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» nière conséquence, s'est fait homme en la per» sonne de celui qui vint dire en 1637 « Il n'y » a d'autre autorité que celle de la pensée indi- · >> viduelle 1. » Ainsi, au jugement de nos philosophes, d'une main Descartes touche au protestantisme, de l'autre au rationalisme contemporain.

<«< La forme, le caractère de la philosophie de » de Descartes, c'est l'indépendance, la néga>>tion de toute autre autorité que celle de la >> réflexion et de la pensée... Quelle était la forme >> de la philosophie du moyen-âge? La soumis»sion à une autorité autre que la raison. Quel » est le caractère de la philosophie moderne? La >> soumission à la seule autorité de la raison 2. >>

« Abélard et Descartes sont incontestablement >> les deux plus grands philosophes que la France >> ait produits 3.

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Mais la philosophie moderne a-t-elle été heureuse en raison du pouvoir qu'elle s'arroge? Laissons là le XVIII° siècle, et sa haine infernale contre toute vérité religieuse, et les débris qu'il a amoncelés autour de lui. De toutes ces ruines

M. Cousin, Introd. à l'Hist. de la Philos., 3e leçon. 2 M. Cousin, Cours de 1828, 12° leçon.

3 Voir Fragm. philos., t. II, p. 110, tout ce curieux parallèle d'Abélard et de Descartes, qui explique bien l'enthousiasme de nos philosophes pour l'auteur des Méditations.

PHILOS. RELIG. INTROD. la philosophie contemporaine a-t-elle pu faire sortir quelque chose, un abri pour l'humanité, un ensemble de vérités qui suffise à sa vie? Rien n'égale son impuissance que ses orgueilleuses prétentions. Elle ne prétend à rien moins qu'à exercer le ministère spirituel au même titre que le christianisme 1, c'est-à-dire à trouver comme lui, à donner comme lui au genre humain les vérités religieuses sans lesquelles il ne peut accomplir sa destinée morale. Un peu plus de franchise! Elle tend à se substituer au christianisme, à le remplacer par la science et par une forme religieuse plus parfaite, car le christianisme la gêne. D'abord il a résolu, elle l'avoue, toutes les grandes questions; avec lui elle n'aurait plus rien à faire. C'est là un grand grief! Nos philosophes ressemblent assez sous ce rapport au philosophe dont parle Montaigne, qui se fàchait contre sa chambrière de lui avoir expliqué pourquoi ses figues sentaient le miel, et d'avoir ainsi dérobé matière à ses recherches et à sa curiosité : « Va, luy dict-il, tu m'as faict desplaisir ; je ne lairray pourtant d'en chercher la cause, comme si elle estait naturelle 2. »

De plus, le christianisme impose ses solutions. avec une autorité absolue; avec lui, la philoso

'M. Saisset, Revue des Deux-Mondes, 15 mars 1845, p. 1030. 2 Essais, liv. II, c. XII.

phie serait donc obligée d'abdiquer son pouvoir et son indépendance. Elle l'a compris : on ne peut croire sincèrement et dans son cœur à la religion, a-t-elle dit, et rester libre; quiconque enchaîne sa raison au système chrétien, l'engage tout entière; il n'est plus libre sur une seule question 1. Mais si le christianisme avait une origine céleste; s'il n'était que l'expression de la raison divine? - De cela, elle n'a nul souci et ne veut en aucune façon s'en enquérir. Christianisme et rationalisme sont incompatibles, ils ne peuvent vivre ensemble; l'un des deux doit nécessairement céder la place à l'autre ce sera le christianisme. Seulement on lui laissera le temps de déménager, lui fallût-il pour cela trois cents ans. En attendant, on sera poli pour lui, on lui tirera son chapeau2. La philosophie sera clémente et pacifique et ne tendra pas, comme au temps de Voltaire, à se substituer par la violence et la guerre aux institutions religieuses. Mais, d'un autre côté, elle ne consentira pas à s'abriter, comme au temps de Descartes, derrière la distinction des vérités naturelles et des vérités surnaturelles 3.

1 Voir M. Saisset, ibid. C'est le plus franc et le plus loyal de nos rationalistes.

2 Expressions que P. Leroux prête à M. Cousin.

3 M. Saisset, Revue des Deux-Mondes, 1er février 1845.

La philosophie reste seule ou, du moins, sans souci de son voisin le christianisme. La voilà tout-à-fait libre et indépendante. Voyons-la un peu à l'œuvre. Comment procédera-t-elle ? Pour elle, trois systèmes seulement possibles : la souveraineté de chaque raison individuelle, l'éclectisme, le syncrétisme. Dira-t-elle à chaque raison de laisser là toute autorité dans le passé comme dans le présent, et de se faire à ellemême sa religion et sa vérité? C'est le point de départ de Descartes; mais alors, c'est l'anarchie. Il n'y a plus de philosophie, mais des philosophes; plus de symbole, mais des croyances qui se détruisent; plus de ministère, de gouvernement spirituel, mais des millions de souverains, tous indépendants les uns des autres, jouissant tous des mêmes droits, écartelant la vérité et le mensonge, plus souvent le mensonge que la vérité, et s'en partageant les lambeaux. Qui aura raison? à qui avoir recours? qui décidera? La raison générale, la raison en soi? Mais la raison ne s'exprime jamais d'une manière abstraite et absolue; elle s'individualise en chacun, parle par la bouche de chaque philosophe : d'où il suit que l'indépendance de la philosophie et de la raison se résoudra dans l'indépendance de chacun. Que sera, que deviendra alors la philosophie? Comment exercera-t-elle le ministère spi

rituel? Comment remplacera-t-elle le christianisme 1?

Chaque raison individuelle se reconnaissant insuffisante à la tâche de se faire un système complet de connaissances, recourra-t-elle aux travaux philosophiques du passé? La philosophie, au lieu de s'incarner et de se personnifier dans chaque philosophe, n'existe-t-elle que dans l'ensemble des hommes qui l'ont illustrée, de sorte qu'il suffirait, pour se composer un symbole, d'en choisir les articles dispersés à travers les siècles dans les chefs-d'œuvre de la pensée humaine? En un mot, les matériaux qui doivent former l'édifice de nos connaissances existentils mêlés et confus, et le rationalisme est-il capable de les discerner, de les réunir, afin d'élever un monument qui atteigne les cieux? Nous répondons hardiment, non : l'éclectisme moderne est tout aussi impuissant que l'individualisme.

Il n'est pas vrai que les vérités qui doivent entrer dans le symbole philosophique soient déjà découvertes, acquises à la science, mais dispersées dans les ouvrages des grands philosophes. C'est l'éclectisme lui-même qui en a fait l'aveu dans ses moments de franchise car il s'est

1 Voir Lettres à M. Saisset, par Mgr. l'évêque de Montauban,

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