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deux substances, lesquelles, de même qu'el-impossible de faire une démarche avec

les sont de natures différentes, ont aussi leur existence indépendante l'une de l'autre; et qu'il est au pouvoir de celui qui les a unies et qui les fait exister ensemble dans l'état d'union, de les séparer et de faire subsister après la séparation, soit toutes les deux, soit l'une des deux. Dieu en agit-il ainsi envers l'âme? La conserve-t-il après qu'il l'a séparée du corps ? Lui appliquet-il alors la sanction de la loi naturelle, par des récompenses pour l'observation, par des peines pour l'infraction? C'est ce que nous allons voir dans l'article suivant. De la possibilité, nous allons passer au fait. Et après avoir montré ce qui peut être, nous allons examiner ce qui est.

ARTICLE SECOND.

L'âme survit-elle au corps pour recevoir le salaire de ses actions,

XI. «L'immortalité de l'âme (j'ai déjà ob. servé que souvent on confond l'immortalité avec la survivance), est une chose qui nous importe si fort, et qui nous touche si profondément, qu'il faut avoir perdu tout sentiment pour être dans l'indifférence de savoir ce qui en est. Toutes nos actions et toutes nos pensées doivent prendre des routes si différentes, selon qu'il y aura des biens éternels à espérer, ou non, qu'il est

(51) Pensées de PASCAL, chap. 1.

(52) Et metus ille foras præceps Acherontis [agendus, Funditus humanam qui vitam turbat ab imo : Omnia suffundens mortis nigrore; nec ullam. Esse voluptatem liquidam puramque relinquit (LUCRETIUS, lib. 111, v. 37.)

• Nec ignoro p'erosque conscientia meritorum nihil se esse post mortem magis optare quam credere. Malant enim extingui penitus quam ad supplicia præparari. Quorum error augetur, et in sæculo libertate amissa, et Dei patientia maxima. › (MINUTIUS FELIX, Octavius, no 3.) - Resurrectionis dogma lædit vitæ improbitas, nec non im mortalitatis animæ et judicii, multaque alia: attrahit fatum, necessitatem, negationem Providentiæ. Anima enim in malis innumeris immersa, hæc sibi excogitare satagit, ne mæsta sit cogitans judicium fore, et in nobis situm esse virtutis et nequitiæ studium. (S. JOAN. CHRYSOSTOMUS, in Acta apost., hom. 47, n° 4.)

(53) Quod vero ad deos valde bonos iturus sum, certum habitote, si quid aliud ejusmodi, et hoc itaque me affirmaturum. Propterca haud quaquam mortem moleste fero. Et quidem si aliter res se haberet, facerem. Sed bono animo sum; spe roque superesse aliquid his qui defuncti sunt; atque, ut jamdiu dicitur, multo melius fore bonis quain malis. (PLATO, Phædo.) - Cum venerit ille dies, anixtum hoc divini humanique secernat, corpus hoc ubi inveni, relinquam, ipse me diis reddam. Nec nunc sine illis non sum; sed gravi terrenoque detineor. Per has mortalis ævi moras, illi meliori vitæ longiorique præluditur. Quemadmodum novem mensibus nos tenet maternus uterus, et præparat, non sibi, sed illi loco in quem videmur emitti, jam idonei spiritum trahere et in aperto durare, sic per hoc spatium quod ab infantia patet ad senectutem, in alium naturæ sumimur partum: alia origo nos exspectat, alius status.... Proinde intrepidus horam illam decretoriam prospice. Non est animo suprema, sed corpori. Quidquid circa te jacet rerum, tan

sens et jugement, qu'en la réglant par la vue de ce point, qui doit être notre dernier objet » (51).

Mais l'importance même de ce dogme est ce qui lui suscite ses plus grands ennemis. L'obligation qu'il impose de régler toutes les actions sur la considération d'une autre vie soulève contre lui ceux qui ne veulent avoir d'autres règles que leurs passions. La crainte des jugements divins que la bonté divine unie à la justice leur pr sentait, pour les préserver ou les retirer du désordre, est ce qui les précipite dans le fond du désordre. Pour se soustraire à une doctrine qui trouble leurs plaisirs, ils imaginent de se donner l'affreuse sécurité de l'incrédulité (52). Semblable à l'animal imbécile qui se croit échappé au langer, quand il a cessé de le voir.

A ce système, aussi funeste qu'il est faux, nous opposons le principe certain et fondamental de toute morale, qu'en terminant cette vie, l'âme, conservée par son Créateur, entre dans une seconde vie, où elle reçoit le prix des vertus qu'elle a pratiquées, ou la peine des vices auxquels elle s'est abandonnée (53).

A ne considérer que la puissance de Dieu, l'annihilation de l'âme au moment de

quam hospitalis loci sarcinas specta. Transeundum est. Dies iste quem tanquam supremum reformidas, æterni natalis est. Depone onus: quid cunctaris? Nunc tibi non est novum separari alveo cujus ante pars fueris. Æquo animo membra supervacanea dimitte; et istud corpus inhabitatum dispone.... Quid ista diligis quasi tua: illis opertus es. (SENECA, ep. 102 ad Lucilium. - Animam nostram incor. poream et immortalem confitemur; non autem interitui obnoxiam, ut corpora; imo mortis expertem, ut pote rationalem ac liberæ potestatis.› (Constit. apost., lib. vi, cap. 2.) - Non tamen perire dico ullas animas; vere enim de lucro esset improbis. Quid igitur? Piorum quidem animas in meliori Loco manere; impiorum autem et malorum in deteriore. › (S. JUSTINUS, in Diat. cum Tryphone, cap. 5.) - Incorruptæ autem sunt immortales cœlestes virtutes: immortalis sine dubio et incorrupta erit etiam animæ humanæ substantia. (OR)GENES, De principiis, lib. xv, н° 56.) -- Nate, quia homo ex duabus rebus constat, corpore atque anima, quorum alterum terrenum est, alterum cœleste, duæ vitæ homini attributæ sunt; una temporalis quæ corpori assignatur; altera sempiterna quæ alteri subjacet. (LACTANTIUS, Divin, instit., lib. vir, cap. 5.) - Unde duæ quoque vitæ a Deo attribute sunt nobis; una qua nascentes communi cum pecudibus lege fundimur a natura, quæ est corporalis; ac per hoc etiam brevis; alia vero ani mi, quam nos nobis ipsi hac in vita, per fidem, saerı fontis vivo de gurgite comparamus; nobilis et aæterna: quia anima quæ vicerit mundum, agroscendo et servando religionem veram, veramque justitiam, immortalitatis necesse est, pro laboris sui munere, immortali beatitudine perfruatur. (S. ZENO Veronensis, lib. 1, tract. 12, no 4 n° 4.) • Ecce immortalis est anima tua, et vivificat mortalem carnem tuam. Immortalem dico animam tuam ad utrumque. Si credit, immortalis est ad vitam. Si non credit, immortalis est ad pœnam. (S. Au GUSTINUS, Sermo ipsi ascriptus De symbolo ad ca thecumenum, çap. 3, no 3.)

la mort est certainement possible. La substance spirituelle ne renferme aucun principe interne de destruction: mais il peut y en avoir un principe externe. Son indissolubilité ne s'oppose pas à ce que le pouvoir suprême qui l'a tirée du néant l'y fasse rentrer. Le Tout-puissant, comme nous l'avons dit ailleurs, peut tout ce qu'il veut; il n'y a d'impossible pour lui, que ce qu'il ne peut pas vouloir: et il ne peut pas vouloir ce qui contrarie ses divins attributs. Si donc l'anéantissement de l'âme humaine est opposée à des perfections autres que la toutepuissance, nous sommes assurés que Dieu n'y emploiera pas sa toute-puissance. Il ne le pourra pas, parce qu'il ne le voudra pas.

XII. Pour procéder à la preuve de la survivance de l'âme, je commence par rappeler un fait que j'ai déjà énoncé au commencement de ce chapitre : c'est que les biens de celle vie sont communs aux bons et aux méchants, et indifféremment distribués aux unset aux autres (54). On peut même dire qu'à cet égard les scélérats sont mieux traités généralement que les honnêtes gens. La raison en est que, n'ayant en vue que ces sortes de biens, ils emploient, pour se les procurer, toutes sortes de moyens honnêtes et malhonnêtes que les hommes vertueux ne se permettent pas. Je n'ai pas besoin de prouver cette vérité que fait voir évidemment et continuellement l'expérience. Nos adversaires ne la contestent même pas. Au contraire, ils se font de la prospérité des méchants sur la terre un de leurs principaux

(54) Justus quippe Deus, et suos permittit temporaliter opprimi, et violentorum nequitiam nequiter augeri, ut, dum horum vita in purgatione teritur, illorum nequitia consummetur. (S. GREGORIUS MAGN., Moral., lib. xxvi, cap. 18, no° 32.)

(55) Hinc est enim unde quibusdam subrepsit lethalis impietas, ut omnino credant Deum non aspicere res humanas. Dicunt enim et disputant : si Deus res humanas attenderet, haberet ille divitias, haberet ille honores, haberet ille potestatem. Non curat Deus res humanas; nam, si curaret, illa solis bonis daret. (S. AUGUSTINUS, serm. 311 in nat. S. Cypriani, cap. 13, no 12.) - V. idem, serm. 18, cap. 1, no 5.

(56) Redarguuntur itaque hoc in loco, qui unicam hanc vitam putant esse, quasi sit in hoc sæculo. (Omnia plena lapsus, plena mæroris sunt), et redarguuntur simplici serie gestorum. Ecce enim justus, innocens, pius, propter gratiam devotionis odia fratris incurrens, immaturus adhuc ævi sublatus est parricidio. Et iniquus, sceleratus, impius, etiam fraterna cæde pollutus, longævam duxit ætatem; duxit uxorem, posteritatem reliquit, urbes condidit; et hoc meruit permissione divina. Nonne in eis aperte vox Dei clamat? Erratis, qui putatis hic esse omnem vivendi gratiam. (S. AMBROSIUS, De Cain et Abel lib. 11, cap. 10, no 37.) - Ubi providentia illius, aut ubi justum judicium? Sobrius et innocens male habet: intemperans et corruptus feliciter agit; et hic quidem admirationi est; ille vero ludibrio. Hic variis fruitur deliciis; ille autem inops extremis pessumdatur incommodis. Tum igitur is qui de futuris dubitat, conticescet. At qui de resurrectione bene senserit, et sapienter dispu

arguments contre la Provi lence (55): argument qui véritablement aurait de la force, si le dogme de la vie future n'en donnait pas la solution.

D'après cette répartition des biens et des maux de la vie, égale entre les justes et les malfaiteurs, si même elle n'est pas plus.favorable à ceux-ci, nous faisons le raisonne. ment contraire à celui des incrédules et bien mleux fondé que le leur. Nous disons que Dieu, ne récompensant pas dans cette vie les vertus, et n'y punissant pas les vices, c'est une conséquence nécessaire qu'il y ait, après la mort, un autre état où la récompense sera accordée, et le châtiment infligé (56) ; qu'il se doit à lui-même cette sanction, et qu'il manquerait à sa sagesse, à sa bonté et à sa justice, s'il manquait à l'exercer.

XIII. 1o Il est contraire à la sagesse de vouloir une fin, sans en vouloir les moyens. Dieu veut que l'homme fasse le bien et évite le mal, et il lui en donne le précepte; nous l'avons vu dans l'article précédent. Il est donc de sa sagesse de pourvoir à l'observation de ce précepte, en donnant à l'homme un motif puissant, universel, et toujours subsistant, de suivre la vertu et de s'éloigner du vice. Les motifs qui déterminent Thomme, sont le désir du bonheur et la crainte du malheur. La Sagesse divine exige donc qu'il soit pourvu à l'observation du précepte, en attachant le bonheurà la vertu, et le malheur au vice. Mais, dans la vie présente, cette sanction n'est pas effectuée; il doit donc y avoir, après cette vie, un autre état où elle se réalise (57).

tare noverit, facile quidquid id est, blasphemiæ diluet, et illis tam stomachabunde disputantibus dicet: compescite linguam vestram, et adversus Deum, qui vos fecit, eam ne exacueritis. Non enim res nostræ in hac solum vita durant; sed festinamus ad vitam aliam multo longiorem, imo finem minime habentem, et ibi omnino pauper iste qui juste vivit, laborum suorum mercedem accepturus. est. Intemperans autem et maleficus malitiæ suæ illicitæque voluptatis daturus est pænas. Proinde non a præsentibus solum de divina providentia sententiam feramus, sed a futuris. › (S.

CHRYSOSTOMUS, De resurr. mort., lib. v.)- Ibi intellexit iste in novissima, et solvit quæstionem de felicitate impiorum et labore justorum. Quomodo solvit? quia mali, cum hic differuntur, ad pœnas sine fine servantur; et boni cum hic laborant, exercentur, ut in fine hæreditatem consequantur. (S. AUGUSTINUS, enarr. in psalm. x11, n° 9.)

(57) Agonotheta sane victorem in Olympicis. prædicat et coronat. Herus servum, rex militem honorat; et quisque demum illum qui sibi ministraverit, quibus potest bonis remunerat; Deusqué solus post tantos sudores et labores, nec parvum, nec magnum ipsis confert: sed justi illi ac pii viri qui omne virtutis genus adierunt, eadem erunt conditione qua mæchi, parricidæ, homicidæ, murorumque effossores. Et quæ infit in his ratio? Si enim nihil ultra est post dicessum ex hac vita, et si nostra sint præsentis vitæ limitibus.circumscripta, in eodem sunt statu hi et illi, imo non in eodem statu; si enim secundum te post hac in eodem statu sint; at illi in tranquillitate, hi in supplicio toto tempore versati sunt. Et quis tyrannus immanis, quis hon homo crudelis et inhumanus, servos subdi

Dans l'hypothèse des incrédules, quel motif assez fort pourra déterminer l'homme aux sacrifices que souvent exige la pratique de la vertu ? S'il n'a d'autres biens à espérer que ceux de la vie actuelle, son unique intérêt sera de se les procurer par toutes sortes de voies; et comme le vice apporte souvent plus d'avantages présents que la vertu, il aura, dans une multitude d'occasions, plus d'intérêt à commettre le mal, qu'à opérer le bien. Ainsi, la Sagesse infinie se contredirait elle-même. Elle donnerait à la fois le précepte de l'observation, et le motif de l'infraction. Elle mettrait le moyen en opposition avec la fin.

XIV. 2o S'il n'y a de bonheur que dans cette vie, la bonté divine est évidemment en défaut. L'existence qu'elle a donnée à l'homme n'est qu'un don funeste. Les souffrances n'ont plus de dédommagement; les combats contre les passions, plus de récompenses; les victoires sur les passions, plus de palmes; les travaux, plus de salaires; les douleurs, plus de consolations. Les incrédules qui relèvent, qui exaltent, qui même quelquefois exagèrent les maux que souffrent les justes sur la terre, font sentir bien clairement la nécessité d'une vie différente sous l'empire d'un Dieu bienfaisant. Un maître bon doit faire le bonheur de ceux qui suivent ses ordres. Otez la vie future, quel est le bonheur que Dieu procure aux observateurs de ses commandements?

Est-il conforme à la bonté du Créateur, que sa créature, par l'acte le plus parfait d'obéissance et de vertu qu'elle puisse faire, détruise son bonheur. Le comble de la perfection est de mourir pour la vertu. Si cet acte héroïque ne mène pas au bonheur, il anéantit tout celui que l'homme pouvait espérer.

XV. 3o Est-il juste à un supérieur qui a donné des ordres, de traiter également et indifféremment ceux qui les enfreignent et ceux qui les remplissent. C'est cepen

rosque suos sic excepit? Viden' ingentem absurditatem, et qui finis sit talis ratiocinii? Itaque, si nullo alio, hoc saltem ratiocinio eruditus, hanc pessimam opinionem repudia. Fuge malitiam, et labores pro virtute suscipe. Et tunc scies nostra non esse præsentis vitæ limitibus circumscripta. (S. JOANNES CHRYSOST., In Matth,, hom. 13, no 6.)

(58) Nonne vides multos qui cum virtute vixerunt, innumeraque mala passi sunt, decessisse, nulla re bona percepta; alios contra, cum multam pravitatem commiserint, alienas facultates rapuerint, viduas et orphanos spoliaverint, oppresserintque, opibus deliciisque, et innumeris bonis fruiti fuerint, decessisse, ne tantulum quidem inali passos. Quænam igitur vel illi priores virtutis præmia recipient, vel isti pravitatis ferent supplicia, si nostræ res ultra vitam hanc non proferantur? Nam, si Deus est, sicut revera est, eum justum esse nemo non fatebitur. Atqui si justus est, et his et illis reddet pro meritis; et hoc in confesso est. Quod si et his et illis rependet pro meritis, hic vero nullus eorum recepit, neque ille improbitatis prenam, neque bic virtutis præmia, perspicum est restare tempus aliquod in quo congruens premium horum uterque feret. (S. JOANNES CHRYSOSr., De

dant ce qu'imputent à Dieu ceux qui prétendent qu'il a borné l'existence de l'homme à cette vie. Il faut même qu'ils aillent plus loin. Comme le vice jouit plus souvent des agréments et des avantages de ce monde que la vertu, ils doivent, conséquemment à leur système, soutenir que la justice divine a voulu et a établi un ordre de choses dans lequel c'est à l'infraction de ses commandements qu'elle a attaché le bonheur, et c'est à cause de l'observation qu'elle rend misérable (58). Voici le raisonnement qu'ils attribuent au Dominateur essentiellement et infiniment juste. En créant un être libre, je lui ai donné des préceptes; je lui ai ordonné de les observer, en n'épargnant ni efforts ni travaux; je lui ai défenda de les violer, quelque satisfaction, quelque avantage qu'il pût y trouver; et celui qui m'aura obéi aura, pour tout prix de ses sacrifices, les prines qu'ils lui auront causées; celui au contraire qui m'aura désobéi aura, pour unique punition, la jouissance des plaisirs qu'il se sera procurés. Malheur aux observateurs du commandement, bonheur aux infractaires; sage celui qui se rend heureux aux dépens de ses semblables, insensé celui qui fait le bonheur public par ses privations: voilà le système de justice divine de nos adversaires (59).

Concluons en trois mots. Onu le précepte divin, de faire le bien et d'éviter le mal, n'est muni d'aucune sanction, ou il a sa sanction dans la vie présente, ou, comme nous le soutenons, sa sanction est réservée à une vie future. De ces trois choses, In première répugne manifestement aux altributs divins; la seconde est formellement démentie par une expérience constante el évidente: reste done la troisième.

Joserai donc le dire à la suite des doeteurs de l'Eglise; s'il n'y a pas de sanetion dans une autre vie, il n'y a pas de vertu sur la terre (60); il n'y a pas de Dieu dans le ciel (61). C'est bannir la vertu que de lui

Lazaro, conc. 4, no 4.)

(59) Quid ergo, si (virtus) rapiatur, vexetur, exterminetur, egeat, conterantur ei manus, effodiantur oculi, damnetur, vinciatur, uratur, miseris etiam modis necetur, perdetne suum præmium virtus? An potius peribit ipsa? Minime; sed et mercedem suam, Deo judice, accipiet et viget, et semper vigebit. Quæ si tollas, nihil potest in vita hominum tam inutile, tam stultum videri esse quam virtus, cujus naturalis bonitas, et honestas docere nos potest animam non esse mortatem, divinumque illi à Deo præmium constitutum. (LACTANTICS, Divin. instit., lib. v, cap 19.)

(60) Virtus quoque soli homini data magno argumento est, immortales esse animas. Que non erit secundum naturam, si anima extinguatur. Huic enim præsenti vitæ nocet. (LACTANTIUS, Divin. institut., lib. vii, cap. 9.)

(61) Si enim post hane vitam nihil residuum est, nec Deus etiam est. Nam, si Deus sit, justus est: si justus, unicuique pro meritis retribuit. St vero nihil post hanc vitam est, ubinam pro merito quisque recipiet. (S JOANNES CHRYSOSTOM., DV fato et Provident., ovat. 4, opus dubium.)

Oler ses motifs; c'est anéantir Dieu que de le priver de ses attributs.

XVI. Contre cette preuve si frappante des récompenses et des peines de l'autre vie, on propose une difficulté. « L'administration de Dieu dans l'ordre moral doit être constante, comme l'est celle de l'ordre physique. L'immutabilité de l'Etre suprême répugne aux variations. L'autre vie, s'il y en a une, doit donc être administrée comme celle-ci, où le vice fleurit et la vertu souffre. S'il y a un ordre de choses, non-seulement différent, mais diamétralement opposé à celui-ci, il faut dire de deux choses l'une: ou que l'état actuel n'est pas un ordre, mais est un désordre qui a besoin d'être réparé: et dans ce cas, comment peut-il être l'ouvrage d'une sagesse infinie? ou que l'état actuel est bien ordonné; et dans ce second eas, quel besoin y a-t-il qu'il soit réparé? Dire que l'ordre actuel est juste, et qu'un ordre contradictoire le sera aussi, est une évidente contradiction. Si l'on dit que l'ordre actuel n'est pas juste, qui nous répond que l'ordre futur, œuvre du même Auteur, le sera davantage ? >>>

XVII. Le vice de cette objection est de regarder l'ordre de la vie future comme différent et même comme l'opposé de l'ordre de la vie présente. Ce sont deux états différents; mais ce n'est qu'un seul et même ordre. Tout ordre de choses a plusieurs parties; et l'ordre moral est le composé, le résultat des deux états. Dieu, auteur de cet ordre, fait passer l'âme humaine par Fun, pour la conduire à l'autre..

Dans toute administration il faut distinguer la fin qu'elle se propose et les moyens qu'elle emploie; le temps où elle met en jeu les moyens et celui où elle leur fait atteindre leur fin. La constance de l'administration ne consiste pas et ne peut pas consister dans l'identité des moyens et de la tin; mais dans leur rapport soutenu et perpétuel. Dans l'ordre physique, qu'on objecte, dira-t-on que l'administration divine manque de constance, parce qu'elle fait passer les corps par divers états? Par exemple, du moment où la graine est confiée à la terre, jusqu'à celui où elle est devenue un arbre qui donne, à son tour, des graines, combien ne subit-elle pas de changements? Dans l'ordre moral, Dieu veut que le mérite, ou le démérite de la vie présente, conduise constamment aux récompenses ou aux peines de la vie future. Il y a entre ces choses un rapport régulier, et jamais interverti. C'est une continuité, une unité de vues de l'Administrateur qui, par les mêmes moyens, mène constamment l'ètre qu'il dirige, à la même fin. Il n'y a pas de variation dans ses conseils qui sont continuellement les mêmes. Son immutabilité est d'autant moins compromise, que de toute éternité il a décrété que Thomme parvint à sa fin dernière, dans l'autre vie, par ses actions dans celle-ci.

Il n'est donc pas vrai que l'ordre de choses qui succèdera à celui-ci, en soit la

réparation. Il en est la suite. L'état actuel est la préparation à l'état futur; l'état futur est le complément, la consommation de l'état actuel. De ce que l'ordre de choses sera différent dans l'autre vie, il ne s'en suit nullement que l'ordre de cette vie soit un désordre. Il est au contraire dans l'ordre que le mérite précède, et quela récompense vienne après. Il n'y a pas de contradiction à dire que l'état présent est juste, et que l'état futur le sera aussi; que dans cette vie, Dieu distribue à tous les hommes bons ou mauvais, les prospérités et les revers, pour les récompenser ou les punir dans l'autre, de l'usage qu'ils en auront fait. Il est dans l'ordre que la vertu soit éprouvée pour mériter. Il est dans la justice que la couronne soit accordée à la victoire, après le combat. Si la vertu n'avait pas ses peines, quel mérite aurait-on à la suivre? Sile vice n'offrait pas quelques douceurs, serait-on bien louable de l'éviter? Supposons un ordre différent,. la vertu récompensée et le vice puni dès cette vie par les prospérités ou les adversités temporelles. Je demande comment, dans cette hypothèse, la vertu pourrait ac-. quérir le mérite si précieux de la persévérance, comment le vice pourrait obtenir le temps si salutaire du repentir?

L'ordre successif de liberté et de salaire est, je le répète, le plus digne de la sagesse,. de la justice, de la bonté divine; et en même temps le plus convenable, le plus attempéré à la nature humaine.

A la ridicule demande: si l'ordre actuel n'est pas juste, qui nous répond que l'ordre futur le sera? Je réponds, sans hésiter, l'ordre actuel lui-même, m'en est garant. Sûr que l'Auteur de l'un et de l'autre ordre, ou pour parler exactement, de l'ordre moral unique, mais successif, est essentiellement et infiniment juste, voyant que dans la partie actuelle de cet ordre il ne déploiepas sa justice, j'en conclus qu'il la manifestera dans la partie future. Il ne pent pas y avoir d'injustice dans un ordre de choses qui prépare et qui effectue l'exercice de la plus stricte et de la plus parfaite justice.

XVIII. « Dieu, disent encore quelques incrédules, étant souverainement libre, et indépendant, ne pourrait-il pas relâcher des droits de sa justice, et s'abstenir de la punition des coupables? S'il le peut, ne le doit-il pas ? Sa bonté intinie ne lui en faitelle pas un devoir ? >>>

Ceux qui proposent cette difficulté en ont-ils pesé les conséquences? A quels maux le genre humain ne serait-il pas exposó s'il n'y avait pas de punition pour leurs auteurs? Sans la sanction de l'autre vie, le régime de la Providence ressemblerait à un gouvernement qui manquerait de lois répressives, et sous lequel tous les crimes se commettraient impunément. La justice est une qualité essentielle de tout gouvernement raisonnable. Elle est la bienfaisance des souverains. N'y aurait-il que le Roi des rois qui en serait privé? N'y aurait-il que le gouvernement de la Providence dont elle serait bannie?

La bonté de Dieu ne contrarie donc pas l'exercice de sa justice. Les effets de ces deux attributs sont différents; mais ces attributs ne sont pas opposés. Au contraire, Dieu ne serait pas bon, s'il n'était pas juste. C'est un grand bienfait envers l'humanité que le châtiment de ceux qui la désolent. La bonté et la justice ne sont qu'une même perfection, dont les opérations différent selon les objets sur lesquels elles agissent. Dien dementirait sa bonté, comme sa justice, s'il ne punissait pas les infracteurs de ses commandements.

XIX. Une autre preuve du dogme de la vie future, est l'universalité, l'antiquité, la perpétuité de cette croyance. Toutes les na tions anciennes et nouvelles, policées et sauvages, ont professé cette doctrine. Partout où on a cru l'existence d'un Dieu (et nous avons vu que partout elle a été crue), ón a été persuadé qu'il est le rémunérateur de la vertu et le vengeur du crime (62). Dans quelque temps, dans quelque pays que Fon voie des peuples, on trouve cette foi établie. Chaldéens, Phéniciens, Egyptiens, Perses, Indiens, Celtes, Germains, sauvages des forêts américaines, peuplades de la mer du Sud, hordes de l'Afrique, tout ce qui a existé, tout ce qui existe de nations, a été constamment réuni dans une même croyance. Elle devance de beaucoup les premiers historiens: les philosophes les plus éclairés l'ont enseignée (63). Les poetes les plus anciens la célèbrent. Les hon neurs funèbres, le respect pour les tom beaux, de beaucoup antérieurs à tous les temps connus, constamment perpétués dans

(62) Sed ut deos esse natura opinamur, qualescunque sint ratione cognoscimus, sie permanere animas arbitramur, consensu omnium gentium, (CICERO, De legibus, lib. 1, cap. 16.)

(63) Multi enim ita ex philosophis sapiunt, et futurum esse judicium credunt. Immortalem nam. que animam sentiunt; et remunerationem bonis quibusque confitentur. (ORIGENES in Levitic., hom, 7, n° 6.) - knmortalem animam, et post dissolutionem corporis subsistentem, quod Pythagoras somniavit, Democritus non credidit, in consolationem damnationis suæ Socrates somniavit in carcere, indus, persa, gothus, ægyptius, philosophanLur. (S. HIERONYMUS, ep. 60 ad Heliodorum, no 4.) -Philosophi de anima varia dixerunt: sed ta men hanc esse immortalem, Epicuri, Dicæarchi, Democritique vanitatem argumentatione manifesta convincunt. Poetæ autem melius, qui duplicem viam ad inferos ponunt; impiorum unam quæ ducit ad Tartarum; piorum aliam quæ ducit ad Efisæum; eo fortius addentes quod defunctorum ibidem, non tam forma quam facta nascantur, ac necessario accipiant secundum quod mundanæ administrationis suis in actibus portant, (S. ZENO Veronensis, lib. 1, tract. 16, n° 2.)

(64) Plus apud me antiquorum auctoritas valet, vel nostrorum imajorum, qui mortuis tam religiosa jura tribuunt; quod non fecissent profecto, si nihil ad eos pertinere arbitrarentur. (CICERO. De amic., cap. 4.) - Itaque illud erat insitum priscis illis (Italie incolis) quos caseos appellat Entrius, esse in morte sensuin; neque excessus vitæ sit deleri

tout le cours des siècles, répandus et usités sur toute la face de la terre, attestent hautement l'universalité absolue de ce dogme(64). Cicéron témoigne l'immémoriale antiquité de cette persuasion, qu'il fait remonter jusqu'aux temps voisins de la Divinité (65), Il dit que l'opinion contraire est récente (66). Selon Plutarque, l'origine de cette doctrine est absolument inconnue: elle s'est propagée depuis l'éternité (67). Il faut une ignorance profonde de l'histoire de l'esprit humain, pour révoquer en doute cette réu nion de tous les esprits dans la ferme conviction des récompenses et des peines qui doivent suivre la mort.

Or, cette persuasion si générale de tout le genre humain ne peut être que la voix de la nature, puisqu'elle ne vient ni des sens dont elle détache, ni des passions qu'elle réprime, ni d'aucune autre cause d'erreur qui ait pu être générale et influer sur la totalité des temps et des lieux. Nous la voyons aussi ancienne, aussi perpétuelle, aussi générale que l'idée de la Divinité. Elle y est intimement liée. Elle ne peut venir que de la même source. C'est la même lumière qui nous fait apercevoir ces deux vérités également importantes. Que ce dogme vienne naturellement à l'esprit, par la simple considération des attribals divins et de l'ordre actuel du monde; qu'il émane d'une tradition primitive qui remonte à la divinité, son universalité est, dans l'un et l'autre cas, une preuve de sa vérité (68).

XX. « Les incrédules combattent les deux parties de cette preuve, lis prétendent d'abord que l'opinion de l'autre vie n'est pas à beaucoup près universelle. Ils citent

hominem, ut funditus interiret: idque cum multis aliis rebus, tum pontificio jure, et ceremoniis sepulchrorum intelligi licet; quas maximis ingeniis præditi, nee tanta cura coluissent, nec violatas tam inexpiabili religione sanxissent, nisi hæsisset in eorum mentibus, mortem non interitum esse omnis tollentem, atque delentem; sed quamdam quasi migrationem commutationemque vitæ. (Idem, Tuscul., lib. 1, сар. 12.)

(65) Auctoribus quidem ad istam sententiam quam vis obtineri, uti optimis possumus; quod in omnibus causis, et debet et solet valere plurimum. Et primum quidem omni antiquitate quæ quo propius aberat ab, ortu et divina progenie, hoc melius ea fortasse que erant vera ceruębat. (CICERO, Tuscul., liv. 1, cap. 12.)

(66) Neque enim assentior iis qui hæc nuper disserere cœperunt, cum corporibus simul animos interire. (CICERO, De amicit., cap. 4.)

(67) Atque hæc nostra sententia ita vetusta est, ut ejus et initium et auctor prorsus ignorentur; sed ab infinita usque æternitate continenter ea sic est propagata. (PLUTARCHUS, De consol. ad Apollonium.)

(68) Quod si omnium consensus naturæ vox est, omnesque qui ubique sunt, consentiunt, esse aliquid quod ad cos pertineat qui e vita cesserint, nobis quoque idem existimandum est. (CICERO, Tuscul, lib. 1, cap. 5.) Cum de animorum æternitate disserimus, non leve momentum apud nos habet consensus omnium gentium, and timentium inferos, aut colentium superos. (SENECA, ep. 117.)

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