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Hyde seul s'opposait avec franchise à de telles fautes, et parvenait quelquefois à l'en détourner; mais Hyde lui-même, étranger à la cour, sans autre éclat ni pouvoir que celui de ses fonctions, avait besoin que la volonté du roi le soutînt, tantôt contre l'humeur de la reine, tantôt contre les intrigues de jaloux courtisans; il maintenait sa réputation de conseiller influent et d'homme sage, mais sans exercer un ascendant véritable, sans obtenir aucun important résultat 1. La discorde enfin était aussi grande à Oxford qu'à Londres, et bien plus fatale, car à Londres elle précipitait, à Oxford elle paralysait le mouvement.

Ce fut au milieu de tant d'embarras, et lorsque, au fond du cœur, il était peut-être aussi las de son parti que de son peuple, que Charles apprit la nouvelle alliance de l'Écosse avec le parlement, et qu'un autre de ses royaumes se disposait ainsi à lui faire ¡ la guerre. Il ordonna sur-le-champ au duc de Hamilton, rentré en possession de sa confiance, et son commissaire à Édimbourg, de prévenir à tout prix une telle union. On offrit, dit-on, aux Écossais de leur assurer à l'avenir le tiers des charges de la maison royale; d'annexer de nouveau à l'Écosse les comtés de Northumberland, Westmoreland et Cumberland, dépendants jadis de son territoire; de fixer à Newcastle la résidence du roi; enfin d'établir au milieu d'eux le prince de Galles et sa cour 1. De telles promesses, s'il est vrai qu'elles aient eu lieu, ne pouvaient être sincères ni accomplies; et le parlement écossais l'eût-il voulu, un fait récent ne permettait pas qu'il s'y laissât tromper. Le comte d'Antrim venait d'être arrêté en Irlande par les troupes écossaises cantonnées dans l'Ulster, peu d'heures après son débarquement; et on avait trouvé sur sa personne les preuves du plan formé à York entre Montrose et lui, pendant leur séjour auprès de la reine, pour transporter en Écosse un corps nombreux de catholiques irlandais, soulever les montagnards du nord, et faire ainsi, en faveur du roi, une puissante diversion. Évidemment l'entreprise était sur le point de commencer, car Montrose avait rejoint le roi pendant le siége de Glocester, et Antrim arrivait d'Oxford. Comme à son dernier voyage en Écosse, le roi méditait donc, contre ses sujets, les plus sinistres desseins, au moment même où on leur faisait de sa part les plus magnifiques propositions. Le parlement d'Édimbourg conclut en toute hâte son traité avec celui de Westminster, et l'informa de tous ces détails 2.

1 Clarendon, Hist. of the Rebell., t. 6, p. 215, 252.

1 Burnet, Hist. de mon Temps, t. 1, p. 72, dans ma Collection des Mém. relat. à la Révol. d'Anglet.

2 Malcolm Laing, Hist. of Scotland, t. 3, p. 256.

Il avait fait et lui transmit en même temps une bien plus grave découverte; les papiers d'Antrim laissaient entrevoir que le roi entretenait avec les Irlandais insurgés de fréquentes relations; qu'il avait reçu plusieurs fois leurs demandes, leurs offres, qu'il était même près de conclure avec eux une suspension d'armes, et s'en promettait, pour la prochaine campagne, les meilleurs résultats 1. Ces indications n'étaient point trompeuses: depuis longtemps déjà, Charles, sans cesser de la maudire quand il parlait à l'Angleterre, était avec l'Irlande rebelle en ménagement et négociation. La guerre allumée par l'insurrection avait continué dans ce malheureux pays sans relache, mais sans effet. Dix ou douze mille soldats, mal payés, rarement recrutés, étaient trop faibles pour le soumettre, quoique suffisants pour l'empêcher de s'affranchir. Au mois de février 1642, avant l'explosion de la guerre civile, les chambres avaient voulu tenter un grand effort; un emprunt avait été ouvert pour suffire aux frais d'une expédition décisive; et les terres des insurgés, que les confiscations futures ne pouvaient manquer de fair échoir à la couronne, avaient été affectées d'avance, d'après un tarif déterminé, au remboursement des souscripteurs 1. De fortes sommes furent ainsi recueillies, et quelques secours envoyés à Dublin: mais la guerre civile éclata; pressé par ses propres affaires, le parlement ne s'occupa plus de l'Irlande que de loin en Join, sans vigueur, sans suite, pour assoupir, quand elles devenaient trop vives, les plaintes des protestants de ce royaume, surtout pour rendre, aux yeux de l'Angleterre, le roi responsable de leurs malheurs. Charles ne faisait à leurs intérêts ni plus d'attention, ni plus de sacrifices, et pendant qu'il reprochait au parlement de s'être approprié une partie des sommes levées pour leur cause, lui-même interceptait les convois destinés à les approvisionner, ou leur enlevait, jusque dans les arsenaux de Dublin, les fusils et la poudre dont ils avaient le plus pressant besoin. Mais les principaux protestants d'Irlande, aristocrates par situation, étaient attachés à l'épiscopat et à la couronne; l'armée comptait parmi ses officiers un grand nombre de ceux que le parlement s'était empressé d'éloigner comme cavaliers; ils avaient pour général le comte d'Ormont, riche, brave, généreux, populaire, qui gagna deux batailles contre les rebelles 1, , et fit honneur au roi de ses succès. Le parti parlementaire déclina rapidement en Irlande; les magistrats qui lui étaient dévoués furent remplacés par des royalistes : le parlement envoya deux commissaires, membres des communes, pour ressaisir quelque empire ; mais Ormond leur interdit l'entrée du conseil, et au bout de quatre mois se sentit assez fort pour les contraindre à se rembarquer 3. Tout le pouvoir civil et militaire fut dès lors entre les mains du roi, qui, débarrassé d'une surveillance importune quoique impuissante, n'hésita plus à suivre le dessein auquel le poussaient ses embarras et son penchant. La reine n'avait jamais cessé d'entretenir avec les catholiques irlandais une correspondance que sans doute son mari n'ignorait pas; l'insurrection n'était plus, comme aux premiers jours, le hideux déchaînement d'une populace sauvage; un conseil souverain de vingt-quatre membres, résidant à Kilkenny 4, la gouvernait avec prudence et régularité; plus d'une fois déjà il avait adressé au roi d'affectueux messages, le suppliant

1 Malcolm Laing, Hist. of Scotland, t. 3, p. 256.

2 Sa correspondance avec lord Ormond ne permet pas d'en douter (Carte, Ormond's life, t. 3, passim). M. Brodie en a bien résumé les preuves (Hist. of the British empire, t. 3, p. 459, dans la note).

1 May, Hist. du Long-Parl., t. 1, p. 296, dans ma Collection, et tous les Mémoires du temps.

2 Carte, Ormond's life, t. 2, appendix, p. 3 et 5.

1 Les batailles de Kilrush et de Ross, les 15 avril 1642 et 19 mars 1643.

2 Goodwin et Reynolds, dans l'automne de 1642.

3 En février 1643.

* Depuis le 14 novembre 1642.

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