table, de ce camp de Montrose, son dernier espoir. Cet espoir même n'était plus qu'une erreur : depuis dix jours déjà, comme le roi, Montrose fuyait, cherchant un asile et des soldats. Le 13 septembre, à Philip-Haugh, dans la forêt d'Ettrick, près de la frontière des deux royaumes, Lesley l'avait surpris faible, mal gardé, ne se doutant pas de son approche. Malgré tous ses efforts, les montagnards l'avaient quitté pour aller enfouir chez eux leur butin. Quelques grands seigneurs, le comte d'Aboyne entre autres, jaloux de sa gloire, s'étaient aussi éloignés avec leurs vassaux; d'autres, se méfiant de sa fortune, les lords Traquair, Hume, Roxburg, ne l'avaient pas rejoint malgré leurs promesses 1. Brillant et téméraire, dans les cœurs vils il excitait l'envie, et n'inspirait aux timides nulle sécurité. Quelque fanfaronnade se mêlait même à son génie, et nuisait à son influence : ses amis le servaient avec passion, ses soldats avec enthousiasme, mais il n'imposait point à ses égaux. Son pouvoir d'ailleurs n'avait de fondement que la victoire; et les hommes prudents, chaque jour plus nombreux, le regardaient avec surprise, comme un météore que rien n'arrête mais qui và passer. Un revers suffit à dissiper tous ses succès; et le lendemain de sa défaite, le conquérant de l'Écosse n'y était plus qu'un proscrit audacieux. 1 Rushworth, part. 4, t. 1, p. 231; Guthry, Memoirs, etc., p. 198 et suiv. A ce coup, Charles regarda avec effroi autour de lui, ne sachant plus où attacher son espérance. Les conseillers même lui manquaient. Il avait placé auprès de son fils les plus sages, lord Capel, Colepepper, Hyde. Lord Digby lui restait presque seul, toujours aventureux, confiant, toujours prêt à opposer les projets aux revers, et, malgré la sincérité de son zèle, occupé surtout de conserver son crédit. L'idée vint au roi de se retirer sur la côte du pays de Galles, dans l'île d'Anglesey, voisine de l'Irlande, facile à défendre, et de passer là l'hiver. On le détourna sans peine de sortir ainsi de son royaume où il possédait encore de bonnes places, Worcester, Hereford, Chester, Oxford, Newark. Tout le monde penchait pour Worcester, mais rien ne convenait moins à lord Digby. Ennemi déclaré du prince Robert, c'était lui qui naguère, après la perte de Bristol, avait fomenté la colère du roi, et provoqué, disaiton, ses rigueurs contre son neveu. Robert furieux voulait à tout prix voir le roi, se justifier, et se venger. Or, à Worcester, il y eût réussi sans peine, car le prince Mauricel son frère, en était gouverneur. De toutes les places où le roi pouvait se retirer, Newark était celle où Robert devait plus difficilement arriver et se faire entendre. A la grande surprise de ceux qui l'entouraient, le roi décida qu'il irait à Newark 1. Le prince en fut bientôt informé, et, malgré sa défense, se mit en route pour aller l'y trouver. Le roi répéta qu'il ne le recevrait point; mais lord Digby était inquiet. Soit hasard, soit dessein, le bruit courut tout à coup que Montrose avait réparé sa défaite, battu Lesley, et touchait à la frontière des deux royaumes. Sans plus d'informations, le roi partit avec lord Digby et deux mille chevaux, pour tenter une troisième fois de le rejoindre. L'erreur fut promptement dissipée : après deux jours de marche, on sut, à n'en pouvoir douter, que Montrose, sans soldats, errait toujours dans les montagnes du nord. Le roi n'avait rien à faire que de retourner à Newark, et Digby lui-même en convint. Mais pour lui, bien décidé à n'y point rentrer au risque de se voir en face du prince Robert, il persuada au roi qu'à tout prix il fallait faire parvenir des secours à Montrose, et se chargea de les conduire. Ils se séparèrent : Digby, avec quinze cents chevaux, presque tout ce qui restait au roi, continua sa route vers le nord; et Charles rentra dans Newark, n'ayant plus que trois ou quatre cents chevaux pour armée, et John Ashburnham, son valet de chambre, pour conseiller 2. 1 Clarendon, Hist. of the Rebell., t. 8, p. 153-156. 2 Ibid. t. 8, p. 157-159. En arrivant, il apprit que Robert était au château de Belvoir, à trois lieues de la place, avec son frère Maurice et une escorte de cent vingt offficiers. Il lui fit dire de rester là jusqu'à nouvel ordre, déjà offensé qu'il fût venu si près sans son aveu. Mais le prince avança toujours, et beaucoup d'officiers de la garnison de Newark, le gouverneur même, sir Richard Willis, allèrent à sa rencontre. Il arriva, et, sans être annoncé, avec toute sa suite, se présenta devant leroi: << Sire, lui dit-il, je viens rendre compte >> de la perte de Bristol, et repousser les imputations >> dont on m'a chargé. >> Charles, embarrassé autant qu'irrité, lui répondit à peine : c'était l'heure du souper; l'escorte des princes se retira, on se mit à table; le roi s'entretint avec Maurice sans adresser la parole à Robert, et, le souper fini, rentra dans sa chambre. Robert alla loger chez le gouverneur. Le lendemain pourtant le roi consentit à la convocation d'un conseil de guerre; et après quelques heures de séance, une déclaration fut rendue por tant que le prince n'avait manqué ni de courage ni de fidélité. Aucune sollicitation ne put obtenir du roi rien de plus. C'était trop peu au gré du prince et de ses partisans. Ils restèrent à Newark, exhalant sans contrainte leur humeur. Le roi de son côté entreprit de mettre un terme aux désordres toujours croissants de la garnison. Pour deux mille hommes de troupes, on y comptait vingt-quatre officiers généraux ou colonels dont le traitement absorbait presque toutes les contributions du comté1. Les gentilshommes des environs, même les plus dévoués, se plaignaient amèrement du gouverneur. Charles résolut de le remplacer, avec égard pourtant et en l'attachant à sa personne. Il lui annonça qu'il lui donnait le commandement de ses gardes à cheval. Sir Richard s'en défendit, disant qu'on prendrait cette élévation pour une disgrace, qu'il était trop pauvre pour la cour: «J'y pourvoirai, » lui dit le roi en le quittant. Le jour même, à l'heure du dîner, Charles était à table: sir Richard Willis, les deux princes, lord Gerrard et vingt officiers de la garnison entrèrent brusquement : « Sire, dit Willis, ce >> que votre Majesté m'a dit ce matin en secret est >> maintenant le bruit de la ville, et m'y déshonore. >> - Ce n'est pour aucune faute, ajouta Robert, >> que sir Richard perd son gouvernement; c'est >> parce qu'il est mon ami. -Tout ceci, reprit lord >> Gerrard, est un complot de lord Digby, qui est >> lui-même un traître, et je le prouverai. >> Étonné, troublé, Charles se leva de table, et faisant quelques pas vers sa chambre, ordonna à Willis de le suivre : <<Non, sire, dit Willis; j'ai reçu une in>> jure publique, c'est une réparation publique que |