>> ménager la chambre des lords, craindre les refus >> du parlement; qu'avons-nous à faire de la paix >> et de la noblesse? rien n'ira bien tant que >> vous ne vous appellerez pas tout simplement >> M. Montague: si vous vous attachez aux hon>> pêtes gens, vous serez bientôt à la tête d'une » armée qui fera la loi au roi et au parlement 1. » Malgré l'audące de ses espérances, Cromwell lui-même ne savait pas combien la victoire de son parti était prochaine, ni quel triste sort était près d'atteindre l'adversaire qu'il redoutait le plus. Essex s'était engagé de plus en plus dans l'ouest, ignorant quels périls s'amassaient derrière lui, et attiré par de faciles succès. En trois semaines il avait fait lever le siége de Lyme, occupé Weymouth, Barnstaple, Tiverton, Taunton, et dissipé presque sans combat les corps royalistes qui tentaient de l'arrêter. Comme il approchait d'Exeter, la reine lui fit demander un sauf-conduit pour aller à Bath se remettre de ses couches. « Si votre >> Majesté, lui répondit-il, veut se rendre à Lon>> dres, non-seulement je lui donnerai un sauf>> conduit, mais je l'y accompagnerai moi-même ; >> c'est là qu'elle recevra les meilleurs avis et les >> soins les plus efficaces pour le rétablissement de >> sa santé : pour tout autre lieu, je ne puis accéder » à ses désirs sans en référer au parlement 1. » Saisie d'effroi, la reine s'enfuit à Falmouth, où elle s'embarqua pour la France, et Essex continua sa marche. Il était encore en vue d'Exeter lorsqu'il apprit que le roi, vainqueur de Waller, s'avançait rapidement contre lui, rassemblant sur sa route toutes les forces dont il pouvait disposer. Un conseil de guerre aussitôt convoqué, on se demanda s'il fallait poursuivre et s'enfoncer dans le pays de Cornouailles, ou rebrousser chemin, se porter audevant du roi et lui offrir le combat. Essex penchait pour ce dernier avis; mais plusieurs officiers, lord Roberts entre autres, ami de sir Henri Vane, possédaient dans le pays de Cornouailles de grands biens dont les revenus leur manquaient depuis longtemps; ils avaient compté sur cette expédition pour se faire payer de leurs fermiers : ils repoussèrent toute idée de retraite, soutenant que le peuple de Cornouailles, opprimé par les royalistes, se soulèverait à l'approche de l'armée, et qu'Essex aurait ainsi l'honneur d'enlever au roi ce comté, jusque-là son plus ferme appui 3. Essex se laissa persuader, et s'engagea dans les défilés de Cornouailles, en faisant demander à Londres des renforts. Le peuple ne se leva point en sa faveur, les vivres étaient rares, déjà le roi le serrait de près. Il écrivit de nouveau à Londres que sa situation devenait périlleuse, qu'il fallait absolument que Waller ou quelque autre, par une diversion sur les derrières de l'armée du roi, mît la sienne en état de se dégager. Le comité des deux royaumes fit grand bruit de son malheur, et parut animé d'une extrême ardeur à le secourir; on prescrivit des prières publiques 1; on donna des ordres à Waller, à Middleton, à Manchester même, revenu du nord avec une portion de son armée ; à leur tour ils étalèrent le plus vif empressement : « Que l'on m'en>> voie de l'argent et des hommes, écrivait Waller ; >> Dieu m'est témoin que ce n'est pas ma faute si je >> ne vais pas plus vite; que la honte et le sang re>> tombent sur la tête de ceux qui me retardent! Si >> l'argent ne m'arrive pas, j'irai sans argent; » et il ne marcha point. Middleton tint le même langage, se mit en mouvement, et s'arrêta au premier obstacle. Aucun corps ne se détacha de l'armée de Manchester. Rassurés par la victoire de Marston-Moor, les meneurs indépendants, Vane, Saint-John, Ireton, Cromwell, étaient charmés d'acheter par un grand échec la ruine de leur ennemi. 1 Mémoires de Hollis, p. 25, dans ma Collection; Clarendon, Hist. of the Rebell., t. 7, p. 253. 1 Rushworth, part. 3, t. 2, p. 684; Whitelocke, p. 88. 2 Le 14 juillet 1644. 3 Clarendon, Hist. of the Rebell., t. 7, p. 168; Rushworth, part. 3, t. 2, p. 690. 1 Le 13 août 1644; Rushworth, part. 3, t. 2, p. 697. 2 Whitelocke, Memorials, etc., p. 97 et suiv.; Mémoires de Ludlow, t. 1, p. 143, dans ma Collection. Ils ne se doutaient pas qu'à ce moment même, et dans sa détresse, Essex tenait peut-être leur sort dans ses mains: le 6 août, à son quartier général de Lestithiel, une lettre du roi lui fut remise, pleine d'estime, de promesses, et qui le pressait de rendre la paix à son pays. Lord Beauchamp, neveu du comte, était porteur du message; plusieurs colonels de son armée y semblaient favorables 1. «Je ne ré>> pondrai point, dit Essex; je n'ai qu'un conseil à >> donner au roi, c'est de retourner auprès de son >> parlement. >> Charles n'insista point; peut-être même, malgré le désastre de Marston-Moor, souhaitait-il assez peu l'intervention d'un tel médiateur; mais la paix avait, auprès de lui, des partisans plus obstinés ; l'esprit d'indépendance et d'examen gagnait les royalistes; le nom du roi n'exerçait plus sur eux son ancien empire, et dans leurs réunions beaucoup d'officiers débattaient librement les affaires publiques et ses volontés. Persuadés que, si Essex avait repoussé toute ouverture, c'est que les promesses du roi lui semblaient sans garantie, ils résolurent de lui offrir la leur, et de l'inviter à s'abou 1 Entre autres les colonels Weare et Butler (Rushworth, part. 3, t. 2, p. 710. 1 cher avec eux. Les lords Wilmot et Piercy, commandants de la cavalerie et de l'artillerie, étaient à la tête de ce dessein; l'un audacieux, spirituel, buveur infatigable, et cher à l'armée par la joyeuse affabilité de son humeur; l'autre froid et hautain, mais hardi dans ses propos, et tenant une bonne table qu'il faisait partager à beaucoup d'officiers. Informé de leurs démarches et du projet de lettre qui circulait en leur nom, Charles en ressentit une vive colère; cependant l'intention plaisait, même à des hommes qui blamaient le moyen. Le roi, n'osant l'interdire, prit le parti de l'approuver; la lettre devint un acte officiel avoué de lui, et signé du prince Maurice et du comte de Brentford, général en chef de l'armée, comme de ses premiers auteurs; un trompette la porta au camp ennemi1. << Milords, >> répondit Essex, vous avez eu soin d'exprimer, >> dès les premières lignes de votre lettre, en vertu >> de quelle autorisation elle m'était adressée; je n'ai >> reçu du parlement que je sers aucune autorisa>> tion pour traiter, et ne pourrais m'y prèter sans >> trahir mon serment. Je suis, Milords, votre très>> humble serviteur, ESSEX. >>> Un refus si sec piqua vivement les royalistes; toute tentative de négociation fut abandonnée; Wilmot et Piercy perdirent 1 Le 9 août 1644. |