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Au moment où le roi reçut la nouvelle de ces résolutions, il se disposait à partir pour Richmond, selon le vœu des chambres, à le tenter du moins, car depuis ce vœu, il était l'objet de la plus exacte surveillance, et traîné de ville en ville à la suite de l'armée, voyait partout, dès qu'il arrivait, de nombreuses sentinelles entourer son logement. Il en témoignait hautement son humeur : «Puisque mes >> chambres, disait-il, me demandent d'aller à Rich>> mond, si quelqu'un prétend m'en empêcher, >> il faudra que ce soit par force et en saisissant la >> bride de mon cheval; et s'il se trouve un homme >> qui ose le tenter, il ne tiendra pas à moi que ce >>> ne soit là sa dernière action 1. >> Quand il apprit que les chambres même s'opposaient à son départ, qu'elles avaient tout cédé à l'armée, et négociaient avec elle comme avec un vainqueur, il sourit dédaigneusement à cette humiliation de ses premiers adversaires, et se hâta de donner à ses intriguęs un autre cours. Sauf les mesures prises pour prévenir toute tentative d'évasion, il n'avait point à se plaindre de l'armée ; les officiers se montraient avec lui aussi respectueux et beaucoup plus faciles que les commissaires du parlement. Deux de ses chapelains,

Parl. Hist., t. 3, col. 661. Les commissaires de l'armée furent Cromwell, Ireton, Fleetwood, Rainsborough, Harrison sir Hardress Waller, Rich, Hammond, Lambert et Desborough. 1 Mémoires de Huntington, p. 314, dans ma Collection.

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les docteurs Sheldon et Hammond, avaient été admis à résider auprès de lui, et officiaient librement selon les rites de l'Église épiscopale; ses anciens serviteurs, les cavaliers même naguère en armes n'étaient plus indistinctement écartés; le duc de Richmond, le comte de Southampton, le marquis de Hertford obtinrent la permission de l'approcher; les chefs de l'armée prenaient plaisir à faire, avec les grands seigneurs royalistes, acte de générosité comme de puissance; et même dans les rangs moins élevés, l'esprit militaire se refusait à ces subtiles précautions, à ces rigueurs tracassières dont, à Newcastle et à Holmby, le roi avait eu si souvent à souffrir1. Depuis la reddition d'Oxford, ses plus jeunes enfants, le duc d'York, la princesse Élisabeth et le duc de Glocester, habitaient tantôt SaintJames, tantôt Sion-house, près de Londres, sous la garde du comte de Northumberland à qui le parlement les avait confiés. Charles témoigna le désir de les voir, et Fairfax s'empressa de l'appuyer officiellement auprès des chambres : « Qui ne regretterait, >> dit-il, que, pour si peu de chose, l'affection si >> naturelle de sa Majesté pour ses enfants eût à subir >> un refus?? » L'entrevue eut lieu à Maidenhead,

1 Mémoires de Herbert, p. 14 et suivantes, dans ma Collection; Clarendon, Hist. of the Rebell, t. 8, p. 306.

2 Sa lettre est du 8 juillet; Parl. Hist., t. 3, col. 679.

* Le 15 juillet.

au milieu d'un grand concours de peuple qui semait de verdure et de fleurs tous les chemins par où la famille royale devait passer; et, loin d'en concevoir aucune aigreur ni méfiance, officiers et soldats, touchés, comme le peuple, de la joie d'un père, trouvèrent bon qu'il emmenât ses enfants à Caversham où il résidait alors, et les gardât deux jours avec lui1. Quelques-uns d'ailleurs, Cromwell et Ireton surtout, trop clairvoyants pour se flatter que leur lutte avec les presbytériens fût à son terme et leur victoire assurée, s'inquiétaient de l'avenir, en calculaient toutes les chances, et, cherchant partout un dénoûment à cette crise, se demandaient si la faveur du roi, relevé par leurs mains, ne serait pas, pour leur parti, la meilleure garantie, pour eux-mêmes le plus sûr moyen de fortune et de pouvoir.

Le bruit de ces dispositions, des égards que témoignait au roi l'armée, des démarches que faisaient pour se rapprocher de lui quelques-uns de ses chefs, se répandit bientôt dans tout le royaume. On allait jusqu'à dire quelles conditions lui étaient offertes, et des pamphlets en circulaient, les uns à la louange, les autres au blâme du parti. Il crut devoir démen

1 Rushworth, part. 4, t. 1, p. 625; Clarendon, Hist. of the Rebell., t. 8, p. 317.

2 Mémoires de Huntington, p. 317, dans ma Collection.

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tir officiellement ces rapports, réclamer même, d'un ton de colère, le châtiment de leurs auteurs 1. Mais les négociations avec le roi n'en continuèrent pas moins; beaucoup d'officiers étaient auprès de lui empressés et assidus; des relations familières et presque amicales s'établissaient entre eux et les cavaliers, comme entre gens qui se sont loyalement combattus et ne demandent plus qu'à vivre en paix. Le roi lui-même en écrivit à la reine avec quelque confiance. Bientôt, et parmi les émigrés peu nombreux qui l'avaient suivie à Paris, ou s'étaient réfugiés en Normandie, à Rouen, à Caen, à Dieppe, ce nouvel espoir devint le sujet de tous les entretiens. Deux hommes surtout s'appliquaient à le répandre, laissant entrevoir qu'ils en savaient plus qu'ils n'en disaient, et que nul ne pouvait comme eux rendre au roi, dans cette occurrence, des services importants. L'un, sir John Berkley, s'était vaillamment défendu dans Exeter, et n'avait rendu sa place que trois semaines avant la fuite du roi au camp des Écossais; l'autre, Ashburnham, n'avait quitté Charles qu'à Newcastle et par nécessité, pour échapper à la haine du parlement; tous deux intrigants, vaniteux et håbleurs, Berkley avec plus de courage, Ashburnham plus fin et plus accrédité auprès du roi. Ils avaient eu l'un et l'autre, Berkley

1 Le 1er juillet 1647; Old Parl. Hist., t. 16, p. 60-62.

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par hasard, Ashburnham par ordre de Charles luimême, quelques relations avec quelques-uns des principaux officiers, assez pour se croire en droit de s'en vanter et en mesure de les mettre à profit. La reine accueillit sans balancer toutes leurs assurances; et par son ordre, vers le commencement de juillet, à quelques jours d'intervalle, tous deux partirent pour aller s'offrir au roi et à l'armée en qualité de négociateurs 1.

A peine Berkley avait débarqué qu'un cavalier de ses amis, sir Allen Apsley 2, vint à sa rencontre, envoyé par Cromwell, Lambert et quelques autres, pour l'assurer qu'ils n'avaient point oublié leurs conversations avec lui après la prise d'Exeter, ni ses excellents conseils, et qu'ils étaient tout prêts à en profiter; qu'il se pressat donc de venir. A ce message, fier de se trouver plus important qu'il ne s'en était flatté lui-même, Berkley, ne s'arrêtant qu'un moment à Londres, se rendit en hâte au quartier général, alors à Reading. Il n'y était que depuis trois heures; déjà Cromwell s'était excusé de ne pouvoir lui faire sur-le-champ sa visite; et le même jour, à dix heures du soir, Berkley le vit entrer avec Rainsborough et sir Hardress Waller. Tous trois

1 Mémoires de Berkley, p. 161-163, dans ma Collection; Clarendon, Hist. of the Rebell., t. 8, p. 310-314. 2 Frère de mistriss Hutchinson.

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