Mais il reste à faire un pas de plus dans cette voie : le moyen de rapprocher encore plus étroitement manuel et recueil, c'est de les fondre en un seul et même ouvrage. Dans le livre que voici on trouvera tout à la fois un manuel d'histoire littéraire très simplifié et un recueil de morceaux choisis méthodiquement conçu un manuel qui, laissant de côté le traditionnel bagage des formules de critique, contient seulement les indications biographiques et bibliographiques essentielles, les renseignements historiques nécessaires pour replacer les œuvres dans leur milieu, et les grandes idées directrices qui ont présidé au développement de notre littérature; un recueil, dont les morceaux, insérés dans la trame du manuel, permettent par leur choix et leur classification d'apercevoir toujours des ensembles, ensemble de l'œuvre d'un écrivain, ensemble de la production d'une période, ensemble de l'évolution littéraire à travers les siècles. Ainsi, croyons-nous, seront combinés les avantages et éliminés les inconvénients du manuel et du recueil. Du manuel nous conservons la solide armature des divisions méthodiques, en en rejetant les formules stériles; et le recueil offrira le moyen d'entreprendre l'étude fécondé des textes, sans risquer d'éparpiller l'esprit par leur morcellement. Tout en assistant au déroulement historique de notre littérature, dont ils pourront situer avec exactitude les œuvres dans le temps et saisir d'une vue claire la succession des périodes, les élèves trouveront dans les lectures expliquées, qui d'après les instructions ministérielles doivent rester « la base de l'enseignement littéraire », l'aliment substantiel de leur culture intellectuelle, esthétique et morale. Tel est le but que nous nous sommes proposé. Et voici maintenant les raisons des dispositions particulières que nous avons adoptées dans l'ordonnance du livre. Nous avons donné à chaque siècle une place proportionnée à la valeur artistique des œuvres qu'il a produites et à l'importance sociale des idées qu'il représente. Dans le débat pédagogique ouvert entre ceux qui persistent à vouloir laisser aux écrivains du xvir siècle la meilleure part dans notre enseignement, et ceux qui n'hésitent pas à demander qu'on mette désormais au premier plan dans nos classes l'étude des écrivains du xvme et du XIXe siècle, nous avons cru devoir adopter une attitude de conciliation : sans rien sacrifier de notre grand siècle classique, qui sut exprimer en un langage parfait les sentiments éternels de l'âme humaine, nous avons fait une très large part aux xvIII et XIXe siècles, d'où nous viennent plusieurs des idées qui gouvernent la société contemporaine. Nous conformant aux programmes scolaires actuels qui prescrivent << des lectures et interrogations » destinées à faire connaître, en Seconde, « les principaux écrivains français jusqu'à la fin du xvr° siècle », et, en Première, « les principaux écrivains français du xvir siècle jusqu'à la fin de la première moitié du XIXe siècle », nous étudions dans ce livre l'histoire de la littérature française depuis ses origines jusqu'en 1850. Nous n'aurions pas pu, d'ailleurs, puiser librement dans la plupart des œuvres postérieures à cette date; car on sait les difficultés qu'on rencontre en vertu de la loi sur la propriété littéraire pour obtenir le droit de reproduire des fragments empruntés à des auteurs encore vivants ou morts depuis moins de cinquante ans. Mais, afin de combler cette lacune dans la mesure du possible, nous avons joint à notre livre, sous forme d'appendice, un tableau chronologique de la production littéraire de la France de 1850 à 1920. Par suite du plan auquel nous nous sommes arrêté, en vue d'examiner non seulement les principaux auteurs mais aussi les grandes questions littéraires, manifestations particulières du goût et mouvements généraux des idées, l'étude d'un certain nombre d'écrivains, surtout du XVIIe siècle, se trouve divisée en plusieurs études partielles. Mais la table récapitulative des textes cités et l'index alphabétique, qui signale tous les passages se rapportant à un même auteur, aideront à rétablir la liaison entre ces divers frag ments. Pour ce qui est de l'orthographe, nous avons naturellement respecté la forme archaïque des auteurs du moyen âge, qu'on ne saurait rajeunir sans les défigurer. Mais, à partir du xvIe siècle, nous avons résolument modernisé tous les textes ce qui en facilite l'intelligence aux élèves, sans altérer sérieusement leur physionomie. Pour les écrivains du XVII et du XVIe siècle, tel est depuis longtemps l'usage suivi dans les éditions classiques. Pour ceux du xvio, notre tentative, qui peut d'ailleurs s'autoriser de plusieurs précédents, répond au vou de nombreux professeurs'. En ce qui concerne la présentation typographique, nous avons rejeté au bas des pages la biographie des écrivains et la bibliographie de leurs œuvres, de manière à déblayer les 1. Voici notamment ce qu'écrivait M. Henri Bernès dans un rapport au Conseil supérieur de l'Instruction publique (juillet 1895): « Il semble bon, pour inciter nos élèves à en faire plus tard l'objet de leurs études et de leurs réflexions, de leur présenter de bonne heure les grands écrivains du XVIe siècle, dans leurs parties les plus accessibles et les plus attrayantes, et peut-être dégagées, comme l'ont été depuis longtemps les écrivains du XVIIe siècle, d'une orthographe compliquée qui semble mettre entre eux et nous plus de distance. » 2. Nous avons cru devoir faire une place importante aux renseignements bibliographiques (outre les bibliographies particulières, que contiennent les différents chapitres, nous avons mis en tête du livre BRAUNSCHVIG. NOTRE LITTÉRature. a. avenues principales du livre. Et, afin de bien souligner l'importance que nous attachons aux textes cités, nous les avons imprimés en plus gros caractères que les notes explicatives qui les accompagnent et les relient. Nous avions d'abord songé, pour suivre la mode régnante, -à illustrer ce livre au moyen de reproductions photographiques. Mais, outre que les gravures auraient enflé démesurément cet ouvrage dont les dimensions sont déjà respectables', l'expérience nous a appris que la valeur proprement pédagogique d'une telle documentation artistique est en fait très limitée: les textes, voilà, selon nous, l'illustration la plus utile et actuellement encore la plus originale d'une histoire de notre littérature. Un dernier mot sur l'esprit qui anime cet ouvrage. On reconnaîtra sans peine, nous l'espérons, notre effort d'impartialité absolue dans l'exposé et l'examen de toutes les idées. C'est manquer, selon nous, du respect qu'on doit à la jeunesse que de déformer à ses yeux confiants le visage de la vérité, en altérant l'histoire de la pensée humaine au cours des âges par de volontaires omissions, des dénigrements tendancieux ou des apologies systématiques. Aussi bien, tous les grands écrivains que compte notre littérature, n'ont-ils pas exprimé chacun à leur façon l'âme. diverse de la France tantôt railleuse et enjouée, tantôt grave et mélancolique; tantôt éprise d'idéal, tantôt penchée · P. XIII-XXIII une Bibliographie générale), afin que notre ouvrage, avant tout destiné à donner aux élèves une première vue d'ensemble de notre littérature, demeure entre leurs mains quand ils auront quitté le lycée un instrument de travail qui leur permette de pousser plus Join leurs études littéraires. 1. Ce qui nous oblige à le publier en deux volumes: I. Des origines à la fin du XVIIe siècle; II. Le XVIII® et le XIXe siècle. vers la réalité; tantôt mystique, tantôt sceptique; tantôt conservatrice, tantôt révolutionnaire; mais toujours fine etspirituelle, toujours lucide et sensée, toujours sociable et humaine? Et n'est-ce pas cette âme de notre patrie, enclose dans les beaux livres du passé, qu'il convient avant tout de faire connaître et aimer? |