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vieux, fatigué du combat, et marchait péniblement; les soldats, touchés de ses cheveux blancs et de son courage, lui apportèrent un tambour. Il s'assit, et s'adressant aux officiers de Brereton: «Messieurs, >> leur dit-il, vous avez fini votre ouvrage; vous >> pouvez maintenant aller jouer, à moins que vous n'aimiez mieux mieux vous quereller entre vous 1. >>>

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Charles n'avait plus que cette espérance; il s'empressa de la tenter. Depuis longtemps déjà, et pendant qu'il comblait quelques chefs presbytériens de compromettants égards, il entretenait avec les indépendants, avec Vane surtout, intrigant aussi actif qu'enthousiaste passionné, de secrètes relations. Naguère même le secrétaire d'État Nicholas avait écrit à Vane pour le presser de faire en sorte que le roi pût se rendre à Londres et traiter en personne avec les chambres, lui promettant que, si elles exigeaient le triomphe de la discipline presbytérienne, les royalistes se joindraient à ses amis << pour extirper du royaume cette domination ty>> rannique, et se garantir mutuellement leur li>>> berté3. >> On ignore ce que Vane répondit à cette lettre; mais, après la déroute d'Astley, le roi luimême lui écrivit : « Soyez certain que toutes choses >> se passeront selon ma promesse; par tout ce qu'il >> y a de cher à un homme, je vous conjure de hâter >> vos bons offices; sinon, il sera trop tard, et je >> périrai avant d'en recueillir le fruit. Je ne puis >> vous dire toutes mes nécessités; mais je suis sûr >> que, si je le faisais, vous laisseriez de côté toute >> autre considération pour vous prêter à mes dé>> sirs. C'est là tout; fiez-vous à moi; je récompen>> serai pleinement vos services. J'ai tout dit; si dans >> quatre jours je n'ai pas de réponse, je serai con>> traint de trouver quelque autre expédient. Que >> Dieu vous guide! J'ai acquitté mon devoir 1. adressa en même temps un message aux chambres pour offrir de licencier ses troupes, d'ouvrir toutes ses places, et d'aller reprendre sa résidence à Whitehall 2.

1 Rushworth, part. 4, t. 1, p. 139–141; Old Parl. Hist., t. 14, p. 297-302.

2 Le 2 mars 1646.

Evelyn's Memoirs, t. 2, Appendix, p. 115.

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Il

A cette proposition, et sur le bruit que tout à coup, sans rien attendre, le roi pourrait bien arriver, la plus vive alarme régna dans Westminster : politiques ou fanatiques, presbytériens ou indépendants, tous savaient que, le roi à Whitehall, ce ne serait plus contre lui qu'éclateraient les émeutes de la Cité; tous étaient également résolus de ne point tomber à sa merci. Ils prirent sur-le-champ, contre

1 Evelyn, t. 2, Append. p. 116; Clarendon, State Papers, t. 2, p. 227. La lettre est sans date et sans signature.

2 Le 23 mars 1646, Parl. Hist., t. 3, col. 451.

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un tel péril, les mesures les plus violentes : défense fut faite de recevoir le roi, ou de se rendre auprès de lui s'il venait à Londres, ou de fournir à qui que ce fût le moyen de l'approcher. Le comité de la milice reçut des pouvoirs pour empêcher tout rassemblement, arrêter quiconque viendrait avec le roi, prévenir toute affluence vers lui, mettre même au besoin sa propre personne à l'abri de tout danger. Les papistes, les délinquants, les officiers réformés, les soldats de fortune, quiconque avait pris parti contre le parlement, eurent ordre de quitter Londres sous trois jours 1. Enfin une cour martiale fut instituée, et la peine de mort décernée contre toute personne qui entretiendrait, directement ou indirectement, des relations avec le roi, ou qui viendrait sans passe-port d'un campou d'une place au pouvoir du roi, ou qui recevrait ou cacherait quelque homme ayant porté les armes contre le parlement, ou qui volontairement laisserait échapper un prisonnier de guerre, etc., etc. Jamais aucun acte des chambres n'avait porté l'empreinte d'un tel effroi.

Vane, de son côté, laissa la lettre du roi sans réponse, ou du moins sans effet.

1 Les 31 mars et 3 avril 1646; Parl. Hist., t. 3, col. 452, 453; Rushworth, part. 4, t. 1, p. 249.

2 Le 3 avril 1646; Rushworth, part. 4, t. 1, p. 252.

Cependant les troupes de Fairfax s'avançaient à grandes marches pour bloquer Oxford; déjà le colonel Rainsborough et deux autres régiments étaient campés en vue de la place. Le roi fit offrir à Rainsborough de se rendre à lui s'il voulait engager sa parole de le conduire aussitôt vers le parlement. Rainsborough refusa. Sous peu de jours, le blocus ne pouvait manquer d'être complet; et quelle qu'en fût la durée, le résultat en était infaillible; le roi tombait comme prisonnier de guerre aux mains de ses ennemis 1.

Un seul asile lui restait à tenter, le camp des Écossais. Depuis deux mois déjà, M. de Montreuil, ministre de France, touché de sa détresse plutôt que pour obéir aux instructions de Mazarin, travaillait à le lui ménager. Rebuté d'abord par les commissaires écossais en résidence à Londres, convaincu, par un voyage à Edimbourg, qu'il n'y avait rien à espérer du parlement d'Écosse, il s'était enfin adressé à quelques chefs de l'armée qui assiégeait Newark; et leurs dispositions lui avaient paru si favorables, qu'il avait cru pouvoir promettre au roi, au nom et sous la garantie du roi de France, que les Écossais le recevraient comme leur légitime souverain, le mettraient, lui et les siens, à l'abri de tout danger, concourraient même avec lui de tout leur pouvoir au rétablissement de la paix. Les incertitudes et les rétractations des officiers écossais, qui voulaient bien sauver le roi mais non se brouiller avec le parlement, firent bientôt voir à Montreuil qu'il s'était trop avancé, et il se hâta de le mander à Oxford. Cependant la nécessité, chaque jour plus pressante, rendait le roi et Montreuil luimême moins difficiles; la reine, qui, de Paris, avait aussi dans l'armée écossaise des relations et des agents, exhortait son mari à s'y confier. Dans de nouvelles conférences, les officiers firent à Montreuil quelques promesses; il en informa le roi, attentif pourtant à lui répéter que la démarche était hasardeuse, tout autre refuge préférable, disant seulement que, s'il n'en avait aucun autre, il trouverait auprès des Écossais, pour sa personne du moins, pleine sûreté1.

1 Clarendon, Hist. of the Rebell., t. 8, p. 257.

2 Le 1er avril 1646.

Décidé ou incertain, Charles ne pouvait plus attendre : déjà Fairfax était à Newbury; le blocus devait être complet sous trois jours. Le 27 avril, à minuit, suivi seulement d'Ashburnham et d'un ecclésiastique, le docteur Hudson, guide bien instruit de tous les chemins, le roi sortit d'Oxford à cheval, déguisé en domestique d'Ashburnham, portant en

1 Dans ses lettres des 15, 16 et 20 avril; Clarendon, Hist. of the Rebell., t. 8, p. 247-255; State papers, t. 2, p. 211-226.:

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