on pût modifier à son gré; c'était le seul système légitime, un gouvernement de droit divin, la loi même de Christ. Le parti en voulait le triomphe sans réserve, à tout prix, comme une sainte et indispensable révolution. En politique, au contraire, malgré la rudesse de ses actes et de son langage, ses idées étaient vagues et ses intentions modérées; aucune croyance systématique, aucune passion vraiment révolutionnaire ne le dominaient; il aimait la monarchie en combattant le roi, respectait la prérogative en travaillant à asservir la couronne, ne se confiait qu'aux communes, et ne portait cependant aux lords ni malveillance, ni dédain, obéissait enfin à d'anciennes habitudes autant qu'à des besoins nouveaux, ne se rendait compte avec précision ni des principes, ni des conséquences de sa conduite, croyait ne tenter qu'une réforme légale, et ne souhaitait rien de plus. Ainsi agité de dispositions contraires, impérieux et incertain, fanatique et modéré tour à tour, le parti presbytérien n'avait pas même des chefs sortis de ses rangs et toujours animés de sentiments conformes aux siens. Il marchait à la suite des réformateurs politiques, premiers interprètes et vrais représentants du mouvement national. Leur alliance lui était naturelle et nécessaire : naturelle, car ils voulaient, comme lui, réformer le gouvernement et non l'abolir; nécessaire, car ils étaient en pos session du pouvoir, et le conservaient par la supériorité de leur rang, de leurs richesses, de leurs lumières : avantages que les plus ardents presbytériens ne songeaient point à contester. Mais en acceptant, en achetant même au besoin, par de grandes concessions, l'appui des sectaires, la plupart des réformateurs politiques ne partageaient, quant à l'Église, ni leurs opinions ni leurs vues; un épiscopat modéré, réduit à l'administration légale des affaires ecclésiastiques, leur eût convenu davantage, et ils ne servaient le système presbytérien qu'à contrecœur, en s'efforçant sous main d'en ralentir les progrès. L'énergie du parti dans la révolution religieuse était ainsi déjouée par des chefs que pourtant il ne pouvait ni ne voulait abandonner; et leur union n'était complète et sincère qu'en matière de réforme politique, c'est-à-dire dans la cause où chefs et parti n'avaient ni passions intraitables à satisfaire, ni principes absolus à faire triompher. Or, à la fin de 1643, la réforme politique, légale du moins, était consommée; les abus ne subsistaient plus: on avait fait toutes les lois qu'on jugeait nécessaires, et modifié les institutions aussi bien qu'on savait; rien ne manquait à l'œuvre que les défenseurs des anciennes libertés et les sectaires presbytériens voulaient également et pouvaient accomplir de concert. Mais la révolution religieuse était à peine commencée, et la réforme politique, chancelante et mal garantie, menaçait de se tourner en révolution. Le moment approchait donc où les vices intérieurs du parti jusque-là dominant, l'incohérence de sa composition, de ses principes, de ses desseins, devaient infailliblement éclater. Chaque jour il était forcé de marcher dans des voies opposées, de tenter des efforts contraires. Ce qu'il sollicitait dans l'Église, il le repoussait dans l'État ; il fallait que, changeant sans cesse de position et de langage, il invoquât tour à tour les principes et les passions démocratiques contre les évêques, les maximes et les influences monarchiques ou aristocratiques contre les républicains naissants. C'était un spectacle étrange de voir les mêmes hommes démolir d'une main et soutenir de l'autre, tantôt prêcher les innovations, tantôt maudire les novateurs; alternativement téméraires et timides, rebelles et despotes à la fois; persécutant les épiscopaux au nom des droits de la liberté, les indépendants au nom des droits du pouvoir; s'arrogeant enfin le privilége de l'insurrection et de la tyrannie en déclamant chaque jour contre la tyrannie et l'insur rection. Le parti se voyait en même temps délaissé, ou désavoué, ou compromis par plusieurs de ses chefs. Quelques-uns, comme Rudyard, soigneux surtoutde leur considération et de leur vertu, se retiraient de l'arène, ou n'y paraissaient plus que de loin en loin, pour protester plutôt que pour agir. D'autres, moins honnêtes, comme Saint-John, ou plus persévérants et plus hardis, comme Pym, ou occupés surtout de leur sûretépersonnelle, recherchaient, ménageaient du moins le parti nouveau dont ils pressentaient le prochain pouvoir. Beaucoup, déjà désabusés et corrompus, avaient renoncé à toute espérance patriotique, ne s'inquiétaient plus que de leur propre fortune; et formant, dans les comités investis du maniement des affaires, une avide coalition, se distribuaient mutuellement les emplois, les confiscations, les marchés. Parmi les grands seigneurs jusque-là engagés dans la cause nationale, plusieurs, comme on l'a vu, l'avaient quittée naguère pour aller mendier leur paix à Oxford; d'autres, s'éloignant absolument des affaires publiques, se retiraient dans leurs terres; et pour éviter tantôt le pillage, tantôt le séquestre, négociaient tour à tour avec la cour et le parlement. Le 22 septembre, dix lords seulement siégeaient dans la chambre haute; le 5 octobre, ils n'étaient que cinq 1. Un appel nominal, institué à l'ouverture de chaque séance, et la crainte de voir ainsi leur absence légalement constatée, en ramenèrent quelques-uns à Westminster 1; mais la haute aristocratie, chaque jour plus suspecte ou plus étrangère au peuple, n'en devenait pas moins, pour les presbytériens, un embarras plutôt qu'un appui; et tandis que leur fanatisme religieux éloignait d'eux d'habiles défenseurs des libertés publiques, leur modération politique les empêchait de renier d'incertains et compromettants alliés. 1 Journals of the house of Lords. Les dix lords présents le 22 septembre étaient les comtes de Bolingbroke, de Lincoln, de Stamford et de Denbigh; le vicomte Say, et les barons Grey, Wharton, Howard, Hunsdon et Dacre. Depuis trois ans enfin le parti dominait : que, dans l'Église ou dans l'État, il eût ou non accompli ses desseins, c'était par son aide et de son aveu que, depuis trois ans, les affaires étaient conduites; à ce titre seul, beaucoup de gens commençaient à s'en lasser; on s'en prenait à lui de tant de maux déjà soufferts, de tant d'espérances déçues; on le trouvait aussi persécuteur que les évêques, aussi arbitraire que le roi; on relevait avec amertume ses contradictions, ses faiblesses; on ressentait enfin, même sans vues factieuses ou intéressées, par le seul progrès des événements et des esprits, un secret besoin de principes et de dominateurs nouveaux. Les uns et les autres étaient tout prêts, et, pour saisir l'empire, n'attendaient que l'occasion. Longtemps avant l'origine des troubles, lorsque les presbytériens commençaient seulement à manifester 1 Journals of the house of Lords. |