et amenés par la situation des personnages: ce qui demande beaucoup d'art et de délicatesse. 7. Deux sortes de comique. Le comique est ce qui fait rire le spectateur. Il y en a de deux sortes; le comique d'action, et le comique de pensée. Le premier est celui qui prend sa source dans l'action même, et qui se trouve dans la situation des personnages. Le second n'est autre chose que les bons mots, les saillies, les plaisanteries qui naissent dans la conversation. Le comique d'action ou de situation est sans contredit le meilleur, non-seulement pour instruire, mais encore pour amuser. On ne doit cependant pas exclure le comique de pensée; mais il faut bien se garder de ne s'atttacher qu'à celui-là. Si ce comique de pensée faisait seul le mérite d'une pièce de théâtre, le succès ne pourrait en être que momentané; et l'on ne tarderait pas à reconnaître dans son auteur le défaut de génie et d'invention, qu'il aurait voulu cacher sous un vain étalage de traits ingénieux et brillans. En effet, tous ces jeux de mois plaisans et badins, toutes ces pensées subtiles, tous ces portraits plus éclatans que vrais, enfin tout ce qu'on appelle du joli, parce que c'est exprimé avec esprit et avec grâce, peut, pour un instant, flatter agréablement l'imagination du spectateur, qui ad mire, en souriant, la délicatesse, la légèreté, le coloris de l'auteur. Mais il s'en faut bien qu'il y trouve un grand fonds d'instruction, et un sujet réel d'amusement, qui sont les deux fins de la bonne comédie. Son esprit ne peut certainement pas y puiser de grandes lumières sur la nature d'un caractère, sur un défaut, sur un ridicule; et son âme, loin d'éprouver. un vrai sentiment de joie, loin de s'ouvrir aux transports toujours renaissans d'une gaîté vive et durable, retombe bientôt dans son premier état de dégoût, de langueur et d'affais sement. On ne rit plus; on sourit aujourd'hui, C. DE BERNIS. Le comique d'action, au contraire, nous amuse autant qu'il nous instruit. C'est là que le poète, en nous montrant son personnage sous le côté ridicule, dévoile au grand jour le caractère, le défaut, le vice qu'il a eu intention de peindre pour nous divertir et pour nous corriger. Loin donc de courir après l'esprit, il ne doit s'attacher qu'à dresser son plan et à conduire son action, de manière que ses personnages se trouvent dans des situations vraiment comiques. Alors il n'aura besoin ni de saillies, ni de bons mots pour exciter le rire du spectateur. Les expressions les plus naturelles, les pensées les plus simples produiront cet effet à cause de la situation du personnage. 8. Différens genres de comique. La comédie se divise selon les sujets qu'elle traite. Si le poète peint les vices et les ridicules des grands, c'est le haut comique ou le comique noble. S'il peint ceux de la bourgeoisie, c'est le comique bourgeois. S'il peint ceux du peuple, c'est le bas comique. Les ridicules et les vices des grands sont à peine visibles, parce qu'ils sont colorés par le vernis de la politesse, qui en fait presque des hommes aimables. Ces ridicules ont même quelque chose de si imposant, qu'ils paraissent ne pouvoir être un objet de plaisanterie. C'est au poète à les mettre en jeu, à les faire ressortir par les situations et les contrastes. Les prétentions déplacées, les faux airs, et les autres ridicules de la bourgeoisie ne sont pas rares, et sont bien moins encore difficiles à saisir: ils prêtent merveilleusement au comique. Il suffit de les peindre suivant les règles de l'art. Le bas comique, qui n'est qu'une imitation des mœurs du bas peuple, a sa finesse et ses grâces. Il faut qu'il y ait de la délicatesse et de l'honnêteté; et l'on ne doit pas le confondre avec le comique grossier. Ces trois genres peuvent se trouver dans une même pièce, et ne servent qu'à se donner réciproquement une nouvelle force. Le Misanthrope est tout entier dans le haut comique. La comédie de l'Ecole des Femmes, et celle du Bourgeois Gentilhomme, offrent le comique bourgeois et le bas comique. Les trois genres sont mêlés et contrastent entre eux dans le Festin de Pierre, où l'on voit deux villageoises crédules, se laisser séduire par un scélérat, dont la magnificence les éblouit. Pour réussir dans ces trois genres, il faut bien étudier et bien connaître les mœurs de tous les états. Le haut comique surtout exige l'étude la plus sérieuse et la plus réfléchie des mœurs du grand monde. Mais, quel que soit le genre qu'embrasse le poète, il ne pourra jamais s'y distinguer, sans avoir une connaissance profonde de la nature et du cœur humain. Que la nature donc soit votre étude unique, BOILEAU. a 9. Style de la comédie. Le style familier est celui auquel les Grecs et les Latins se sont toujours attachés dans la comédie: ils n'ont jamais franchi les bornes du discours naturel. Nos bons comiques, et surtout notre admirable Molière, se sont parfaitement conformés à cette règle dictée par le goût. Les imiter, et tâcher de les égaler, est une loi à laquelle le poète comique doit rigoureusement s'astreindre, s'il veut que ses ouvrages causent le même plaisir au lecteur et au spectateur. Il faut que son style soit simple, facile, et approchant de la conversation, sans que pourtant il soit jamais lâche, rampant et décousu. Les expressions doivent être vives et choisies, mais jamais pompeuses et magnifiques: point de grands mots, point de figures éclatantes et soutenues. Les pensées doivent être fines et délicates, mais toujours justes, toujours vraies, toujours rendues par des expressions naturelles, et avec assez de clarté, pour que les spectateurs d'une médiocre intelligence puissent les bien comprendre. Une métaphysique subtile, un dialogue semé de traits pétillans qui décèlent dans l'écrivain la fureur du bel esprit, une diction affectée et précieuse par un excès de délicatesse, sont insupportables dans la comédie, et sont toujours regardés par les vrais |