bientôt redoutable; il importait surtout d'empêcher qu'il ne rejoignît le prince Robert. Essex convoqua un grand conseil de guerre, et y proposa que Waller, moins chargé de grosse artillerie et de bagage, se mît à la poursuite du roi, tandis que lui-même marcherait vers l'ouest pour faire lever le siége de Lyme, et réduire le pays au pouvoir du parlement. Waller repoussa ce dessein; telle n'était point, ditil, la destination que le comité des deux royaumes avait assignée aux deux armées, dans le cas où elles viendraient à se séparer; c'était à lui que le commandement de l'ouest devait appartenir. Le conseil de guerre partagea l'avis du lord général; Essex réclama avec hauteur la soumission; Waller obéit, et se mit même sans retard en mouvement, mais après avoir adressé au comité d'amères plaintes sur le mépris que faisait le comte de ses instructions 1. Vivement offensé, le comité porta sur-le-champ la question à la chambre des communes; et après un débat dont il ne reste aucune trace, l'ordre fut expédié à Essex de revenir sur ses pas, de reprendre la poursuite du roi, et de laisser Waller s'avancer seul dans l'ouest, comme il l'eût dû faire d'abord 2. 1 Clarendon, Hist. of the Rebell., t. 7, p. 131; Whitelocke, Memorials, etc, p. 86. * Rushworth, part. 3, t. 2, p. 672. Le comte était entré en campagne avec humeur; un moment intimidés par leurs périls et ses victoires, ses ennemis avaient recommencé, pendant l'hiver, à l'assiéger de soupçons, à lui susciter mille dégoûts; peu avant son départ, une pétition populaire avait demandé la réforme de son armée, et les communes n'en avaient témoigné nul mécontentement1; celle de Waller était toujours mieux pourvue et payée avec plus d'exactitude 2; c'était évidemment contre lui, et pour le remplacer au besoin, que lord Manchester en formait une nouvelle ; à Londres et dans son camp ses amis s'indignaient que, du fond d'une salle de Wesminster, des hommes étrangers à la guerre prétendissent en régler les opérations, et prescrire à des généraux leurs mouvements 4. Il répondit au comité : « Vos >> ordres sont contraires à la discipline militaire et >> à la raison; si je revenais sur mes pas, ce serait, >> à tous égards, un grand encouragement pour l'en>> nemi. Votre innocent quoique suspect serviteur, >> ESSEX; >> et il continua sa marche5. 1 Whitelocke, p. 76. 2 Rushworth, part. 3, t. 2, p. 683; Mémoires de Hollis, p. 30, dans ma Collection. * Clarendon, Hist. of the Rebell., t. 7, p. 109. * Whitelocke, Memorials, etc., p. 86. 5 Rushworth, part. 3, t. 2, p. 683; Clarendon, Hist. of the Rebell., t. 7, p. 132. Le comité surpris ajourna la querelle et sa colère; les ennemis d'Essex ne se sentaient pas assez forts pour le perdre, ni même pour se passer de lui; ils se contentèrent de faire insérer dans la réponse qui lui fut adressée quelques phrases de réprimande sur le ton de sa lettre 1; et il reçut l'ordre de poursuivre l'expédition que le précédent message lui avait enjoint d'abandonner 2. Les nouvelles de l'armée de Waller n'étaient pas étrangères à tant de prudence. Après avoir vainement poursuivi le roi, ce favori du comité était à son tour en péril. Dès que Charles eut appris que les deux généraux du parlement s'étaient séparés, et qu'il n'avait plus affaire qu'à un seul, il s'arrêta, écrivit au prince Robert de se porter sans perdre un moment au secours d'York assiégé3; et se rejetant lui-même, par une résolution hardie, dans la route qu'il avait parcourue en fuyant d'Oxford, rentra dans la place dix-sept jours après l'avoir quittée, se remit à la tête de ses troupes, et reprit l'offensive pendant que Waller le cherchait encore dans le comté de Worcester. Au premier bruit des mouvements du roi, Waller revint en toute hâte, car lui seul restait pour couvrir la route de Londres; et bientôt, soutenu de quelques renforts, il s'avança avec sa confiance accoutumée, pour offrir ou accepter du moins le combat. Charles et les siens, animés de cette ardeur que fait naître un succès inespéré après un grand péril, le souhaitaient plus vivement encore. L'action s'engagea le 29 juin, à Cropredybridge, dans le comté de Buckingham; et malgré une brillante résistance, Waller fut battu plus complétement même que ne le crurent au premier moment les vainqueurs1. 1 Rushworth, part. 3, t. 2, p. 683. * Rushworth, ibid.; Whitelocke, Memorials, etc., p. 87. * Sa Lettre est datée du 14 juin 1644, de Tickenhall, près de Bewdley, dans le comté de Worcester. Elle a été publiée pour la première fois en 1819, dans l'Appendix aux Memoirs of sir John Evelyn (Londres, 2 vol. in-4°), t. 2, p. 87. Le bonheur parut donner à Charles une hardiesse et même une habileté jusque-là inconnues. Tranquille sur Waller, il résolut soudain de mar cher vers l'ouest, d'y poursuivre Essex à outrance, et de détruire ainsi coup sur coup ces deux armées qui naguère le tenaient presque prisonnier. Essex d'ailleurs avait paru sous les murs d'Exeter, et la reine, qui y résidait, accouchée depuis quelques jours, ignorant encore les succès de son mari, allait retomber dans toutes ses terreurs 3. Charles se mit en route deux jours après sa victoire; et en même temps, pour la rendre agréable au peuple plutôt que par un désir sincère de la paix, il adressa d'Evesham un message aux chambres, où, sans leur donner le nom de parlement, il se répandait en protestations pacifiques, et offrait de rouvrir des négociations 1. 1 Clarendon, Hist. of the Rebell., t. 7, p. 142 et suiv.; Rushworth, part. 3, t. 2, p. 675. * Le 16 juin 1644, de la princesse Henriette, depuis duchesse d'Orléans. 3 Clarendon, Hist. of the Rebell. t. 7, p. 151; Rushworth, part. 3, t. 2, p. 686. Mais pendant qu'il s'éloignait, et avant que son message parvînt à Londres, déjà toute crainte en était bannie; la face des affaires avait changé; la défaite de Waller n'était plus qu'un accident sans importance : le parlement venait d'apprendre que, tout près d'York, ses généraux avaient remporté la plus éclatante victoire, que la ville ne pouvait tarder à se rendre, que, dans le nord enfin, le parti royaliste était comme anéanti. Le 2 juillet, en effet, à Marston-Moor, de sept à dix heures du soir, une bataille, la plus décisive qui eût encore eu lieu, avait amené ces grands résultats. Trois jours auparavant, à l'approche du prince Robert, qui s'avançait vers York avec vingt mille hommes, les généraux parlementaires s'étaient décidés à lever le siége, se flattant qu'ils parviendraient du moins à empêcher le prince de jeter dans la place des secours; mais Robert déjoua leurs 1 Rushworth, part. 3, t. 2. p. 687; le message est daté du 4 juillet 1644. |