, et la situation où il se trouve. On sent qu'un roi a une façon de s'exprimer bien différente de celle d'un courtisan, el que le langage d'un homme de qualité n'est pas le même que celui d'un simple citoyen. Un dieu, suivant la pensée d'Horace, parle bien autrement qu'un héros; un vieillard, autrement qu'un jeune homme; une da me d'un haut rang, autrement qu'une suivante; un marchand, autrement qu'un laboureur; un homme de la Colchide ou un Assyrien, autrement qu'un habitant de Thèbes ou un citoyen d'Argos. Si vous faites parler ces différens personnages sur le même ton, les grands et le peuple, bien loin de vous accorder leurs suffrages, ne pourront s'empêcher de rire. On sait de plus que la joie, la douleur, l'amour, la colère, l'ambition, en un mot chaque sentiment, chaque passion a son langage particulier. Notre âme prend, pour ainsi dire, diverses formes, diverses manières d'être, suivant les divers évènemens de la fortune; et la nature lui fournit, dans toutes les circonstances possibles, des expressions propres à peindre les sentimens qu'elle éprouve, les passions qui la tourmentent. Il faut donc que le poète se transforme, pour ainsi dire, en chaque personnage, pour le faire parler d'une manière convenable à son état actuel, et comme ce personnage parlerait lui-même. Le poète ne doit jamais se montrer. Ainsi tout ce qui est un effet visible de l'art et du travail, ces figures oratoires, ces riches comparaisons pompeusement étalées, ces élans lyriques, fruit d'une imagination échauffée, sont totalement bannis des pièces de théâtre, même de celles dont le sujet est grand et élevé. Le style y doit être de la plus noble, de la plus élégante simplicité; et si les expressions figurées y sont quelquefois bien placées, ce n'est que lorsqu'elles sont vraiment inspirées par la passion ou par le sentiment. Les maximes, les sentences, les pensées morales trop généralisées n'y sont pas non plus souffertes, à moins qu'elles ne soient naturellement dictées par la situation du personnage; comme les maximes qu'on trouve éparses dans les pièces de Corneille, de Racine, de Molière. Telles sont celles-ci que Racine met dans la bouche d'Hippolyte, lorsque ce jeune prince se justifie, auprès de Thésée, du crime dont il est accusé : D'un mensonge si noir justement irrité, Je devrais faire ici parler la vérité, Seigneur. Mais je supprime un secret qui vous touche: Approuvez le respect qui me ferme la bouche'; Et, sans vouloir vous-même augmenter vos ennuis, Peut violer enfin les droits les plus sacrés. Un jour seul ne fait point d'un mortel vertueux, On voit clairement que la situation où se trouve Hippolyte, a fourni ces réflexions, qui ne font sentence, qu'autant qu'on les sépare de ce qui suit ou de ce qui précède, et qui ne sont pas des maximes dans la bouche de ce personnage. Ce sont, en quelque façon, des principes qu'il s'applique à lui-même, et dont il tire des preuves pour montrer, pour établir son innocence. 4. Dialogue: monologue. Quand plusieurs personnages dramatiques parlent, et qu'ils parlent l'un à l'autre, c'est un dialogue. Quand un acteur parle seul, il fait ce qu'on appelle un monologue. Le dialogue doit toujours tendre à son but; de manière que les interlocuteurs ne disent rien qui n'ait un rapport direct à l'action. Quelqu'un a trèsbien dit qu'un personnage qui, dans une situation intéressante, s'arrête à dire de belles choses qui ne vont point au fait, ressemble à une mère, qui, cherchant son fils dans les campagnes, s'amuserait à cueillir des fleurs. Le désir de briller est un écueil que le poète doit soigneusement éviter; sans quoi la fougue de son imagination l'emportera hors du droit chemin, qui doit le conduire à son but. L'esprit doit être ici la victime du goût, qui veut que le poète ait assez de jugement pour s'arrêter où il faut, et assez de courage pour sacrifier les meilleures choses, lorsqu'elles sont déplacées, afin de ne point perdre de vue le terme de l'évènement, qui est son objet. Un personnage ne dira donc que ce qu'il faut : un autre personnage ne lui répondra que quand il devra le faire; et le spectateur sentira toujours la raison pourquoi la parole passe d'une bouche à une autre. Pour bien connaître l'art du dialogue, qui est une des parties les plus essentielles d'une pièce de théâtre, il faut joindre à ces règles générales, la lecture des bonnes pièces de Corneille, celles de Racine et de Molière. On y verra partout que ces auteurs dramatiques, ne s'attachant qu'à la vérité, font toujours répondre leurs personnages avec justesse, et jamais hors de propos. 1 Dans le monologue, un acteur parle seul: mais ce n'est point pour raconter un évènement, ou pour dire ce qui arrivera. Les Grecs et les Latins ont suivi cet usage, que nous avons banni de notre théâtre, parce qu'il n'est pas dans la nature. Le monologue doit être un combat du cœur; et le personnage doit y paraître irrésolu, délibérant, pour ainsi dire, avec lui-même sur ce qu'il doit faire. Il faut qu'il soit court: si l'on peut lui donner une certaine étendue, ce n'est que quand l'acteur est accablé sous le poids de son malheur, ou qu'il est dans une agitation violente. 1 III. POÈME COMIQUE. Le poème comique est en général celui où l'on introduit sur la scène des personnages qui font une action amusante* et risible, mais commune, c'est-à dire relative au caractère, aux * Thespis fut le premier qui, barbouillé de lie, BOILEAU. |