nord de l'Angleterre n'attendaient, pour éclater, que ce signal; depuis plus d'un mois leurs principaux chefs, Langdale, Glenham, Musgrave, vivaient à Édimbourg, tantôt publiquement, tantôt cachés, concertant avec Hamilton leur plan d'insurrection 1. En Irlande, lord Inchiquin, président de la province de Munster, et jusque-là le plus sûr appui du parlement contre les insurgés, passait aussi sous les drapeaux du roi 2. Enfin, quand toutes ces nouvelles arrivèrent à Londres, dans les chambres et dans la Cité, le parti presbytérien releva la tête : pour couvrir ses espérances, il fit grand bruit de ses alarmes. Un nommé John Everard vint déclarer, sous serment, au conseil commun que l'avant-veille, étant dans son lit à l'auberge de la Jarretière, à Windsor, il avait entendu dans la chambre voisine plusieurs officiers, entre autres le quartier-maître général Grosvenor et le colonel Ewers, se promettre mutuellement que, dès que les Écossais mettraient le pied dans le royaume, l'armée entrerait dans la Cité, désarmerait tous les citoyens, en exigerait un million sterl. sous peine de pillage, et enverrait de plus, à leurs frais, tous les 1 Clarendon, Hist. of the Rebell., t. 9, p. 83-89. 2 Rushworth, part. 4, t. 2, p. 1060, 1063; Mémoires de Ludlow, t. 1, p. 296; Carte, Ormond's life, t. 2, p. 23; Clarendon, Hist. of the Rebell., t. 9, p. 36-40, 211 et suiv. 3 Le 23 avril 1648. 20 hommes de bonne volonté prendre place dans les régiments. Au dire d'Everard, Ireton était informé de ce dessein 1. Une pétition fut sur-le-champ dressée et portée aux chambres; le conseil commun y demandait que la Cité fût remise en possession de ses chaînes qu'on lui avait enlevées à la suite de la dernière émeute; que l'armée éloignât son quartier général; que toutes les forces de Londres et des faubourgs fussent placées sous le commandement de Skippon. Ces demandes furent à l'instant accordées; et le lendemain, 28 avril, après un débat dont il ne reste aucun monument, les communes votèrent : 1o qu'elles n'altéreraient point le gouvernement fondamental du royaume par un roi, des lords et des communes; 2o que les propositions offertes au roi à Hampton-court seraient la base des mesures qu'il était urgent d'adopter pour rétablir la paix publique; 3o que, malgré le vote du 3 janvier précédent, qui interdisait toute adresse au roi, tout membre serait libre de proposer ce que lui semblerait exiger l'intérêt du pays 3. Depuis trois semaines Cromwell prévoyait et tentait de prévenir ce revers: au nom des chefs de l'armée et du parti, il avait fait offrir au conseil commun 1 de rendre à la Cité le commandement de sa milice, de la Tour, et la mise en liberté de ses aldermen accusés, pourvu qu'elle s'engageàt à ne rien faire qui pût servir les Ecossais dans leur prochaine invasion; mais ses offres avaient été repoussées. Contraint de renoncer à tout espoir de conciliation, quand il vit les presbytériens reprendre courage dans la Cité et crédit dans le parlement, un désir passionné lui vint de risquer un coup décisif, Il se rendit au quartier général, fit convoquer le conseil des officiers, et ouvrit l'avis que l'armée marchât sur Londres, expulsat des chambres tous ses adversaires, prit enfin, au nom des gens de bien et du salut public, pleine possession du pouvoir. Un moment la proposition fut adoptée : cependant une si rude atteinte aux droits d'un parlement si longtemps l'idole et le maître du pays, étonnait encore les plus audacieux ; ils hésitaient. Fairfax, qui commençait à s'inquiéter de ce qu'il accomplissait, en profita pour se refuser aux instances du lieutenant général qui voulait donner sur-le-champ les ordres; le projet fut abandonné3. Las de ce double mécompte, suspect aux uns par ses tentatives d'accommodement, aux autres par l'emportement de 1 Parl. Hist., t. 3, col. 881. 2 Le 27 avril. * Parl. Hist., t. 3, col. 882-883. 1 Le 8 avril 1648. 2 Clément Walker, Hist. of Independency, p. 82-83. 3 Mémoires de Fairfax, p. 405-406. ses desseins, incapable de supporter l'inaction et la perplexité, Cromwell résolut soudain de quitter Londres, d'aller combattre les insurgés de l'ouest, et de ressaisir par la guerre l'ascendant qui lui échappait. Il eut peu de peine à obtenir des chambres cette mission. Pendant que les troupes qui devaient le suivre faisaient leurs préparatifs de départ, il se plaignit un jour à Ludlow de sa situation, rappelant ce qu'il avait fait pour la cause commune, quels périls, quelles haines il avait bravés, et se récriant contre l'ingratitude de son parti. Ludlow accueillit ses plaintes, lui rappela à son tour quels motifs, quels prétextes il avait donnés à la méfiance, le pressa de renoncer à toute intrigue, à toute vue ambitieuse, lui promit, à cette condition, l'appui sincère des républicains, et le quitta charmé de l'attention docile qu'avaient obtenue ses conseils 1. Peu de jours après, à la tête de cinq régiments, Cromwell se mit en marche pour le pays de Galles ; et presque aux portes de Londres, à un rendezvous convenu, des ministres presbytériens eurent avec lui une entrevue dont ils se retirèrent non moins satisfaits2. A peine il était parti que la guerre qu'il allait chercher éclata de tous côtés autour du parlement : les cavaliers s'étaient bien promis de ne rien tenter avant l'entrée des Écossais dans le royaume; mais chaque jour, dans quelque lieu, l'élan populaire, l'occasion favorable, une circonstance inattendue et qui semblait impérieuse, précipitait l'insurrection. Des habitants du comté d'Essex avaient demandé qu'une négociation fût rouverte avec le roi et l'armée licenciée après le paiement de ses arrérages 1. A leur exemple, sept ou huit cents gentilshommes, francs-tenanciers, fermiers du comté de Surrey, se rendirent à Londres, porteurs d'une pétition analogue; mais le ton en était bien plus hautain; ils voulaient que le roi, rappelé à Whitehall, fût remis sur son trône avec la splendeur de ses ancêtres; et arrivés à Westminster, comme ils traversaient les cours et les salles, quelques-uns d'entre eux s'adressant aux soldats : «Pouvez-vous, >> leur dirent-ils, rester là à garder cette bande de >> coquins ? >> Les soldats repoussèrent vivement l'injure; la querelle s'engagea; le poste fut désarmé, un soldat tué. Un renfort de troupes survint, et les pétitionnaires, chargés à leur tour, poursuivis de corridor en corridor, de salle en salle, de rue en rue, ne s'enfuirent pourtant qu'après une vive ré-sistance, laissant cinq ou six morts à la porte du 1 Mémoires de Ludlow, t. 1, p. 288. 2 Mémoires de mistriss Hutchinson, t. 2, p. 157-158, |