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garde sur le reste du caractère, et c'est par-là que de bons yeux jugent du tout. Tout ceci demanderait peut-être de plus grands détails; mais ce n'est pas maintenant de quoi il s'agit.

Je dis, et c'est ma première règle, qu'il faut que l'enfant soit cher à cette personne-là. Mais comment faire.

Vous ne lui ferez point aimer l'enfant en lui disant de l'aimer; et avant que l'habitude ait fait naître l'attachement, on s'amuse quelquefois avec les autres enfans, mais on n'aime que les siens.

Elle pourrait l'aimer, si elle aimait le père ou la mère; mais dans votre rang on n'a point d'amis; et jamais, dans quelque rang que ce puisse être, on n'a pour amis les gens qui dépendent de nous.

Or, l'affection qui ne naît pas du sentiment, d'où peut-elle naître, si ce n'est de l'intérêt ?

Ici vient une réflexion que le concours de mille autres confirme, c'est que les difficultés que vous ne pouvez ôter de votre condition > vous ne les éluderez qu'à force de dépense.

Mais n'allez pas croire, comme les autres, que l'argent fait tout par lui-même, et que

pourvu qu'on paye on est servi. Ce n'est pas

cela.

Je ne connais rien de si difficile quand on est riche , que de faire usage de sa richesse pour aller à ses fins. L'argent est un ressort dans la mécanique morale, mais il repousse toujours la main qui le fait agir. Fesons quelques observations nécessaires pour notre objet.

Nous voulons que l'enfant soit cher à sa gouvernante. Il faut pour cela que le sort de la gouvernante soit lié à celui de l'enfant. Il ne faut pas qu'elle dépende seulement des soins qu'elle lui rendra, tant parce qu'on n'aime guère les gens qu'on sert, que parce que les soins payés ne sont qu'apparens, les soins réels se négligent; et nous cherchons ici des soins réels.

Il faut qu'elle dépende non de ses soins, mais de leur succès, et que sa fortune soit attachée à l'effet de l'éducation qu'elle aura donnée. Alors seulement elle se verra dans son élève et s'affectionnera nécessairement à elle; elle ne lui rendra pas un service de parade et de montre, mais un service réel: ou plutôt en la servant, elle ne servira qu'elle-même } elle ne travaillera que pour soi.

Mais qui sera juge de ce succès ? La foi d'un père équitable, et dont la probité est bien établie, doit suffire; la probité est un instrument sûr, dans les affaires , pourvu qu'il soit joint au discernement.

Le père peut mourir. Le jugement des femmes n'est pas reconnu assez sûr, et l'amour maternel est aveugle. Si la mère était établie juge au défaut du père, ou la gouvernante ne s'y fierait pas, ou elle s'occuperait plus à plaire à la mère qu'à bien élever l'enfant.

Je ne m'étendrai pas sur le choix des juges de l'éducation. Il faudrait pour cela des connaissances particulières relatives aux personnes. Ce qui importe essentiellement, c'est que la gouvernante ait la plus entière confiance dans l'intégrité du jugement; qu'elle soit persuadée qu'on ne la privera point du prix de ses soins si elle a réussi, et que, quoi qu'elle puisse dire, elle ne l'obtiendra pas dans le cas contraire. Il ne faut jamais qu'elle oublie que ce n'est pas à sa peine que ce prix sera dû, mais

eu succès.

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Je sais bien que, soit qu'elle ait fait son devoir ou non ce prix ne saurait lui manquer. Je ne suis pas assez fou, moi qui con

nais les homines , pour m'imaginer que ces juges, quels qu'ils soient iront déclarer solemnellement qu'une jeune princesse de quinze à vingt ans a été mal élevée. Mais cette réflexion que je fais là, la Bonne ne la fera pas; quand elle la ferait, elle ne s'y fierait pas tellement qu'elle en négligeât des devoirs dont dépend son sort, sa fortune, son existence. Et ce qu'il importe ici n'est pas que la récompense soit bien administrée, mais l'éducation qui doit l'obtenir.

Comme la raison nue a peu de force, l'intérêt seul n'en a pas tant qu'on croit. L'imagination seule est active. C'est une passion que nous voulons donner à la gouvernante,et l'on n'excite les passions que par l'imagination. Une récompense promise en argent est très-puissante, mais la moitié de sa force se perd dans le lointain de l'avenir. On compare de sang - froid l'intervalle et l'argent, on compense le risque avec la fortune, et le cœur reste tiède. Etendez, pour ainsi dire, l'avenir sous les sens, afin de lui donner plus de prise. Présentez-le sous des faces qui le rapprochent, qui flattent l'espoir, et séduisent l'esprit. On se perdrait dans la multitude de suppositions qu'il faudrait par

courir, selon les temps, les lieux, les caractères. Un exemple est un cas dont on peut tirer l'induction pour cent mille autres.

Ai-je à faire à un caractère paisible, aimant l'indépendance et le repos ? Je mène promener cette personne dans une campague; elle voit dans une jolie situation une petite maison bien ornée une basse - cour, un jardin, des terres pour l'entretien du maître, les agrémens qui peuvent lui en faire aimer le séjour. Je vois ma gouvernante enchantée; on s'approprie toujours par la convoitise ce qui convient à notre bonheur. Au fort de son enthousiasme, je la prends à part; je lui dis Elevez ma fille à ma fantaisie; tout cc que vous voyez est à vous. Et afin qu'elle ne prenne pas ceci pour un mot en l'air, j'en passe l'acte conditionnel; elle n'aura pas un dégoût dans ses fonctions, sur lequel sou imagination n'applique cette maison pour emplâtre.

Encore un coup, ceci n'est qu'un exemple.

Si la longueur du temps épuise et fatigue l'imagination, l'on peut partager l'espace et la récompense en plusieurs termes, et même à plusieurs personnes : je ne vois ni difficulté ni inconvénient à cela. Si dans six ans mon

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