ports, me fesait écrier quelquefois, ô grand Etre! sans pouvoir dire, ni penser rien de plus. Ainsi s'écoulaient dans un délire continuel, les journées les plus charmantes que jamais créature humaine ait passécs : et quand le coucher du soleil me fesait songer à la retraite, étonné de la rapidité du temps, je croyais n'avoir pas assez mis à profit ma journée, je pensais en pouvoir jouir davantage encore ; et pour réparer le temps perdu, je me disais : je reviendrai demain. Je revenais à petits pas, la tête un peu fatiguée, mais le cœur content; je me reposais agréablement au retour, en me livrant à l'impression des objets, mais sans penser, sans imaginer, sans rien faire autre chose, que sentir le calme et le bonheur de ma situation. Je trouvais mon couvert mis sur ma terrasse. Je soupais de grand appétit dans mon petit domestique; nulle image de servitude et de dépendance ne troublait la bienveillance qui nous unissait tous. Mon chien lui-même était mon ami, non mon esclave; nous avions toujours la même volonté, mais jamais il ne m'a obéi; ma gaieté durant toute la soirée témoignait que j'avais vécu seul tout le jour; j'étais bien différent quand j'avais vu de la compagnie ; j'étais rarement content des autres, et jamais de moi. Le soir j'étais grondeuret taciturne: cette remarque est de ma gouvernante; et depuis qu'elle me l'a dit, je l'ai toujours trouvée juste en m'observant. Enfin, après avoir fait encore quelques tours daus mon jardin, ou chanté quelque air sur mon épinette, je trouvais dans mon lit un repos de corps et d'ame, cent fois plus doux que le sommeil même. Ce sont-là les jours qui ont fait le vrai bonheur de ma vie, bonheur sans amertume', sans ennuis, sans regrets, et auquel j'aurais borné volontiers tout celui de mon existence. Oui, Monsieur,que de pareils jours remplissent pour moi l'éternité; je n'en demande point d'autres, et n'imagine pas que je sois beaucoup moins heureux dans ces ravissantes contemplatious, que les intelligences célestes. Mais un corps qui souffre, ôte à l'esprit sa liberté ; désormais je ne suis plus scul j'ai un hôte qui m'importune, il faut m'en dé-livrer pour être à moi ; et l'essai que j'ai fait de ces douces jouissances, ne sert plus qu'à me faire attendre avec moins d'effroi, le moment de les goûter saps distraction. Mais me voici déjà à la fin de ma seconde feuille. Il m'en faudrait pourtant encore une. Encore une lettre donc, et puis plus. Pardon, Monsieur, quoique j'aime trop à parler de moi, je n'aime pas en parler avec tout le monde;c'est ce qui me fait abuser de l'occasion quand je l'ai, et qu'elle me plaît. Voilà mou tort et mon excuse. Je vous prie de la prendre en gré. LETTRE IV. 28 janvier 1762. JE E vous ai montré, Monsieur, dans le secret de mon cœur, les vrais motifs de ma retraite et de toute ma conduite; motifs bien moins nobles sans doute que vous ne les avez supposés, mais tels pourtant qu'ils me rendent content de moi-même, et m'inspirent la fierté d'ame d'un homme qui se sent bien ordonné, et qui ayant eu le courage de faire ce qu'il fallait pour l'être, croit pouvoir s'en imputer le mérite. Il dépendait de moi, non de me faire un autre tempérament, ni un autre earactère, mais de tirer parti dumien, 96 comp tres, deure gour je l'ai Enfin daus n mon é repos ( que le Ce s bonheu saus en borné v Qui, M sent pe libert que ve me suis refusé aux occupations qui ne in etaient pas propres ; ne me sentant point even on pouvait me faire meriter le bien sez voulu faire, l'accepter eut eique homme de lettres aussi 204, pius capable de ce Serat vous supposiez que Latin extrait, que je zières qui métaient et ne n'écrirais pas une ligne pour la presse, croirais vraiment recommencer à vivre, que quand je serais tout-à-fait oublié. J'avoue pourtant qu'il a tenu à peu que jo ne me sois trouvé rengagé dans le monde, et que je n'aie abandonné ma solitude, non par dégoût pour elle, mais par un goût non moins vif que j'ai failli lui préférer. Il faudrait, Monsieur, que vous connussiez l'état de délaissement et d'abandon de tous mes amis où je me trouvais, et la profonde douleur dont mon ame en était affectée, lorsque monsieur et madame de Luxembourg désirèrent de me connaître, pour juger de l'impression que firent sur mon cœur affligé leurs avances et leurs caresses. J'étais mourant; sans eux je serais infailliblement mort de tristesse ; ils m'ont rendu la vie, il est bien juste que je l'emploie à les aimer. J'ai un cœur très-aimant, mais qui peut se suffire à lui-même. J'aime trop les hommespour avoir besoin de choix parmi eux ; je les 'aime tous, et c'est parce que je les aime, que je hais l'injustice; c'est parce que je les aime,' que je les fuis ; je souffre moins de leurs maux quand je ne les vois pas; cet intérêt pour "'espèce suffit pour nourrir mon cœur ; je n'a attres. Tome IV. |