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d'inhérence, si ce n'est pas une abstraction, possède l'existence, et tout ce qui existe réellement est substance. Il n'y a rien de plus dans l'une de ces conceptions que dans l'autre '.

Nous ne voulons pas poursuivre cet examen; ce que nous venons de dire suffit pour montrer que, s'il y avait quelque chose à faire après Aristote, relativement à la réduction des lois de la pensée, il y a encore quelque chose, il ya beaucoup à faire après Kant lui-même. SIXIÈME LEÇON

1 Voyez PREMIERS ESSAIS, cours de 1816, passim.

DIALECTIQUE TRANSCENDENTALE.

Sujet de la leçon analyse de la théorie de Kant sur la raison ou de la diaFonction de la raison elle arrive au moyen du

lectique transcendentale.

raisonnement aux idées.

Jugement sur la théorie des idées de Platon.

Kant a-t-il raison de distinguer la raison de l'entendement? Trois prin-
cipes inconditionnels et absolus ou trois idées le moi, le monde, Dieu.
De la valeur objective de la raison: but de la dialectique transcendentale.
Le moi: paralogismes de la psychologie rationnelle. Réponse à Kant.
Le monde des quatre antinomies de la raison pure. - Exposition et solu-
tion de ces antimonies.
Réponse à Kant.
Dieu, idéal de la raison pure.
Trois sortes de preuves: Physico-théologique, cosmologique, ontologique.
Examen de ces preuves. Réponse à Kant.
Du seul usage légitime, selon
Kant, des idées de la raison pure.

La sensibilité et l'entendement ne constituent pas la connaissance humaine tout entière: elles la commencent, mais elles ne l'achèvent pas; il faut admettre une troisième faculté, qui, la prenant au point où la sensibilité et l'entendement l'ont laissée, la conduit en quelque sorte à son dernier terme. C'est de cette troisième faculté, désignée par Kant sous le nom de raison (Vernunft), que nous vous entretiendrons aujourd'hui.

D'abord qu'elle est, d'une manière bien précise, la fonction de cette nouvelle faculté? La dernière leçon vous a fait connaître le rôle de l'entendement, et comment l'entendement continue l'œuvre de la sensibilité : il s'agit maintenant de savoir comment la raison continue l'œuvre de l'entendement, et termine ce que les deux autres facultés ont commencé. La fonction de l'entendement est de ramener à une certaine unité, au moyen de ses concepts, les représentations que la sensibilité lui fournit partielles et isolées; mais ces unités mêmes, produits de l'entendement, ne restent pas dans notre esprit sans aucun lien qui les unisse: elles forment à leur tour un tout systématique, dernier terme auquel nous puissions nous élever, et au delà duquel nous ne concevons plus rien. Or cette réunion suppose une faculté supérieure à l'entendement, comme l'unité de nos diverses représentations suppose une faculté supérieure à la sensibilité: cette faculté, qui couronne pour ainsi dire la connaissance, est la raison. Comme l'entendement ne peut réunir les intuitions de la sensibilité qu'au moyen de ses concepts, de même la raison ne peut agir sur les produits de l'entendement, pour les ramener à l'unité, qu'au moyen de certains principes qui sont en elles a priori, et qui sont à cette faculté ce que l'espace et le temps sont à la sensibilité, ce que les cóncepts purs sont à l'entendement. La logique transcendentale comprend aussi l'étude de la raison, et de la raison pure; elle recherche ces principes ou ces formes de la raison, afin d'en déterminer la valeur objective. Commençons donc par nous faire une idée exacte et complète de la raison dans le système de Kant.

Vous avez vu que l'entendement peut être défini la faculté de juger; la raison peut être définie la faculté de raisonner. C'est elle qui d'un certain principe déduit une certaine conséquence, et conclut de l'un à l'autre, au moyen d'un troisième terme qui montre que la conséquence est en effet renfermée dans le principe. Prenons, par exemple, cette vérité : Caïus est mortel: cette vérité, je puis l'acquérir avec le secours de l'expérience et de l'entendement; mais je puis y arriver aussi d'une autre manière, en rapportant l'idée individuelle de Caïus à une idée plus générale qui la renferme, à savoir, celle d'homme; puis m'étant élevé à cette vérité plus générale que tous les hommes sont mortels, je puis affirmer cette vérité particulière: Caïus est mortel. Ce second procédé n'appartient plus à l'entendement, il est le pro/ pre du raisonnement. Mais il ne suffit pas à la raison d'avoir ainsi fondé une vérité particulière sur une vérité plus générale, et d'avoir trouvé dans celle-ci la condition de celle-là; elle cherche un principe qui soit la condition de tous les autres, sans que lui-même dépende a d'aucune condition supérieure, et, pour y arriver, elle remonte de généralité en généralité, ou de condition en condition, jusqu'à ce qu'elle ait atteint l'absolu ou l'inconditionnel. L'absolu, l'inconditionnel, voilà le principe auquel en toutes choses, dans tous les ordres de la connaissance, elle aspire et s'arrête; et ce principe est un concept rationnel qui établit parmi les produits de l'entendement cette unité systématique dont nous parlions tout à l'heure. C'est en cherchant l'inconditionnel ou l'absolu que la raison arrive à ces principes primitifs et fondamentaux que poursuit la logique transcendentale. Ces principes ou ces concepts rationnels, Kant leur donne un nom particulier pour les bien séparer des concepts de l'entendement; et comme, pour distinguer ceux-ci, il a emprunté au langage d'Aristote le mot de catégorie, pour désigner ceux-là il emprunte au langage de Platon le mot d'idée (Idee). Si le philosophe allemand se sert ici d'un terme consacré par la philosophie platonicienne, c'est qu'il reconnaît qu'il y a en effet quelque chose de commun entre sa théorie des concepts rationnels. et la théorie platonicienne des idées, malgré toutes les différences qui les séparent. « Platon, dit-il, << se servit du mot Idée pour désigner quelque chose « qui ne vient pas des sens, et qui même s'élève bien << au-dessus des concepts de l'entendement dont Aris<< tote s'est occupé, puisqu'il ne peut jamais rien se ren<< contrer dans l'expérience qui y corresponde. Les idées << sont pour Platon les archétypes des choses, et non « pas seulement, comme les catégories, les clefs de « toute expérience possible. Suivant lui, elles décou<< lent de la raison suprême pour devenir le partage de << la raison humaine; mais celle-ci ne se trouve plus << maintenant dans son état originel, de sorte qu'elle a « beaucoup de peine à rappeler, au moyen de la rémi«niscence (c'est-à-dire de la philosophie), ces ancien« nes Idées, devenues aujourd'hui si obscures.. << Platon vit très-bien que notre faculté de connaître « éprouve un besoin beaucoup plus élevé que celui d'é<< peler des phénomènes dans une unité synthétique pour « pouvoir les lire comme expérience; que notre raison << s'élève naturellement à des connaissances trop hautes << pour qu'elles puissent correspondre à des objets d'ex« périence, mais qui n'en ont pas moins leur réalité, et « qui ne sont pas de pures chimères. »

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