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vaise. Dans cette assertion: 1° il n'y a rien que de très-raisonnable; 2o il n'y a pas de cercle vicieux.

Premièrement, quand une doctrine a été démontrée véritable par des faits bien authentiques et bien certainement miraculeux, toute doctrine qui y est opposée est par cela même évidemment démontrée fausse. La vérité ne peut pas se contredire: ce qui la combat est nécessairement erreur. Lors done qu'en faveur d'une doctrine opposée à la véritable, on produit un miracle, il est certain ou que ce n'est pas réellement un miracle, ou, si c'en est un, qu'il est opéré par le père du mensonge, et que, par conséquent, il doit être rejeté, meine sans exa

inen.

Secondement, il n'y a pas en cela de cercle vicieux; et Pascal, ce profond penseur, a dit avec raison : « Il faut juger de la doctrine par les miracles; il faut juger des miracles par la doctrine. La doctrine discerne les miracles, les miracles discernent la doctrine. » Tout cela est vrai. C'est que le jugement qu'on porte sur la doctrine d'après le miracle, et le jugement qu'on porte sur le miracle d'après la doctrine, sont de deux genres absolument différents. Le miracle est une preuve positive, la doctrine -forme une preuve négative; le miracle

prouve la vérité de la doctrine, la doctrine prouve seulement la fausseté du miracle, c'est-à-dire sa nullité ou son origine impure. Quand il a été démontré par des miracles qu'une doctrine vient de Dieu, il est démontré ensuite, par la vérité de cette doctrine, que le miracle opéré pour établir une doctrine contraire ne peut pas être l'œuvre de Dieu, parce qu'il est impossible qu'il se contredise. Comment peut-on voir là un cercle vicieux? Le cercle vicieux a lieu quand deux propositions sont réciproquement l'une à l'autre principe et conséquence, c'est-à-dire quand, après s'être servi de la première pour prouver la seconde, on donne ensuite la seconde pour preuve de la première. Nous démontrons, il est vrai, par les miracles, la vérité de la doctrine chrétienne; d'où nous concluons d'abord la fausseté de toute doctrine qui est opposée, et ensuite celle des miracles par lesquels on prétendait l'autoriser: c'est là un enchaînement de principes et de conséquences; mais ce n'est pas un cercle vicieux, car il n'y a pas de réciprocité. Nous ne disons ni que la fausseté des doctrines opposées au christianisme prouve la vérité des miracles chrétiens, ni que la fausseté des miracles étrangers prouve notre doctrine.

y

SECONDE PARTIE.

Des miracles du Christianisme.

J'ai, je crois, prouvé suffisamment deux vérités: la première, que Dieu peut faire des miracles; la seconde, que nous pouvons avoir, des miracles, non-seulement la certitude physique par nos propres sens, mais la certitude morale par le témoignage d'autrui. Je passe maintenant à une autre question: c'est de savoir si les miracles qui servent de fondement à la foi chrétienne sont revêtus de cette certitude qui exclut tout doute. J'entreprends de prouver qu'il n'y a aucun fait historique, de ceux qui sont le plus solennellement garantis, le plus fermement crus, qui réunisse autant de motifs de certitude que les miracles de notre sainte religion. Pour mettre de l'ordre dans cette discussion, je diviserai ces miracles en trois classes, qui formeront trois chapitres séparés. J'examinerai, dans le premier, les miracles opérés par Jésus-Christ pendant le cours de sa carrière évangélique; dans le second, le miracle particulier de sa résurrection; dans le troisième, les miracles faits après lui par ses disciples. J'emploierai un quatrième chapitre à la solution des difticultés qu'élève l'incrédulité contre la réalité des miracles.

CHAPITRE PREMIER.

MIRACLES DE NOTRE-SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST.
Les miracles opérés par Jésus-Christ de-
OEUVRES COMPL. DE LA LUZERNE. 1.

puis le commencement de sa prédication jusqu'à son retour dans les cieux, sont compris dans un intervalle d'un peu plus de irois années. Ils sont rapportés dans les quatre évangiles, et allégués ou supposés dans le livre des Actes et dans les Epitres des apôtres. J'ai établi l'authenticité de ces écrits; il s'agit ici de prouver la vérité des faits qui y sont racontés.

I. Rappelons-nous le principe incontestable établi ci-dessus, qu'un fait, quelque éloigné qu'il soit de nous, est rendu certain quand on a la double certitude que l'historien qui le rapporte n'a pas pu être trompé et n'a pas voulu tromper; qu'il a su posilivement le fait, et qu'il le raconte sincèrement. Or, je soutiens que dans toute l'histoire ancienne il n'y a pas un seul fait dont la relation réunisse plus complétement ces deux certitudes.

II. Une observation importante à faire avant d'entrer dans cette discussion, c'est qu'il est impossible de soutenir à la fois que les écrivains sacrés ont été trompés, et qu'ils ont été trompeurs: l'une de ces assertions exclut positivement l'autre. Ou ils ont cru vrai ce qu'ils disaient, ou ils l'ont cru faux. Il ne peut pas y avoir de milieu entre la bonne et la mauvaise foi, sur des faits qu'on dit avoir vus. Mais si les historieus des miracles_n'ont pu en même temps étre séduits

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et séducteurs, il est possible qu'ils n'aient été ni l'un ni l'autre. Prouvons d'abord qu'ils n'ont pas été abusés.

III. Les témoins des miracles du Sauveur sont, non-seulement les quatre évangélistes et les apôtres qui ont écrit des épîtres, mais encore tous les disciples qu'avait formés Jésus-Christ, c'est-à-dire les soixante-douze dont saint Luc fait mention dans son évangile; et, de plus, tous ceux qui s'étaient attachés au divin Sauveur, et qui étaient en assez grand nombre. Nous voyons, immédiatement après l'ascension, lors de l'élection de Mathias, environ cent vingt fidèles enfermés dans le cénacle (193). Saint Paul dit qu'après sa résurrection Jésus-Christ s'est montré une fois à plus de cinq cents d'entre les frères, dont beaucoup, ajoute-t-il, sont encore vivants, et dont quelques autres sont morts (194). Saint Paul n'aurait pas osé hasarder cette assertion, si elle n'eût été vraie: il aurait été trop facile de le démentir, pour qu'il se la permît. Il y avait done, au retour de Jésus-Christ dans les cieux, plus de cinq cents personnes qui croyaient en lui: c'étaient autant de témoins de ses miracles. D'abord, beaucoup d'entre eux ont partagé les travaux apostoliques, et ont prêché, comme les évangélistes et les apôtres, la vérité de la religion, et des miracles qui en sont le fondement. Mais ceux même qui n'ont pas exercé la fonction de la prédication, ont entendu celle des apotres; ils savaient positivement si les faits publiés par eux étaient véritables: s'ils les avaient crus faux, ils los auraient contredits; s'ils les avaient contredits, les ennemis du christianisme, si habiles et si ardents à profiter de tout, se seraient appuyés de leur dénégation. Ainsi, par cela seul qu'ils ne contredisent point le témoignage des apôtres, ils y adhèrent; ils parlent comme eux, en ne parlant pas contre eux. Cette considération du grand nombre de témoins des miracles, est par elle-même de la plus haute importance; et, de plus, elle confirme beaucoup ce que nous avons à dire sur notre objet spécial, c'est-à-dire sur la force du témoignage des apôtres, des évangélistes, et de ceux que nous savons avoir, dès le commencement, prèché directement le christianisme.

IV. On ajoute une foi entière à l'historien

(193) Erat autem turba hominum simul fere centum viginti. (Act., 1, 15.)

(194) Deinde visus est plusquam quingentis fratrious simul; ex quibus multi manent usque adhuc, quidam autem dormierunt. (I Cor., xv, 6.)

(195) Voyez ci-dessus, première partie, n. LXV, (196) Sane, commode mihi dictum.videtur, aut prorsus credere oportet Jesu discipulis, sicut reliquis quoque scriptoribus, aut si non his, ne reliquis quidein. Cur enim si solis his viris detrahenda sit fides, non etiam reliquis omnibus, quicumque unquam, aut apud barbaros, vitas, aut orationes, aut commentaria conscripserunt eorum qui variis temporibus in aliquo genere virtutis, atque officii præstiterint? Aut si dicis aliis quidem credere æquum esse, at his solis non credere, car non hoc plane

qui a écrit sa narration d'après des mémoires authentiques et contemporains (195). On a un motif bien autrement puissant de crédibilité, quand il rapporte ce dont il a été témoin. La croyance est encore plus fondée, s'il a été lui-même auteur dans les faits qu'il raconte. Enfin, le motif de certitude est à son comble, si le rapport est fait, nou par un seul historien, mais par plusieurs témoins oculaires et ayant part aux faits. Or, nous trouvons l'ensemble de tous ces caractères dans l'histoire évangélique : on aurait peine à les trouver dans les histoires profanes : les événements les plus fermement crus de ces histoires ne le sont que d'après quelques-unes de ces preuves; aucun, peut-être, ne les réunit toutes (196). Ici, c'est un grand nombre d'hommes qui, unanimement, les uns de vive voix, les autres par écrit, proclament les faits de la vie de leur maître, et des faits dont sinon tous, au moins presque tous, ont été personnellement témoins (197). Ils disent avec confiance aux peuples parmi lesquels ils se répandent: Ce que nous vous annonçons, ce que nous vous attestons, c'est ce que nos oreilles ont entendu, ce que nos yeux ont vu, ce que nos mains ont touché (198). Ce n'est pas un fait isolé qu'ils publient, c'est une suite de faits perpétuellement renouvelés sous leurs yeux pendant le cours de trois années. Ce ne sont pas, disait hautement saint Paul, des faits inconnus el cachés, qui se soient passés dans quelque coin obscur (199); c'est à la vue de tout le public, c'est souvent en présence même de ses ennemis que Jésus-Christ a opéré ses miracles. Ce ne sont pas des faits préparés, arrangés d'avance, concertés, comme on l'a vu jusque dans notre siècle, entre l'auteur et l'objet du prétendu prodige; c'est à mesure que l'occasion s'offre à lui, c'est sur tous les malades qui viennent, se présenter à sa bienfaisance que Jésus-Christ exerce sa puissance miraculeuse. Ce ne sont pas des faits indifférents qu'on puisse apercevoir négligemment et en passant; il s'agit de l'objet le plus important, de l'intérêt le plus essentiel pour la nation juive, du sort de sa religion, de la reconnaissance de son Messie. Pendant tout le temps qu'il a fait ses miracles, Jésus-Christ n'a pas été quillé un seul moment par ses apôtres et oar une

ad invidiam referatur? (Eusebius, Demonst. Evang., lib. m, cap. 7.)

(197) Il est incertain si les deux évangelistes qui n'étaient pas apôtres, saint Marc et saint Lue, onl été disciples da Sauveur. Mais ce qui est certain, c'est qu'eux et saint Paul avaient passé leur v avec les apôtres et les disciples. Ainsi leur témoi gnage a autant de poids que s'ils avaient été temoins oculaires.

(198) Quod fuit ab initio, quod audivimus, quod vidimus oculis nostris, et perspeximus, el manus 103træ contrectaverunt, de verbo vitæ, et vita manifestata est, et vidimus et testamur, et annuntiamus vobis. (I Joan., 1, 1.)

(199) Latere nihil horum arbitror, neque enim in angulo quidquam horum gestum est. (Act. XXVI, 20.)

foule de disciples, quelquefois même d'adversaires. Ce n'est pas tout encore: ses apôtres qui publient les faits en ont souvent été eux-mêmes partie; ils y ont plusieurs fois joué un rôle actif. Par exemple, dans les deux miracles de la multiplication des pains, ce sont eux qui ont d'abord fait la distribution au peuple, et ensuite recueilli les restes. Jésus-Christ a fait marcher saint Pierre sur les eaux, il a fait porter à saint Thomas les mains dans ses plaies. Il est impossible de réunir plus de preuves de tout genre des miracles de Jésus-Christ, que n'en avaient les apôtres, et d'en avoir une certitude plus complète et plus fortement motivée. Elle est donc évidemment absurde, la supposition que quelques incrédules n'ont pas craint de hasarder, que les apôtres et les disciples ont pu être induits en erreur sur la réalité des faits qu'ils certifient.

V. Pour le soutenir, il faudrait prétendre qu'ils étaient insensés, qu'ils avaient l'esprit absolument aliéné. Mais en le prétendant il faudrait le prouver; il faudrait prouver, ce qui est plus incroyable encore, qu'étant tous fous, ils avaient tous le même genre, le même degré, le même objet de folie. C'est ce qui n'aurait été vu que cette seule fois depuis la création.

Cette supposition, que les apôtres avaient l'esprit aliéné, est si ridicule, que je ne crois pas qu'elle ait été produite par qui que ce soit. S'ils eussent été tels en attestant les miracles, ils l'eussent été toute leur vie, puisqu'ils n'ont pas cessé de les publier. Comment pourrait-il se faire que, dans tous les pays qu'ils ont parcourus, personne n'eût découvert la folie d'aucun d'eux? Que l'on cherche dans leurs actions, dans leurs paroles, les plus légères traces de cette absence d'esprit! On voit, au contraire, dans leur conduite, une tenue, une suite que ne peuvent pas avoir des insensés; on les voit dans les villes les plus éclairées, enseignant les hommes de toute condition, disputant contre les uns, convertissant les autres. La grandeur de leur entreprise, mais surtout son exécution, montre au moins la justesse de leur sens. Jamais harangues n'ont été couronnées d'un succès aussi éclatant. Si on veut prétendre que les premiers prédicateurs de l'Evangile étaient insensés, il faut soutenir que tous ceux qu'ils ont convertis, magistrats, savants, philosophes, étaient encore plus insensés qu'eux.

VI. « Mais, dit-on, les apôtres, s'ils n'étaient pas des insensés, étaient au moins d'une ignorance grossière. Une infatigable crédulité formait leur caractère. >>>

VII. Les apôtres étaient ignorants, à la bonne heure; mais étaient-ils sourds? étaient ils aveugles? Est-il nécessaire d'être savant pour être certain de faits palpables que l'on a sous les yeux? La science est-elle nécessaire pour être certain de ce que l'on voit continuellement pendant trois ans? Sur de tels faits, le témoignage d'un ignorant est d'un aussi grand poids que celui d'un philosophe. En accordant aux disciples de Jé

sus-Christ des sens sains et un esprit qui ne fût pas dérangé, on s'ote le droit de rejeter leur témoignage. Quel est le tribunal où on raisonne ainsi? Combien d'arrêts il faudrait casser, si on admettait que des témoins sont récusables sur un fait, parce qu'ils sont ignorants !

Les apôtres étaient ignorants quand ils voyaient les miracles de leur maître : l'étaient-ils de même quand ils les publiaient? J'aurai occasion de parler ailleurs de cette différence survenue dans leurs personnes. Mais que l'on considère toute l'histoire de leur vie, que l'on parcoure tous leurs discours: on verra s'ils étaient en effet, alors, de cette ignorance grossière qu'on leur suppose.

VIII. On attribue à une infatigable crédulité leur croyance des faits miraculeus. 1. En traitant du fait particulier de la résurrection, j'aurai occasion de les laver de ce reproche de crédulité. 2o Mais d'où auraitelle pu venir aux apôtres, cette crédulité sur les faits évangéliques? Ils étaient Juifs: les préjugés de leur naissance au sujet du Messie devaient les éloigner de croire un Messie pauvre et obscur. Il y a bien loin des idées judaïques sur le Messie, au Messie persécuté, en expirant dans le dernier supplice, qu'ils annoncent. En les supposant exempts de préjugés, la crédulité qu'on leur impute serait déjà plus qu'extraordinaire; maisavec les préjugés qu'ils devaient avoir, et dont ils conviennent qu'ils étaient imbus, elle est absolument impossible. De plus, la nouvelle doctrine qu'apportait Jésus-Christ, était absolument destructive de la religion dans laquelle ils avaient été élevés. Les deux religions ne pouvaient pas subsister ensemble. Il leur a donc fallu des preuves bien frappantes de la vérité de celle qu'ils embrassaient, pour quitter celle à laquelle ils étaient attachés. Ce n'est pas par crédulité que l'on dépose tous ses préjugés et tous ses principes. 3o Enfin, considérons que s'il est possible de faire croire à un homine simple des choses incroyables, éloignées delui, il est absurde de prétendre qu'on lui fait croire des faits palpables. tandis qu'il voit évidemment le contraire, de les lui faire croire continuellement et journellement pendant trois ans de suite; de les faire croire ainsi, non-seulement à un homme, mais à une troupe d'hommes ayant la plus légère dose de sens commun. On accorde qu'ils n'étaient pas insensés: il faut donc l'être soi-même pour leur attribuer une aussi déraisonnable cré

dulité.

IX. Les apôtres et les évangélistes n ont pu être induits en erreur sur les miracles de leur maître; mais n'ont-ils pas voulu y induire les autres? C'est ce qu'il s'agit d'exa-. miner.

X. Observons d'abord, avec saint Chrysostome, que dès qu'on admet, comme nous l'avons prouvé, que ces premiers disciples de Jésus-Christ n'avaient pas l'esprit aliéné, il est inconséquent de les accuser d'avoir

cherché à tromper le monde. L'entreprise seule de vouloir faire croire ces miracles qu'ils auraient su être faux, de vouloir les faire croire aux Juifs qui en auraient connu comme eux la fausseté, de vouloir les faire croire à tout l'univers païen qui en était si prodigieusement éloigné, eût été le comble de la folie, de la démence. Que l'on considère l'impossibilité du succès, si les miracles ne sont pas réels; la faiblesse des moyens, les peines et les fatigues auxquelles il fallait se dévouer, les risques évidents auxquels on se livrait nécessairement; il sera facile de sentir qu'il n'y a que des cervelles dérangées qui pussent même en concevoir le projet (200).

XI. Nous sommes accoutumés à regarder les fondateurs de la religion comme des personnages de la plus haute sainteté; mais sortons, pour un moment, de cette opinion. S'ils ne croyaient pas les miracles qu'ils publiaient, ils étaient des imposteurs, el des imposteurs du genre le plus criminel. L'objet de leur mensonge était d'anéantir la religion de leur pays, de détruire tout ce qui existait de religions dans l'univers, en apportant une religion nouvelle, qui avec toutes les autres, et

dont ils connaissaient la fausseté. Quelle entreprise plus impie que celle-là, plus abominable, soit dans l'ordre de la religion, soit dans l'ordre de la morale, plus punissable et dans cette vie et dans l'autre? Il faut ne pas croire en Dieu, pour en forger un au gré de son imagination; il faut n'avoir aucune crainte du vrai Dieu, pour en présenter un faux à l'univers. Ces prédicateurs de la foi étaient-ils des hommes sans conscience, des impies, des athées ? Ce

(200) Undenam illis in mentem venerit ut sperarent se totum orbem terræ posse vincere, si non vidissent Christum resurrexisse? Num in mentis excessu quippiam tale, et inconsiderate, et temere cogitarunt? Omnem quippe amentiam superat, absque Dei gratia tantam rem perfici posse sperare. Quomodo hoc effecerunt insanientes, et in mentis excessu, sin vero sanæ mentis erant, ut et res ipse probant? Quomodo, non acceptis ex cœlo fide diguis pignoribus, et supernam non adepti gratiam, ausi essent ad tanta exigere bella, in terra et in mari suscipienda, et ad mutandos totius orbis mores tanto tempore contirmatos, homines duodecim se accingere ausi fuerint, et fortiter stare? (S. JOAN. CHRYSOST., in primam Epist. ad Cor., hom. 5, н. 3.)

(201) Vir autem de prestig is prorsus intentus, et plane desperatis rebus omne suum studium impendens, nonne vel imprudens ipse de seipso indicio sit, quod infandis moribus, quod scelestus, quod obscenus, quod religionis inimicus, quod injustus, quod impius? Quis vero talis sit, unde et quomodo ea quæ ad religionem pertinent, alios doceat? Quomodo item quæ ad temperantiam, quæ ad Dei cognitionem, quæ ad divinum forum, ac judicium summi Dei? Nonne his omnibus contraria potius commendet ac præferat, suæ ipsius nequitiæ consentanea perpetrans? Nonne Deum, Deique providentiam, ác Dei judicium neget? Nonne omnia de virtute, omnia de immortalitate animæ verba irrideat? Quod si quid tale etiam in iis quæ ad Salva torem, Dominumque nostrum pertinent intueri li

serait à ceux qui le prétendent à le prouver. Dans toute espèce de justice, l'accusateur est tenu à la preuve. Les ennemis des apôtres n'en peuvent apporter aucune de l'imposture dont ils les accusent; leur seule raison est que les apôtres ont menti ausujet des miracles de leur maître. Ainsi ils ne donnent d'autre preuve de la scélératesse des apôtres, que la publication des miracles; et de la fausseté des miracles, que la scélératesse des apôtres.

Nous pourrions nous en tenir là. L'impuissance de prouver l'accusation suffirait pour la faire tomber. Mais, si on ne peut appuyer d'aucune raison cette grave accusation, démontrons-en la fausseté; montrons que, soit qu'on examine les écrits des apotres, soit que l'on considère leur conduite, tout repousse jusqu'au soupçon du crime dont on veut les charger.

XII. Je cherche d'abord dans ce qu'ils ont écrit quelque fondement à cette accusation d'impiété, et j'y trouve absolument le contraire. Si les écrivains sacrés étaient des imposteurs, des impies, présenteraient-ils dans leurs évangiles le système de religion qui donne la plus sublime idée de la divinité, qui porte le plus efficacement les hommes à la chérir par la contemplation de ses immenses bienfaits, à la redouter par l'expectative de ses terribles châtiments? Montreraient-ils le zèle qu'on voit briller partout à former les hommes à la piété la plus solide et la plus affectueuse (201)? Si les écrivains sacrés étaient des imposteurs, des hommes immoraux, publieraient-ils le code de morale le plus entier, le plus pur, le plus parfait que le monde ait jamais reçu (202), un code de morale si saint, que

cuisset, nihil sane fuisset dicendum. At vero, cum in singulis rebus et verbis universi opificem Deum patrem invocasse solitum constet, talesque quos in disciplinam acciperet comparasse, cum, et ipse temperans fuerit, el verborum quæ ad temperantiam pertinent præceptor, cum auctor prædicatorque veritatis, humanitatis, virtutis universe, com religionis dux et magister, quæ omnium regem Deum colit, cur non his consentaneum sit putare, nihil horum quæ in illo admiramur, ab ille per dolam præstigiarum, aut per fallaciam gestum? (EUSEB., Demonst. evang., lib. m.)

(202) Pulchra profecto nostra decipiendi ratio : quippe qui facimus ut ex intemperantibus tempe rantes fiant, aut studeant temperantiæ: ex injustis justi sint, aut ad justitiam tendant; ex inprudentibus evadant prudentes, aut viam prudenie sectentur; ex timidis, ignavis, imbecillis, animost sint et fortes, qui virtute tunc præsertim eminent, dum ad pietatem erga Deum omnium conditorem servandam decertant. (ORIGEN., contra Cels., lib. 11, n. 79.) - Quæ enim per Dei gratiam recte agere potuerunt publicani et piscatores, hæc philosophi, tyranni, et, ut ita dicam, totus orbis innumera cir cumcurrens, ne imaginari quidem potuit. Quid enim crux non induxit? De immortalitate anme sententiam, de resurrectione corporum, de despectu præsentium, et de futurorum desiderio homines angelos fecit: et omnes ubique philosophantur, ubique virtutem exhibent., (S. JOAN. CHRYSOST., in Epist. primam ad Cor., hom. 4, n. 3.)

les incrédules eux-mêmes sont forcés de le respecter et de l'admirer? Si les écrivains sacrés étaient des imposteurs, des fourbes, oseraient-ils prêcher continuellementlasincérité, l'horreur du mensonge, annoncer un Dieu qui lit jusqu'au fond des cœurs, présenter leur maître tonnant contre l'hypocrisie? Voilà, il faut l'avouer, des criminels d'une espèce que l'on n'a jamais vue et que l'on ne verra jamais; qui parlent et écrivent sans cesse, et sans jamais se trahir, contre toutes leurs idées, contre toutes leurs affections, et qui emploient leur scélératesse à rendre l'univers vertueux, et tous leurs efforts à y établir solidement les vertus diamétralement opposées à leurs

vices.

XIII. De leurs écrits je passe à leur conduite personnelle, et j'examine si elle est en opposition avec leurs principes. Que l'on nous dise quelle est la vertu la plus sublime, la plus pénible, dont, en apportant le précepte, ils ne présentent pas l'exemple (203)? Ils prêchent le mépris des richesses; et, pour suivre Jésus-Christ, ils ont tout quilté (204); et leur pauvreté est telle, qu'au lieu des rudes travaux de Tapostolat, ils sont obligés de travailler encore de leurs mains pour obtenir leur subsistance. Ils prêchent la mortification et on ne peut contempler sans effroi tout ce qu'ils ont à souffrir de maux de tout genre dans leur laborieuse carrière; ils prêchent l'humilité, et, soit dans leurs plus brillants succès, soit

am

(203) Quis igitur mentis sanitate præditus, non ab illis protinus argumentans omni fide dignos illos judicaverit! Viros quidem absque controversia ignobiles, litterarumque ignaros, loquendique imperitos: at in sanctæ ac philosophicæ doctrinæ amorem progressos; et strenuam laboriosamque vitam plexos : quam quidem inedia et abstinentia, tum a vino, tum a carnibus plurimis, item affectionibus corporis atque orationibus supplicationibusque ad Deum, ac multo prius summa temperantia, et castitate corporis pariter atque a..imi, corruxerint. (EUSEB., Demonst. evang., lib. m.) - < Eorum virtutis fuit quod donum tantum retinerent. Vitam quippe sanctitate conspicuam ducebant; multamque sapientiam exhibebant labores magnos: vitam præsentem contemnebant; humana nihili pendebant; sed superiores omnibus fuere; ac, sicut aquilæ leves in altum volantes, operibus ad ipsum cælum pertingebant. (S. JOAN. CHRYS., in Joan.,thom. 25, al. 22, n. 3.)

(204) Apostoli de piscatione lacus Genesareth ad piscationem hominum transierunt. Tunc habentes patrem, rete, naviculam, secuti Dominum, omnia reliquerunt, portantes quotidie crucem suam et ne virgam quidem in manu habentes. (S. HIERONYMUS, epist. 95, ad Rufinum monachum.)

(205) Vide quam a fastu alieni sint apostoli, et quam philosophi. Non circumeuntes se venditant, nec dicunt quo pacto sacerdotes coafutarint; neque narrando vanam gloriam captarunt; sed venientes, ea quæ a senioribus audierant, simpliciter denuntiant. Hinc discimus ipsos non sese in tentationes injecisse, sed eas quæ inferebantur, fortiter tulisse. Alius vero, quisquis fuisset, forte multitudine fretus, contumelias etiam protulisset, ac sexcenta gravia locutus esset. At non hi philosophi, sed omnia mansuete et benigne. (S. JOANN. CHRYSOST., in Act., homil. 11, n. 2.) - Credant potius apostolos no

dans leurs plus rudes contradictions, on ne
voit pas en eux un moment de jactance (205);
souvent obligés de se justifier, ils ne se van-
tent jamais. Ils prêchent le pardon des in-
jures, et continuellement calomniés, persé-
cutés, jamais il ne leur échappe une parole
de ressentiment, ils ne se permettent pas
même une plainte. Ils prêchent la sincérité
(et c'est la vertu dont il s'agit specialement
ici), et leur candeur est si entière, qu'ils
racontent eux-mêmes leurs défauts et leurs
fautes; leur ignorance, qui ne leur permet-
tait pas de comprendre ce que Jésus-Christ
leur disait de plus clair; leur ambition, qui
les faisait aspirer à des grandeurs; leur ja-
lousie, qui les mettait en rivalité pour les
places du royaume attendu; leur lâcheté,
qui leur fait à tous abandonner leur maître,
et qui le fait ensuite plus honteusement
encore renier par leur chef; leur incrédu-
lité, leur lenteur à croire ce que leur divin
maître avait prédit. Nous ignorerions tou-
tes ces faiblesses, si eux-mêmes ne les
rapportaient pas, et ils les rapportent spon-
tanément, sans que rien les y oblige, sans
que ce récit soit nécessaire à la suite de
leur histoire (206). Et ce sont des hommes
qui présentent un trait d'ingénuité aussi
éclatant, dont on ne connaît peut-être aucun
autre exemple, que l'on accuse de fourbe-
riel ce sont des hommes qui se montrent,
dans toutes les circonstances, des modèles
de toutes les vertus dont on veut faire des
monstres de scélératesse (207) 1

stros, nec cum suspicerentur ab hominibus inflatos
fuisse, nec cum despicerentur elisos. Neutra quippe
tentatio defuit illis viris. Nam et credentium cele-
brabantur præconiis, et persequentium maledictus
infamabantur. (S. AUG., De doctrina Christ., lib. 1,
cap. 20, n. 29.)

(206) Addidit Celsus: Discipulos Jesu, cum in re manifesta dissimulare nil possint, id excogitasse, ut dicerent ipsi præcognita fuisse omnia. At vero non animadvertit aut advertere noluit, ad seriptorum illorum sinceritatem, qui fateantur ipsis a Jesu prædictum fuisse: Omnes vos scandalizabimini in me in nocte ista; seque revera fuisse scandalizatos: hoc etiam fuisse prædictum Petro: Antequam gallus cantet, ter me negabis; terque negasse Petrum. Nisi enim sinceri et bona fide fuissent, sed, quod putat Celsus, figmenta scripsissent, de abnegatione Petri, de discipulorum scandalo, nunquam fecissent mentionem. Nam etsi hæc acciderint, quis ita accidisse probasset? (ORIGEN, contra Celsum, lib. 11, n. 15.)

Tu vero, ut hic vidisti illorum imperfectio

et

nem, sic disce illorum philosophicam mentem, veracitatem mirare; quomodo nempe scribentes, stupiditatem suam, etsi maguam, non occultent. › (S. JOAN. CHRYSOST, in Matth., hom. 53, al. 54, n. 1.) -Perpende autem quam vere loquantur apostoli, qui nec sua, nec aliena vitia occultent; sed veracissime scribant. (Idem, in Joan., homil. 87, al. 86, n.1.)

(207) Qui vero tales viros fictionibus usos ac mentitos putant, et tanquam impostores infamiis probrisque notare conantur, cur non ipsi potius et ridiculi sunt, et odio invidiaque digni, tanquam omnis veritatis inimici habentur. Qui quidem viros. ob omni malitia alienos, tumque sine fuco, vereque sincerum animum in suis scriptis præ se ferentes, malitiosos quosdam et callidos audent fingere sophistas, tanquam eos qui quidquid scripserint, commenti sint, et suo præceptori, quæ ille nunquam

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