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plus que dans sa vie physique; et si une famille humaine, reléguée par les événements dans quelque coin de la terre, est privée de toute communication avec le reste du monde, elle finit par tomber dans la barbarie et l'état sauvage. C'est que l'humanité est la société des peuples, comme chaque peuple est la société des individus. Les uns et les autres ont besoin de recevoir d'ailleurs la vie intellectuelle, sous peine de ne plus vivre que par les sens, de rester ou de tomber au-dessous même de l'animal qui, lui, est doué d'un instinct dont l'homme, destiné à la vie d'intelligence, est presque entièrement dépourvu.

Au point de vue religieux, la révélation pri– mitive est un grand fait que proclament deux peuples dont les annales embrassent l'histoire du monde, le peuple juif et le peuple chrétien. Mais le souvenir de ces communications mystérieuses faites de Dieu à la primitive humanité, a laissé trace dans toutes les vieilles traditions, en même temps qu'il est invoqué par les plus illustres représentants de la philosophie ancienne. Diodore de Sicile loue les Chaldéens « de n'avoir point >> d'autres maîtres que leurs parents, ce qui fait qu'ils possèdent une instruction plus solide, et » qu'ils ont plus de foi dans ce qui leur est enseigné. Pour les Grecs, ajoute-t-il, qui ne sui>> vent point la doctrine de leurs pères, et n'é

>> coutent qu'eux-mêmes dans les recherches » qu'ils entreprennent, courant sans cesse après >> des opinions nouvelles, ils disputent entre eux >> des choses les plus élevées, et forcent ainsi » leurs disciples, continuellement indécis, d'er>> rer toute leur vie dans le doute, sans avoir ja>> mais rien de certain 1. >>

Le même reproche était encore adressé aux Grecs par les prêtres de Saïs : « O Grecs, vous >> êtes des enfants; il n'y a point de vieillard » dans la Grèce. Votre esprit, toujours jeune, » n'a point été nourri des opinions anciennes, >> transmises par tradition; vous n'avez point de >> science blanchie par le temps2.»

Ce reproche ne fut pas toujours mérité, cependant, par les plus célèbres philosophes de la Grèce. « Voulez-vous découvrir avec certitude la » vérité, disait Aristote, séparez avec soin ce qu'il » y a de premier, et tenez-vous à cela : c'est là, » en effet, le dogme paternel qui ne vient cer>> tainement que de la parole de Dieu 3. »

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« Il faut, disait Platon, qu'on ajoute foi, sans >> raisonner, à ce que les anciens nous ont trans>> mis touchant les choses qui concernent la >> religion". >>

1 Liv. II, c. xxix, t. I, p. 103, édit. F. Didot. 2 Platon, Timée, t. II, p. 200, édit. F. Didot. 3 Arist., Métaph. 4 Timée.

« Cela est certain, dit-il ailleurs, quoique la » preuve exige de longs discours, et il faut >>> croire ces choses sur la foi des législateurs et » des traditions antiques, à moins qu'on n'ait » perdu l'esprit '.»

Platon ne se départ jamais de cette règle, et si vous lui en demandez la raison, il vous répondra que c'est «parce que les premiers hommes, » sortis immédiatement de la main de Dieu, ont » dû parfaitement le connaître comme leur pro» pre père, et qu'on doit les en croire comme >> ses fils 2. >>

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Les oracles parlaient comme la philosophie. Apollon Pythien interrogé par les Athéniens sur la religion à laquelle ils devaient s'attacher, répondit : « A celle de vos ancêtres. >> - Mais, dirent-ils, nos pères ont changé de culte bien des fois, lequel suivrons-nous? « Le meilleur, »> répondit l'oracle; et certes, ajoute aussitôt Cicéron, qui cite ce fait : «Le meilleur ne pouvait » s'entendre que du plus ancien et du plus près >> de Dieu. >>

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Voyez avec quelle énergie Cicéron, que nous venons de citer, fait à cet égard sa profession de foi « J'ai toujours défendu, dit-il, je défendrai >> toujours les croyances que nous avons reçues

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» de nos pères, touchant les dieux immortels et >> le culte qui leur est dû; et les discours d'au» cun homme, savant ou ignorant, n'ébranle»ront jamais en moi ces croyances: voilà, Bal>> bus, les sentiments de Cotta. --Expliquez-moi >> maintenant les vôtres, continue Cicéron sous >> le nom de Cotta, car je dois apprendre de vous, qui êtes philosophe, la raison de la religion;... » mais je dois croire mes ancêtres, lors même qu'ils n'apportent aucune raison de ce qu'ils »> nous enseignent. » Balbus se met alors à faire un long discours sur la nature de Dieu, après quoi Cotta lui dit : « Ne trouvant pas >> ce dogme aussi évident que vous désireriez qu'il fût, vous avez voulu prouver par des ar>> guments l'existence de Dieu. Pour moi, il me » suffisait que ce fût la tradition de nos ancê>>tres; mais vous, méprisant l'autorité, vous » cherchez l'appui de la raison, souffrez donc » que ma raison combatte la vôtre. Vous employez toutes sortes d'arguments pour démon>> trer qu'il existe des Dieux, et, en argumentant, >> vous rendez douteuse une vérité qui, à mon >> avis, est au-dessus du plus léger doute1. »

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On voit que la vérité a précédé le mensonge

De nat. Deorum, lib. III, passim.- Citations empruntées au remarquable ouvrage de M. Nicolas, Eludes philosophiques sur le Christianisme, t. I, c. v.

sur la terre, parce que l'une vient de Dieu et que c'est l'homme qui a fait l'autre. La vraie notion de la divinité régnait partout avant l'idolatrie, jusqu'à ce que la lumière primitive s'éteignît dans les ténèbres de l'erreur et des passions. On ne la retrouve ensuite qu'en remontant les âges et chez les philosophes qui s'attachèrent à la tradition et se développèrent dans ses limites. Toujours la vérité a été traditionnelle, et comme dans le monde ancien les traditions étaient obscures, surchargées de fables mensongères, elle ne progresse pas mais s'égare, et ne retrouve quelquefois son chemin qu'en revenant sur ses pas.

La philosophic se lassa bientôt du rôle de dépositaire d'une vérité transmise, rôle trop humble pour son orgueil. Elle sortit alors des routes traditionnelles pour entrer dans la voie de l'indépendance et de la spéculation. Mais le doute et l'erreur, le scepticisme et la superstition marchèrent à ses côtés. Car c'est une chose vraiment remarquable que chaque période de la philosohie ancienne se termine par une école sceptique, et que sa dernière évolution, avant l'ère chrétienne, aboutisse à un désespérant probabilisme.

Il devait en être ainsi. Ces traditions révérées par les plus célèbres philosophes n'avaient pas été mises sous la garde d'une infaillible autorité. L'interprétation en avait été abandonnée aux ef

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