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imitateurs. Mais Laud, en prison depuis quatre ans, vieux, malade, n'avait à répondre que de son concours à une tyrannie depuis quatre ans vaincue. Comme dans le procès de Strafford, il fut impossible de prouver contre lui la haute trahison selon la loi, Pour le condamner, comme Strafford, par un bill d'attainder, le consentement du roi était nécessaire; mais les haines théologiques sont aussi subtiles qu'implacables. A la tête de la poursuite était ce même Prynne que jadis Laud avait fait si odieuşement mutiler, avide d'humilier et d'écraser à son tour son ennemi. Après de longs débats, où l'archevêque déploya plus d'habileté et de prudence qu'on n'en devait attendre, une simple ordonnance des deux chambres, votée seulement par sept lords, et illégale même selon les traditions de la tyrannie parlementaire, prononça sa condamnation1. Il mourut avec un pieux courage, uniquement préoccupé de son mépris pour ses adversaires et de ses craintes pour l'avenir du roi. Les autres procès eurent la même issue; et, en six semaines, l'échafaud fut dressé cinq fois sur Tower-Hill 1, plus souvent qu'il n'était encore arrivé depuis l'origine de la révolution. Les mesures d'ordre général étaient dirigées dans le même sens. Huit jours avant l'exécution de Laud 3, la liturgie de l'Eglise anglicane, jusque-là tolérée, fut définitivement abolie; et, sur la proposition de l'assemblée des théologiens, un livre, intitulé Directions pour le culte public, reçut à sa place la sanction du parlement 4. Les chefs du parti n'ignoraient pas que cette innovation rencontrerait de vives résistances, et s'inquiétaient peu de son şuccès; mais, pour retenir le pouvoir près de leur échapper, ils avaient besoin de tout l'appui des presbytériens fanatiques, et ne leur refusaient plus rien, Les indépendants, de leur côté, mettaient tout en œuvre pour faire adopter dans la chambre haute l'ordonnance décisive; les pétitions recommençaient, quelques-unes même menaçantes, et demandant que les lords et les communes siégeassent dans une seule assemblée. Un jeûne solennel fut ordonné1 pour appeler sur une délibération si grave les lumières du Seigneur; les deux chambres assistèrent seules aux sermons prêchés ce jour-là dans Westminster, sans doute pour laisser aux prédicateurs une plus libre carrière; et Vane et Cromwell avaient eu soin de les choisir. Enfin, après des messages et des conférences répétées, les communes se rendirent en corps à la chambre haute pour réclamer l'adoption de l'ordonnance 3; mais la résolution des lords était prise, et le jour même de cette éclatante démarche, l'ordonnance fut rejetée.

1 Selon les journaux de la chambre haute, vingt lords siégeaient le jour où Laud fut condamné; mais probablement plusieurs sortirent avant le vote; car il résulte de documents certains que la majorité qui le condamna était composée seulement des comtes de Kent, Pembroke, Salisbury, Bolingbroke, et des lords North, Grey de Warke et Bruce (Somer's tracts, t. 2, p. 287). Plus tard même, lord Bruce nia qu'il eût voté.

1 Sir Alexandre Carew fut exécuté le 23 décembre 1644; John Hotham le fils, le 1er janvier 1745; sir John Hotham le père, le 2 janvier; Laud, le 10 janvier; et lord Macguire, le 20 février.

2 State-Trials, t. 4, col. 315-626, 653-754; Parl. Hist., t. 3,

col. 315, 320-322; Whitelocke, p. 68, 109.

3 Le 3 janvier 1645.

* Neal, Hist. of the Puritans, t. 3, p. 127.

* Rushworth, part. 4, t. 1, p. 5; Lingard, Hist. of England,

t. 10, p. 282; Whitelocke, p. 114.

Le victoire semblait grande et le moment propice pour en profiter. Les négociations d'Uxbridge approchaient. Sur les instances des membres réfugiés qui venaient d'ouvrir obscurément à Oxford leur seconde session, Charles avait enfin consenti 4 à donner aux chambres de Westminster le nom du parlement. << Si j'avais eu dans mon conseil, écri>> vait-il à la reine, seulement deux personnes de >> mon avis, je n'aurais jamais cédé. » Il avait en

1 Pour le 18 décembre.

• Clarendon, Hist. of the Rebell., t. 7, p. 258 et suivantes; Whitelocke, p. 114.

3 Le 13 janvier 1645; Parl. Hist., t. 3, col. 333-337; Rushworth, part. 4, t. 1, p. 7; Whitelocke, p. 118.

* Vers la fin de décembre 1644.

* Lettre du roi à la reine, du 2 janvier 1645; dans les Éclaircissements et Pièces historiques joints aux Mémoires de Ludlow, t. 1, p. 394, dans ma Collection.

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même temps désigné ses commissaires 1: presque tous souhaitaient la paix. Parmi ceux du parlement, Vane, Saint-John et Prideaux formaient seuls d'autres desseins. Le 29 janvier les négociateurs arrivèrent à Uxbridge, pleins de bonne volonté et d'espérance.

Ils s'accueillirent des deux parts avec empressement et courtoisie. Tous se connaissaient depuis longtemps; plusieurs, avant ces funestes dissensions, étaient liés d'amitié. Le soir même de leur arrivée, Hyde, Colepepper, Palmer, Whitelocke, Hollis, Pierpoint, se visitèrent librement, se félicitant de travailler ensemble à la paix de leur pays. On remarquait pourtant, dans les commissaires de Westminster, plus d'embarras et de réserve, car ils portaient le joug d'un maître plus rude et plus méfiant. Les négociations devaient durer vingt jours, et avoir surtout pour objet la religion, la milice et l'Irlande. Il fut convenu que chacune de ces questions serait débattue pendant trois jours, sauf à les reprendre alternativement. Tant qu'il ne s'agit que de ces arrangements préliminaires, tout fut facile ; la confiance était entière et la politesse recherchée. Mais quand la discussion officielle commença enfin1 autour de la table carrée où s'asseyaient les négociateurs, toutes les difficultés reparurent. Chacune des factions parlementaires avait son intérêt fondamental dont elle ne voulait rien cédér, les presbytériens, l'établissement privilégié de leur Église, les politiques, le commandement de la milice, les indépendants, la liberté de conscience ; et le roi, obligé de céder à toutes, n'obtenait de chacune d'elles que des sacrifices auxquels les autres se refusaient absolument. L'un et l'autre parti d'ailleurs se demandait toujours si, la paix faite, le pouvoir serait dans ses mains, car ni l'un ni l'autre ne voulait traiter qu'à ce prix. Ouvert d'abord sur l'affaire de la religion, le débat prit bientôt le caractère d'une controverse théologique; on argumenta au lieu de négocier; on eut plus à cœur d'avoir raison que de faire la paix. Peu à peu l'aigreur s'établit dans ces

1 Le duc de Richmond, le marquis de Hertford, les comtes de Southampton, de Kingston et de Chichester; les lords Capel, Seymour, Hatton et Colepepper; le secrétaire d'État Nicholas, sir Edouard Hyde, sir Edouard Lane, sir Orlando Bridgeman, sir Thomas Gardiner, M. John Ashburnham, M. Geoffroi Palmer, le D. Stewart, et leur suite; en tout cent huit personnes.

2 Les comtes de Northumberland, de Pembroke, de Salisbury et de Denbigh, lord Wenman, MM. Denzil Hollis, William Pierpoint, Olivier Saint-John, Whitelocke, John, Crew, Edmond Prideaux, et sir Henri Vane, pour le parlement d'Angleterre; le comte de Lowden, le marquis d'Argyle, les lords Maitland et Balmerino, sir Archibald Johnston, sir Charles Erskine, sir John Smith, MM. George Dundas, Hugh Kennedy, Robert Berkley et Alexandre Henderson pour le parlement d'Ecosse, avec leur suite, en tout cent huit personnes.

1 Le 30 janvier 1645.

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