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plus rude. On s'était aperçu que, pendant leur séjour à Londres, les commissaires du roi intriguaient pour ourdir des complots et soulever le peuple; il fut décidé1 qu'on ne recevrait plus de commissaires, qu'il n'y aurait plus de négociations, que les chambres rédigeraient leurs propositions de paix sous forme de bills, et que le roi seraitrequis de les adopter ou de les rejeter simplement, comme s'il eût résidé à Whitehall et selon la pratique des temps réguliers. Le prince de Galles offrit de se porter médiateur entre le roi et le peuple, et Fairfax transmit aux chambres sa lettre, « se faisant, dit-il, un devoir >> de ne pas étouffer dans sa fleur la bienfaisante >> espérance du jeune pacificateur. >> On ne lui répondit seulement pas. Le terme assigné au commandement de Cromwell était près d'expirer; on le prorogea de nouveau pour quatre mois, sans en donner de raison 3. Les rigueurs redoublèrent contre le parti royaliste : une ordonnance avait accordé aux femmes et aux enfants des délinquants le cinquième du revenu des biens séquestrés; elle fut révoquée 4. Une autre ordonnance, longtemps repoussée par les lords, prescrivit la mise en vente d'une portion considérable des biens des évèques et des délinquants 1. Dans les camps et à la guerre s'accomplissait la même révolution. Il fut défendu de faire aucun quartier aux Irlandais pris en Angleterre les armes à la main; on les fusillait par centaine 3; on les jetait à la mer, liés dos à dos 4. Entre Anglais même, ce n'était plus cette douceur, cette courtoisie si fréquentes dans les premières campa-` gnes, et qui révélaient, dans les deux partis, une condition à peu près égale, la même éducation, les mêmes mœurs, l'habitude et le besoin de la paix, même en se combattant. Dans les rangs parlementaires, Fairfax conservait presque seul cette humanité élégante: autour de lui, officiers et soldats, parvenus braves et habiles, mais de mœurs rudes, ou fanatiques d'humeur violente et sombre, ne s'inquiétaient que de vaincre, et ne voyaient dans les cavaliers que des ennemis. Les cavaliers à leur tour, irrités, comme d'un affront, de succomber sous de tels adversaires, essayaient de s'en consoler ou de s'en venger par des moqueries, des épigrammes, des chansons, chaque jour plus insultantes 5. Ainsi

1 Le 11 août 1645; Parl. Hist., t. 3, col. 390.

* Le 20 septembre 1645; Parl. Hist., t. 3, col. 392; Clarendon,

Hist. of the Rebell., t. 8, p. 109.

3 Le 12 août 1645; Parl. Hist., t. 3, col. 390.

• Le 8 septembre 1645; Rushworth, part. 4, t. 1, p. 209.

1 Le 13 septembre 1645; Parl. Hist., t. 3, col. 391; Whitelocke,

p. 146.

* Le 24 octobre 1644; Rushworth, part. 3, t. 2, p. 783.

3 Baillie, Letters, t. 2, p. 164; Rushworth, part. 4, t. 1, p. 231.

* Clarendon, Hist. of the Rebell., t. 7, p. 358.

* Les plus remarquables de ces chansons sont celles qui furent 1 Parl. Hist., t. 3, col. 393, 394-398, 405.

:

la guerre devenait dure, quelquefois même cruelle, comme entre gens qui ne se sont connus que pour se mépriser ou se haïr. En même temps la mésintelligence, jusque-là contenue, éclatait entre les Écossais et les chambres; ceux-là se plaignaient qu'on ne payât point leur armée; celles-ci qu'une armée d'alliés pillât et dévastât, comme une troupe ennemie, les comtés qu'elle occupait 1. Partout enfin la fermentation plus ardente, l'inimitié plus profonde, les mesures plus âpres et plus décisives laissaient peu de chance que la paix vînt arrêter, ou seulement une trève suspendre le cours déjà si rapide des événements.

Les ouvertures du roi furent repoussées, tout sauf-conduit refusé à ses négociateurs. Il insista par deux nouveaux messages, toujours sans succès; on lui répondit que les intrigues de ses courtisans dans la Cité ne permettaient pas qu'on les y laissât venir 2. Il offrit de se rendre lui-même à Westmin

composées contre David Lesley et ses Écossais, lorsqu'il quitta le siège de Hereford pour marcher au secours de l'Écosse, presque entièrement subjuguée par Montrose, qu'il défit le 13 septembre 1645, à la bataille de Philip-Haugh. Aucune défaite n'avait encore ravi aux cavaliers de si belles espérances, et leur colère s'exhala avec une verve peu commune. (Voyez la plus énergique de ces chansons dans les Éclaircissements el Pièces historiques, n. 5.)

2 Le 26 décembre 1645; Parl. Hist., t. 3, col. 414.

ster pour traiter en personne avec le parlement1; malgré les remontrances des Écossais, sa proposition n'obtint pas un meilleur accueil2. Il renouvela ses instances 3, moins dans l'espoir, de réussir que pour décrier les chambres auprès du peuple qui souhaitait la paix. Mais ses ennemis avaient acquis naguère un moyen plus sûr de le décrier lui-même : ils annoncèrent solennellement qu'ils possédaient enfin la preuve de la fausseté de ses paroles; qu'il venait de conclure avec les Irlandais, non plus une cessation d'armes, mais un traité d'alliance; que dix mille de ces rebelles, sous les ordres du comte de Glamorgan, devaient bientôt débarquer à Chester; que le prix de cet odieux secours était la complète abolition des lois pénales contre les catholiques, la liberté de leur culte, la reconnaissance de leur droit aux églises comme aux terres dont ils s'étaient emparés, c'est-à-dire le triomphe du papisme en Irlande et la ruine des protestants. Une copie du traité et plusieurs lettres qui s'y rapportaient avaient été trouvées dans la voiture de l'archevêque de Tuam, l'un des chefs des insurgés, tué par hasard au milieu d'une escarmouche, sous les murs de Sligo 4. Le comité des deux royaumes, qui, depuis trois mois, les tenait en réserve pour quelque occasion importante, les mit sous les yeux des chambres; elles en ordonnèrent aussitôt la publication 1.

1 Les 26 et 30 décembre 1645; ibid. col. 415-417.

2 Le 13 janvier 1646; ibid. col. 418-421.

Le 15 janvier 1646; ibid. col. 421,

* Le 17 octobre 1645.

Le trouble du roi fut grand; les faits étaient réels; le parlement ne savait même pas tout. Depuis près de deux ans, Charles conduisait en personne cette négociation, à l'insu de son parti, de son conseil, se cachant même quelquefois du marquis d'Ormond, son lieutenant en Irlande, quoiqu'il ne doutât point de son zèle et ne pût se passer de son concours. Un catholique, lord Herbert, fils aîné du marquis de Worcester, et créé naguère comte de Glamorgan, avait seul en cette affaire toute la confiance du roi. Brave, généreux, inconsidéré, dévoué avec passion à son maître en péril et à sa religion opprimée, c'était Glamorgan qui allait et venait sans cesse tantôt d'Angleterre en Irlande, tantôt de Dublin à Kilkenny, se chargeant des démarches qu'Ormond ne voulait pas faire, et sachant seul jusqu'où pouvaient s'étendre les concessions du roi. Par lui passait la correspondance de Charles avec Rinuccini, nonce du pape, récemment arrivé

1 Parl. Hist., t. 3, col. 428; Rushworth, part. 4, t. 1, p. 238 et suiv.

2 La première commission du roi à Glamorgan est du 1er avril

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