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cousin, à l'entrée des hautes terres, pour y attendre le débarquement des auxiliaires irlandais qu'Antrim lui devait envoyer. De jour il se cachait, de nuit il errait dans les montagnes environnantes allant recueillir lui-même, de rendez-vous en rendez-vous, les rapports de ses affidés. Bientôt la nouvelle lui parvint que les bandes irlandaises avaient en effet débarqué 1 et s'avançaient dans le pays, pillant, ravageant, mais ne sachant où se diriger, et cherchant à leur tour le général qu'on leur avait promis. Elles approchaient du comté d'Athol; Montrose parut tout à coup dans leur camp, avec un seul homme, en costume de montagnard : elles le reconnurent aussitôt pour chef. Au bruit de sa venue, plusieurs clans accoururent; sans perdre un moment, il les mena au combat, exigeant tout de leur courage, permettant tout à leur avidité; et, quinze jours après, il avait gagné deux batailles, occupé Perth, pris Aberdeen d'assaut, soulevé la plupart des clans du nord et semé l'effroi jusqu'aux portes d'Édimbourg.

A ces nouvelles, Charles se flatta que le désastre de Marston-Moor était réparé, que le parlement retrouverait bientôt dans le nord un puissant ad

1 Le 8 juillet 1644.

* A Tippermuir, le 1er septembre, et au Pont de Dee, le 12 du

même mois.

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versaire, et que lui-même pouvait sans crainte suivre dans le midi le cours de ses succès. Il résolut de marcher sur Londres; et pour donner à son expédition une apparence populaire et décisive, au mọment de son départ, une proclamation partout répandue invita tous ses sujets du midi et de l'est à se lever en armes, à se choisir eux-mêmes des officiers, et à le rejoindre sur la route pour aller avec lui sommer les chambres d'accepter enfin la paix1.

Mais les chambres avaient pris leurs mesures : déjà les troupes de Manchester, de Waller et d'Essex réunies couvraient Londres du côté de l'ouest; jamais le parlement n'avait eu sur un seul point une si grande armée; et au premier bruit de l'approche du roi, cinq régiments de la milice de Londres vinrent s'y joindre sous les ordres de sir James Harrington. En même temps des taxes nouvelles s'établissaient; les communes décrétaient que la vaisselle du roi, jusque-là déposée à la Tour, serait fondue pour le service public. Enfin, lorsqu'on sut les armées en présence, les boutiques se fermèrent, le peuple se précipitą dans les églises, et un jeûne solennel fut ordonné pour invoquer sur la bataille prochaine les bénédictions du Seigneur2.

1 La proclamation est datée de Chard, le 30 septembre 1644 (Rushworth, part. 3, t. 2, p. 715).

2 Rushworth, part. 3, t. 2, p. 719-720; Parl. Hist., t. 3, col. 294, 295, 308.

Dans le camp comme dans la cité, on l'attendait de jour en jour: Essex seul, triste, malade, restait immobile à Londres, quoique toujours revêtu du commandement. Informées qu'il ne partait point, les chambres chargèrent un comité de se rendre auprès de lui, et de lui renouveler l'assurance de leur confiante affection. Essex remercia les commissaires, mais ne rejoignit point son armée. La bataille se livra sans lui, le 27 octobre, à Newbury, presque dans les mêmes positions où, l'année précédente, en revenant de Glocester, il avait si glorieusement vaincu. En son absence lord Manchester commandait. L'action fut longue et acharnée; les soldats d'Essex surtout firent des prodiges; à la vue des canons qu'ils avaient perdus naguère dans le comté de Cornouailles, ils se précipitèrent sur les batteries royales, ressaisirent leurs pièces, et les ramenèrent en les embrassant avec transport. Quelques régiments de Manchester essuyèrent en revanche un échec assez rude. Un moment les deux partis s'attribuèrent la victoire; mais dès le lendemain, le roi, renonçant à ses projets sur Londres, commença son mouvement de retraite, pour aller prendre à Oxford ses quartiers d'hiver?.

1 Whitelocke, p. 103; Parl. Hist., t. 3, col. 295.

2 Whitelocke, p. 103, 104; Clarendon, Hist. of the Rebell., t. 7,

p. 226-232; Mémoires de Ludlow, t. 1, p. 145-150; Parl. Hist.,

t. 3, col. 296; Rushworth, part. 3, t. 2, p. 721-730.

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Cependant le parlement fit peu de bruit de son triomphe: aucun service d'actions de grâces ne fut célébré; et le lendemain même du jour où parvint à Londres la nouvelle de la bataille, le jeûne mensuel des chambres eut lieu selon l'usage1, comme s'il n'y avait eu aucun sujet de se réjouir. Le public s'étonnait de tant de froideur. Bientôt des propos fàcheux circulèrent : la victoire, dit-on, aurait pu être bien plus décisive; mais la discorde régnait entre les généraux ; ils avaient souffert que le roi se retirât sans obstacle, presque sous les yeux de l'armée immobile, par un clair de lune magnifique, quand il eût suffi du moindre mouvement pour l'empêcher. Ce fut bien pis lorsqu'on apprit que le roi venait de reparaître aux environs de Newbury, qu'il avait retiré librement son artillerie du château de Donington, et même offert de nouveau la bataille sans quel'armée sortît de son immobilité. La clameur devint générale; la chambre des communes ordonna une enquête : Cromwell n'attendait que cette occasion d'éclater: «C'est au comte de Man>> chester, dit-il, que tout doit être imputé; depuis ›› la victoire de Marston-Moor, il a peur de vaincre, >> peur d'un grand et dernier succès: tout à l'heure,

1 Le 30 octobre 1644.

* Le 9 novembre 1644; Rushworth, part. 3, t. 2, p. 729-732; Clarendon, Hist. of the Rebell., t. 7, p. 234-236.

>> quand le roi a reparu près de Newbury, rien n'e>> tait plus aisé que de détruire entièrement son >> armée ; je suis allé trouver le général; je lui ai >> montré comment cela se pouvait ; j'ai sollicité la >> permission d'attaquer avec ma seule brigade; >> d'autres officiers ont insisté avec moi; il s'y est >> obstinément refusé; il a même ajouté que, par>> vinssions-nous à anéantir son armée, le roi serait >> toujours roi, et en retrouverait bientôt une autre, >> tandis que nous, une fois battus, nous ne serions >> plus que des rebelles et des traîtres infaillible>>> ment condamnés en vertu de la loi. » Ces derniers mots émurent vivement la chambre, car elle ne pouvait souffrir qu'on parût douter de la légalité de sa résistance. Le lendemain, dans la chambre haute, Manchester repoussa l'attaque, expliqua sa conduite, ses paroles, et à son tour accusa Cromwell d'indiscipline, de mensonge, de trahison même ou de perfidie; car le jour de la bataille, dit-il, ni lui ni son régiment n'avaient paru au poste qui leur était assigné. Cromwell ne répondit point, et renouvela plus violemment ses accusations1.

L'émotion futgrande parmi les presbytériens; depuis longtemps déjà Cromwell excitait toutes leurs

1 Rushworth, part. 3, t. 2, p. 732-736; Parl. Hist., t. 3, col. 297; Mémoires de Ludlow, t. 1, p. 150-152; Clarendon, Hist. of the Rebell., t. 7, p. 251-254; Mémoires de Hollis, p. 37.

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