Images de page
PDF
ePub

après, les Ecossais reçurent à Nort-Allerton leur premier paiement. Le nom du roi ne fut point prononcé dans les actes de cette négociation; mais huit jours après la signature du traité1, les deux chambres votèrent qu'il serait conduit au château de Holmby, dans le comté de Northampton; et sa personne faisait si bien partie du marché que les communes agitèrent la question de savoir si des commissaires seraient envoyés à Newcastle pour le recevoir solennellement des mains des Écossais, ou si elles ne demanderaient pas qu'il fût remis sans cérémonie à Skippon avec les clefs de la place et la quittance de l'argent. Les indépendants insistaient vivement pour ce dernier mode, charmés d'avilir en même temps le roi et leurs rivaux; mais les presbytériens réussirent à le faire rejeter; et le 12 janvier, neuf commissaires, trois lords et six membres des communes3, avec une suite nombreuse, partirent de Londres pour aller prendre respectueusement possession de leur souverain 4.

Charles jouait aux échecs quand il reçut le premier avis du vote des chambres et de sa prochaine translation au château de Holmby; il acheva tranquillement sa partie, et se contenta de répondre qu'à l'arrivée des commissaires il leur ferait connaître sa volonté 1. Cependant l'anxiété croissait autour de lui; ses amis, ses serviteurs lui cherchaient partout quelque secours ou quelque refuge, tantôt méditant une nouvelle fuite, tantôt essayant de susciter, dans quelque coin du royaume, un nouveau soulèvement. Le peuple même commençait à se montrer touché de son sort. Un ministre écossais, prêchant devant lui à Newcastle, désigna aux chants de l'assemblée le psaume 51e qui commence par ces mots : «Tyran, pourquoi te glorifies>> tu dans ta malice et te vantes-tu de tes iniqui>>>tés? >> Le roi, se levant tout à coup, entonna, au lieu de ce verset, le psaume 56° : « Aie pitié de >>> moi, mon Dieu, car mes ennemis m'ont foulé >>> aux pieds tout le jour, et il y en a beaucoup qui >>> me font la guerre; >> et d'un commun élan, toute l'assistance se joignit à lui: mais la pitié du peuple est tardive et demeure longtemps sans effet.

[graphic]
[graphic]

1 Le 31 décembre 1646; Parl. Hist., t.3, col. 538.

2 Le 6 janvier 1647; Old Parl. Hist., t. 15, p. 264.

3 Les comtes de Pembroke et de Denbigh, lord Montague, sir John Coke, sir Walter Earl, sir John Holland, sir James Harrington, M. Crew, et le major général Brown.

4 Old Parl. Hist., t. 15, p. 265; Mémoires de Herbert, p. 6, dans ma Collection.

[graphic]
[graphic]

1 Le 15 janvier 1647; Old Parl. Hist., t. 15, p. 278; Burnet, Memoirs of the Hamiltons, p. 307.

2 Old Parl. Hist., t. 15, p. 269, 307 et suivantes; Whitelocke, 237.

3 Whitelocke, p. 234.

Les commissaires arrivèrent à Newcastle 1; le parlement d'Ecosse avait officiellement consenti à la remise du roi 2. «Je suis vendu et acheté, >> dit-il en l'apprenant3. Cependant il reçut bien les commissaires, s'entretint gaîment avec eux, félicita lord Pembroke d'avoir pu, à son âge et par une saison si rude, faire sans fatigue un si long voyage, s'informa de l'état des routes, parut vouloir enfin qu'on le crût bien aise de se rapprocher du parlement4. A la veille de le quitter, les commissaires écossais, lord Lauderdale surtout, le plus clairvoyant de tous, firent auprès de lui, en faveur du covenant, une dernière tentative : «Que le roi l'adopte, disaient>> ils, et, au lieu de le remettre aux Anglais, nous >> l'emmènerons à Berwick; nous lui obtiendrons >> des conditions raisonnables. » Ils offrirent même à Montreuil, qui leur servait toujours d'intermédiaire, une forte somme s'il pouvait seulement obtenir du roi une simple promesse 5. Charles persista dans ses refus, mais sans se plaindre de la conduite de l'Écosse à son égard, traitant également bien les commissaires des deux nations, évidemment appliqué à ne témoigner à l'une ni à l'autre aucune méfiance ni humeur1. Las de leur impuissance, les Écossais s'éloignèrent enfin; Newcastle fut remis aux troupes anglaises 2, et le roi en partit le 9 février, sous l'escorte d'un régiment de cavalerie. Il voyageait avec lenteur; partout accourait sur sa route une foule empressée; on lui amenait les malades atteints des écrouelles; on les rangeait autour de sa voiture ou près de sa porte pour qu'il les touchât en passant. Les commissaires effrayés interdirent ce concours 3, mais avec peu de fruit, car personne n'était encore accoutumé à opprimer ou à craindre, et les soldats même n'osaient repousser trop rudement les citoyens 4. Aux approches de Nottingham, 'Fairfax, qui avait là son quartier général, vint audevant du roi, mit pied à terre dès qu'il l'aperçut, lui baisa la main, et, remontant à cheval, traversa la ville à côté de lui, dans un entretien respectueux. << Le général est un homme d'honneur, dit le roi en >>> le quittant, il m'a tenu parole 5; » et, le surlen

[graphic]

1 Le 23 janvier 1647.

2 Le 16 janvier 1647; Parl. Hist., t. 3, col. 541.

3 Whitelocke, p. 240.

4 Mémoires de Herbert, p. 7, dans ma Collection.

* Thurloe, State Papers, t. 1, p. 87; lettre de M. de Montreuil

à M. de Brionne, du 2 février 1647.

1 Thurloe, State Papers, t. 1, p. 87.

2 Le 30 janvier 1647.

3 Le 9 février 1647, par une déclaration publiée à Leeds; Parl. Hist., t. 3, col. 549.

* Mémoires de Herbert, p. 10.

5 Whitelocke, p. 242. On ignore à quelle promesse Charles faisait allusion; peut-être à celle de le recevoir et de s'entretenir avec lui comme le fit Fairfax.

13

1

demain 1, en entrant à Holmby où s'étaient réunis, pour fêter son arrivée, beaucoup de gentilshommes et de bourgeois des environs, il s'applaudit hautement de l'accueil qu'il avait reçu de sės sujets 2.

A Westminster, les presbytériens eux-mêmes en conçurent quelque inquiétude; mais elle céda bientôt à la joie de se voir maîtres du roi et libres enfin d'attaquer hardiment leurs ennemis. Charles arriva à Holmby le 16 février; et le 19, les communes avaient déjà voté que l'armée serait licenciée, sauf ce qu'exigeraient la guerre d'Irlande, le service des garnisons et la police du royaume 3. Peu s'en fallut que Fairfax ne fût d'avance écarté du commandement des troupes qu'on devait garder 4; et, en le lui conservant, on décréta qu'aucun membre de la chambre ne pourrait servir avec lui, qu'il n'aurait sous ses ordres aucun officier au-dessus du grade de colonel, qu'ils seraient tous tenus de se conformer à l'Église presbytérienne et d'adopter le covenant. Les lords de leur côté, pour soulager,

1 Le 16 février 1647.

2 Mémoires de Herbert, p. 10.

3 Parl. Hist., t. 3, col. 558. Cette motion fut adoptée par cent cinquante-huit voix contre cent quarante-huit.

* La motion ne fut rejetée que par une majorité de douze voix, cent cinquante-neuf contre cent quarante-sept; Old Parl. Hist., t. 15, p. 331; Whitelocke, p. 243.

* Cette motion fut adoptée par cent trente-six voix contre cent huit; Parl. Hist., t. 3, col. 558.

« PrécédentContinuer »