sa pensée qu'à la philosophie physique de Descartes, comme on peut s'en convaincre par le contexte et par plusieurs mots jetés çà et là, que nous avons cités dans une de nos précédentes études. Ne l'a-t-on pas encore accusé de scepticisme en littérature, parce qu'il a dit : « On ne sait pas >> en quoi consiste l'agrément qui est l'objet de » la poésie. On ne sait ce que c'est que ce mo» dèle naturel qu'il faut imiter; et à faute de >> cette connaissance, on a inventé de certains >> termes bizarres, siècle d'or, merveille de nos »jours, fatal, etc..., et on appelle ce jargon >> merveille poétique 1. »> Il y a sous ces paroles une question littéraire que nous réservons; mais, au point de vue qui nous occupe, qui ne voit que Pascal ne se moque pas ici de la véritable poésie, mais de la mauvaise versification si longtemps à la mode au commencement du XVIe siècle? Les mots qu'il cite ne sont-ils pas sortis de quelques salons de précieuses ridicules? Non, redisons-le hardiment, Pascal n'était pas sceptique en littérature, pas plus que dans les sciences, pas plus qu'en philosophie, pourvu que la raison consentît à se renfermer dans ses Pensées, etc., p. 256. limites naturelles. Devant elle s'ouvre le monde du fini, elle peut le parcourir à l'aise comme son domaine propre, s'y enrichir sans jamais l'épuiser; mais arrivée aux confins de la création, elle rencontre l'infini, borne infranchissable à toute son énergie, à toute sa puissance. Le fini et l'infini, de plus, se croisent et se mêlent dans toutes ses investigations. D'un autre côté, la vé– rité, c'est le bien qui souvent contrarie nos passions; l'erreur, c'est le mal qui souvent les flatte. Pascal reconnut bientôt cette lutte entre l'intelligence et la volonté, entre le bien et le mal, la vérité et l'erreur, qui déchire le cœur de l'homme; il reconnut bientôt l'insuffisance de la philosophie, et il songea dès-lors à donner à la théodicée, à la morale, à la religion, en un mot, une autre base que la raison humaine. PORTS DE LA RAISON HUMAINE ET DE LA RAISON DIVINE JUSQU'A DESCARTES. Au commencement Dieu a parlé à l'homme et communiqué à son intelligence les notions nécessaires à sa vie spirituelle et religieuse. Contester le grand fait d'une révélation primitive, c'est dégrader le caractère de la divinité, méconnaître la nature humaine et rendre inexplicable l'histoire tout entière. En lançant les sphères dans l'espace, Dieu leur a tracé leur orbite aurait-il donc jeté l'homme dans la vie, sans lui dire d'où il venait, où il allait, quelles étaient les lois de son être? Aurait-il été moins prévoyant qu'un père qui, en ouvrant une carrière à son fils, lui indique les moyens de la fournir avec gloire et bonheur? Ces vérités essentielles, Dieu, une âme spirituelle, rapports obligatoires entre Dieu et nous, immortelle destinée, sans lesquelles, de l'aveu de tous, l'humanité ne saurait vivre un jour dans ce monde, Dieu aurait-il laissé à l'homme le soin de les découvrir lui-même? L'aurait-il condamné à errer, misérable famélique, à la recherche du pain de l'intelligence, au risque d'exposer plusieurs générations à marcher à tâtons pendant de longs siècles dans les ténèbres de l'ignorance et de l'erreur, à vivre et à mourir sans foi, sans vérité, sans espérances? Non, la notion de Dieu. que nous avons puisée dans nos sociétés chrétiennes nous assure qu'il n'en saurait être ainsi, et notre raison ne pourrait que maudire une pareille divinité 1. Interrogeons la nature humaine et les grands 1 « Telle est la nature effrayante et l'étendue prodigieuse des problèmes à résoudre, qu'il semble impossible aux masses que la raison humaine y réussisse, et qu'elles trouvent infiniment plus naturel que Dieu, qui est bon, nous en ait révélé la solution.» (Jouffroy, Mélanges philos., p. 432.) Elles ont bien raison, les masses! faits de l'histoire, et nous recevrons encore cette réponse Dieu a dû parler à la première humanité. L'homme n'apporte rien en naissant que des facultés actives. Les ténèbres l'enveloppent; son âme n'est que vide et nudité : il faut encore une parole extérieure, un fiat créateur, pour illuminer ce chaos, pour combler ce vide et y faire germer la vérité et la vie. La société parle, et l'homme puise dans cette première ré`vélation les principes qui constituent son intelligence, les éléments de son être religieux et moral. Mais la société étant composée d'individus qui tous ont reçu d'ailleurs la vérité, d'où l'a-telle reçue elle-même ? C'est la question des causes physiques appliquées à la démonstration de l'existence de Dieu. Nous ne voyons partout que des effets qui deviennent causes à leur tour, mais remontant toujours, il nous faudra bien arriver à une cause première qui ne soit que cause et non plus effet en même temps: aux confins de la création morale comme au terme de la création physique, nous trouvons Dieu. Oui, partout revélation de la société à l'individu, de siècle à siècle, de nation à nation, de Dieu à l'humanité. L'histoire nous montre le flambeau de la civilisation se transmettant de peuple à peuple, sans que jamais aucun s'offre à nous autochtone dans sa vie intellectuelle, pas |