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les pieds (304). Ce fut la seconde apparition. Alors toutes ces femmes se réumirent pour attester aux apôtres la résurrection; mais ils ne la crurent pas encore (305). Tel est l'ordre des apparitions de Jésus-Christ aux saintes femmes.

Il apparut pour la troisième fois le même jour à saint Pierre. Saint Luc en fait mention, et saint Paul aussi, mais ils ne donnent aucun détail (306): La quatrième apparition fut faite à deux disciples sur le chemin d'Emmaüs. Saint Marc en dit un mot, et saint Luc la rapporte avec détail (307).

Malgré tous les rapports qui leur venaient de tant de côtés non suspects, les apôtres ne voulaient pas encore croire la résurrection de leur maître; mais il apparut à euxmêmes réunis dans le Cénacle, leur parla, leur reprocha leur incrédulité, leur conféra le pouvoir de remettre les péchés, se fit toucher par eux, mangea avec eux, leur fit connaître toutes les Ecritures qui annonçaient sa passion et sa résurrection, et les convainquit ainsi qu'il était pleinement ressuscité (308). Ce sont là toutes les apparilions de ce premier jour.

Saint Thomas n'était pas avec les autres apôtres ce jour-là, quand Jésus-Christ se montra à eux. Il ne voulut pas ajouter foi à leur récit unanime. Huit jours après JésusChrist convainquit son incrédulité, en apparaissant au moment où il était avec tous les autres, et en lui faisant mettre les doigts dans ses plaies (309).

Outre ces six apparitions, les évangélistes font encore mention de plusieurs autres. Saint Jean dit que la troisième, faite aux disciples réunis, laquelle se trouverait être la septième de toutes, fut sur le bord de la mer Tibériade. Là se fit une pêche miraculeuse; Jésus mangea avec ses disciples, et donna à saint Pierre le pouvoir de paître son troupeau (310). Saint Matthieu fait mention d'une autre apparition sur une montagne de Galilée (311). Enfin, saint Matthieu, saint Marc et saint Luc parlent de la dernière, au moment de l'ascension, où Jésus donna aux apôtres ses derniers ordres, et leur conféra ses pleins pouvoirs (312).

Mais il ne faut pas croire que ce soient là toutes les apparitions de Jésus-Christ entre sa résurrection et son ascension. Saint Paul fait mention d'une, dont furent témoins plus de cinq cents frères; d'une autre à saint Jacques en particulier, et encore d'une autre à tous les apôtres (313). Et nous lisons au livre des Actes, que pendant quarante jours après sa passion, Jésus se montra vi

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vant à ses apôtres dans beaucoup d'occasions, leur apparaissant et les entretenant du royaume de Dieu (314). Ce qui suppose que pendant ce temps il vécut beaucoup avec eux, et se fit voir à eux très-fréquemment.

Le développement que nous venons de donner, nécessaire pour éclaircir ce que la différence des relations présente d'obscur, l'était aussi pour répondre à une grande partie des objections de l'incrédulité contre le fait de la résurrection, auxquelles nous allons passer.

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XLIII. On nous oppose d'abord l'embaumement du corps de Jésus-Christ. Si les disciples, dit-on, savaient qu'il devait ressusciter au bout de trois jours, s'il l'avait publiquement prédit, si les Juifs eux-mêmes en étaient informés, de quelle utilité était-il d'embaumer son corps? D'ailleurs il y a, à cet égard, de la contradiction entre les récits des évangélistes. Selon saint Jean, Jésus-Christ, détaché de la croix, fut enseveli et embaumé par Joseph d'Arimathie et par Nicodème, Saint Matthieu, saint Marc et saint Luc, disent que cela se fit en présence des femmes venues de Galilée avec Jésus. Saint Matthieu, saint Marc, nomment spécialement Marie-Madeleine, et une autre Marie, qui était mère de Joseph. Cependant saint Marc et saint Luc font revenir ces mêmes femmes le lendemain du sabbat, pour embaumer le corps. Il faut que ces évangélistes aient manqué de mémoire. >>>

XLIV. Il est vrai que Jésus-Christ avait prédit à plusieurs reprises sa résurrection; mais, en rapportant ses prophéties, les auteurs sacrés observent qu'elles ne furent pas comprises par les apôtres (315). Et saint Jean dit que, même après la résurrection, les apôtres ne connaissaient pas encore l'Ecriture d'après laquelle le Christ devait ressusciter (316). Il n'est pas étonnant que des paroles qu'ils n'avaient pas comprises ne les eussent pas frappés, et que, dans leur douleur, ils les eussent oubliées. Les prêtres et les docteurs étaient plus intelligents qu'eux; et, éveillés par leur haine, ils se rappelaient les prédictions de JésusChrist, pour empêcher qu'on ne leur donnåt de la suite. Ce fut ce qui leur fit demander des gardes. L'enbaumement de Jésus-Christ entrait dans les desseins de la Providence; il servait à deux choses, ainsi que nous l'avons dit: 1o à constater la mort de Jésus-Christ contre les doutes que les incrédules pourraient élever; 2o à prévenir l'objection ou ils devaient proposer, que les

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(312) Matth. xxII, 18, 19, 20; Marc. xv1, 25 9.)

el seq.; Luc. xxiv, 50.

۲

disciples du Sauveur étaient préoccupés de l'idée de sa résurrection.

Nous avons répondu dans l'exposition des circonstances à la contradiction que l'on trouve dans la conduite des saintes femmes qui, ayant vu embaumer leur maître le vendredi, venaient encore le dimanche pour l'embaumer. On confond deux choses différentes; la sépulture faite d'abord par Jo. seph d'Arimathie seul, et l'embaumement fait ensuite par lui, conjointement avec Nicodème, quand celui-ci eut apporté les aromates. Saint Matthieu, saint Marc et saint Luc ne font mention que de la sépulture; el c'est à cette action que furent présentes les femmes. Saint Jean, le seul qui parle dés parfums apportés par Nicodème et de l'embaumement fait alors, ne dit pas un mot de la présence des femmes. Ainsi, elles savaient où Jésus avait été enseveli, elles ignoraient qu'il eût été embaumé.

XLV. On prétend que les évangélistes se contredisent dans leurs récits des visites faites au tombeau par les saintes femmes. << Saint Matthieu, dit-on, rapporte que ce furent seulement Marie-Madeleine et une aure Marie qui y allèrent. Saint Marc dit qu'il y en eut trois, qu'il nomme Marie-Madeleine, Marie, mère de Jacques et Salomé. Saint Luc raconte que ce furent toutes les femmes qui de la Galilée avaient suivi Jésus-Christ. Il fait mention d'une d'elles nommée Jeanne. Selon saint Jean, il n'y avait que Madeleine. Lequel croire? >>>

XLVI. Il n'est pas vrai que les évangélistes disent que ce furent seulement les femmes qu'ils nomment qui allèrent le dimanche matin au tombeau; ils disent que ces femmes y allèrent, et c'est tout autre chose. Nous avons déjà remarqué qu'aucun des évangélistes ne rapporte la totalité des circonstances de la résurrection du Sauveur et de ses apparitions. Il en est de cette circonstance comme des autres. Chacun d'eux nomme quelques-unes des femmes: ils ne les nomment pas toutes. Il pouvait avec celles qu'ils nomment y en avoir d'autres. Nous en avons la preuve formelle dans le récit de saint Jean: il ne fait mention que de Marie - Madeleine; mais la suite de sa narration montre qu'elle n'était pas seule. Cette femme étant allée avertir saint Pierre et lui dire qu'on avait enlevé le corps de son maître, ajouta: et nous ne savons pas où ils l'ont mis (317). Ce mot nous suppose évidemment qu'ils étaient plusieurs. Les évangélistes ont fait comme saint Jean; ils n'ont pas dit toutes les personnes qui étaient au tombeau, ils en ont nommé une partie. Peut-être chacun d'eux a-t-il fait mention de celles de qui en particulier il tient le fait.

XLVII. Voici une autre prétendue contradiction. « Saint Jean dit que lorsque Madeleine vint au tombeau, il faisait encore nuit. Mais saint Marc dit qu'elle y vint avec ses compagnes, le soleil étant déjà levé; et

saint Luc, que les femmes y vinrent à la petite pointe du jour. »

XLVIII. Tout cela se concilie encore aisément. Saint Marc rapporte que les saintes femmes achetèrent leurs parfums lorsque le jour du sabbat fut passé, c'est-à-dire dans la nuit du samedi au dimanche; elles se disposèrent et se mirent en mouvement avant le jour, pour se rendre au tombeau; mais avant qu'elles se fussent rassemblées, que tout ce qu'elles apportaient fût préparé et qu'elles fussent arrivées, le jour avait paru. Saint Jean parle du moment où elles partirent; les deux autres, de celui où elles arrivèrent.

XLIX. « On objecte encore que saint Matthieu et saint Marc ne font mention que d'un seul ange, appelé par celui-ci un jeune homme. Selon saint Matthieu il était assis sur la pierre ôtée du tombeau; selon saint Marc il était dans l'intérieur: mais saint Luc et saint Jean assurent positivement qu'il y avait deux anges. >>

L. Saint Matthieu rapporte que l'ange était assis sur la pierre quand il épouvanta les soldats; mais Marc, qu'il était dans l'intérieur du tombeau quand les femmes ar riverent. Quelle contradiction y a-t-il là?

Il n'y en a pas plus, en ce que saint Matthieu et saint Marc, parlant d'un seul ange, saint Jean et saint Luc font mention de deux. D'abord ce serait une bien légère contrariété que celle-là; il s'ensuivrait seulement que les évangélistes auraient parlé des anges comme des saintes femmes, et qu'ils n'en auraient dit qu'un, lors même qu'il y en avait plusieurs. Ensuite il paraît que les anges tantôt se montraient, tantôt se rendaient invisibles, tantôt se présentaient sous une forme, tantôt se produisaient sous une autre. Quand l'ange apparaît aux soldats, son aspect est terrible, dit saint Matthieu. Quand il se fait voir aux saintes femmes, c'est, selon saint Marc, sous la ressemblance d'un jeune homme revêtu d'une robe blanche. Lorsque saint Pierre et saint Jean viennent au lombeau, ils ne voient point les anges, quoiqu'ils eussent été vus auparavant par les saintes femmes, et qu'ils l'aient été ensuite par Madeleine. Il est de même très-possible qu'il s'en soit présenté tantôt deux, tantôt un seul.

LI. « Saint Matthieu, ajoute-t-on, dit que Jésus se fit voir à Madeleine et à une autre Marie; saint Luc, qu'il se montra aux femmes qui étaient venues avec lui de Galilée; saint Marc et saint Jean, qu'il apparut seulement à Madeleine; ce dernier ajoute qu'il défendit à Madeleine de le toucher; tandis que saint Matthieu rapporte que Madeleine et l'autre Marie lui baisèrent les pieds et l'adorèrent. >>>

LII. Nous avons répondu à cette difficulté en exposant les deux différentes apparitions de Jésus-Christ; la première à Marie-Madeleine seule; c'est celle dont parlent saint Marc et saint Jean; la seconde aux femmes; c'est celle que rapportent saint Matthieu,

(317) Tulerunt Dominum meum de monumento; et nescimus ubi posuerunt eun. (Joan. xx, 2

qui ne dit pas quelles elles étaient, et saint Luc, qui entre dans un peu plus de détail. Ces deux évangélistes ne parlent pas de la particularité que Madeleine était allée avertir saint Pierre et saint Jean, ce qui l'avait séparée des autres femmes; mais ils ne la contredisent pas.

C'est à Madeleine que Jésus-Christ dit de ne pas le toucher; c'est aux autres femmes qu'il permet de baiser ses pieds. Il ne veut pas que Madeleine le touche, c'est à-dire qu'elle l'arrête; et la raison qu'il on donne, est qu'il ne remonte pas encore auprès de son Père; voulant par là lui faire entendre qu'elle aurait le temps de le revoir. Le motif qui l'engage à ne pas s'arrêter avec Madeleine est peut-être l'empressement de semontrer aux autres femmes qui étaient en chemin pour la ville, à qui il voulait se faire voir aussi avant qu'elles arrivassent, afin qu'elles pussent prévenir les apôtres.

Lili.« On lit: c'est encore une difficulté des adversaires, dans saint Matthieu et dans saint Luc, que les femmes allèrent rapporter aux apôtres ce qu'elles avaient vu. Saint Marc nous apprend au contraire, qu'épouvantées par l'ange, elles s'enfuirent, et que telle était leur frayeur, qu'elles ne parlèrent à personne. »

LIV. Čes deux relations se concilient encore en distinguant les temps. D'abord, les saintes femmes effrayées, comme il est aisé de le croire, de l'apparition d'un ange, s'enfuirent; et, bien qu'elles rencontrassent des personnes de connaissance, elles ne leur dirent pas ce qu'elles venaient de voir; mais lorsque dans la suite de leur route elles eurent vu Jésus-Christ lui-même qui se fit reconnaître à elles, rassurées par sa présence, et de plus en recevant de lui l'ordre, elles allèrent trouver les apôtres et les instruire de la résurrection.

LV. « Selon saint Matthieu, ajoute-t-on, Jésus-Christ fait dire aux apôtres par les femmes qu'il va se rendre en Galilée et qu'il leur ordonne de s'y trouver. Selon saint Jean, il leur fait annoncer par Madeleine qu'il remonte vers son Père. >>>

LVI. Jésus-Christ ne se contrarie pas dans ces deux avis qu'il fait donner successivement aux apotres. Dire, je remonte vers mon Père, n'est pas déclarer qu'il y monte dans le moment présent. C'est une manière de parler, usitée et nullement impropre, de dire qu'on va à tel endroit quand on doit y aller bientôt.

LVII. « Que prouvent, poursuit-on, des apparitions dans lesquelles Jésus-Christ n'a pas été reconnu d'abord? Nous voyons Madeleine le prendre pour un jardinier; et les

deux disciples d'Emmaüs voyagèrent avec lui longtemps sans le connaître. »

(318) Et quomodo, inquiunt, non cognoscebant eum in itinere, si ipsum habebat corpus quod ante habuit ? Audi Scripturam dicentem: Oculi corum tenebantur ne eum agnoscerent; et rursum : Aperti sunt oculi eorum, et cognoverunt eum. Nunquid alius fuit quando non agnoscebatur, et alius quando agnitus est? Certe unus atque idem crat. Cognoscere igitur, et non cognoscere, oculorum fuit, non ejus qui videbatur, licet et ipsius fuerit. OEUVRES COMPL. DE LA LUZERNE. 1.

LVIII. Observons les contradictions entre les diverses objections des incrédules. Tantôt ils taxent les disciples d'une exces sive crédulité, tantôt ils argumentent de leur lenteur à croire.

Il n'est pas étonnant que Madeleine, toute troublée de l'apparition d'un ange, encore prévenue qu'on avait enlevé son maître, ne l'ait pas reconnu à l'instant où elle s'est retournée. Il est même possible qu'elle ne l'eût pas regardé en face; mais cette erreur d'un seul moment est réparée, aussitôt que Jésus l'appelle par son nom.

Quant aux disciples d'Emmaüs, il paraît que l'intention de Jésus-Christ était de les instruire avant de se faire connaître à eux, et de leur montrer, par les Ecritures, qu'il devait ressusciter avant de les en rendre témoins. C'est pour cela que, comme l'observe l'évangéliste, leurs yeux étaient fascinés; mais l'illusion fut dissipée, et ils le reconn reconnurent pleinement au moment du repas et lorsqu'il eut terminé ses instructions (318). Voilà toutes les objections que je connais relatives aux apparitions faites aux saintes femmes, soit par les anges, soit par JésusChrist lui-même. On en propose aussi plusieurs autres sur les apparitions faites aux disciples.

LIX. « Selon saint Matthieu, saint Marc et saint Luc (celui-ci dans son Evangile), l'apparition dans laquelle Jésus-Christ se fit voir à tous ses apôtres, fut la dernière où ils le virent. Saint Marc (le dit même positivement; mais saint Jean, saint Paul et saint Luc lui-même, dans les Actes des apôtres, font mention de plusieurs autres apparitions. Saint Matthien place la scène de cette dernière apparition sur une montagne en Galilée, où Jésus avait fixé le rendez-vous pour le soir de sa résurrection. Saint Mare et saint Luc la mettent à Jérusalem, et disent, qu'immédiatement après, Jésus-Christ fut transporté dans les cieux. Cependant le même saint Luc dit, dans les Actes des apo tres, que Jésus continua pendant quarante jours à se faire voir à ses disciples. On voit encore entre saint Matthieu et saint Marc d'une part, et saint Luc de l'autre, une op position. Les deux premiers disent que Jé sus fit ordonner à ses disciples de se trouver sur une montagne de Galilée: le troisième, au contraire, qu'il leur défendit de sortir de Jérusalem. >>>

LX. Toutes ces difficultés portent ou sur ce que l'on attribue aux évangélistes ce qu'ils n'ont pas dit, ou sur ce que l'on confond les diverses circonstances dont ils ont parlé.. Oculos enim tenebatcorum, ne agnoscerent; denique, ut scias errorem qui versabatur in medio, non corporis Domini, sed oculorum fuisse clausorum; aperti sunt oculi eorum, inquit, et cognoverunt eum. Unde et Maria Magdalene, quando non cognoscebat Jesum, et vivum quærebat inter mortuos, hortulanum putabat. Agnoscit, et Dominum vocat. (S. HIERONYM., epist. 37, ad Pammachium).

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1o Il n'est pas vrai que les trois premiers évangélistes disent que la première apparition de Jésus-Christ fut aussi la dernière. A la vérité ils ne distinguent pas les diverses apparitions du Sauveur; ils mettent ensemble des choses qu'il a dites dans plusieurs occasions. Nous avons observé que c'est la manière des évangélistes, et qu'ils ne s'attachent ni à rapporter tous les faits, ni à les rendre dans l'ordre où ils se sont passés Saint Marc dit, il est vrai, qu'en dernier lieu Jésus-Christ apparut aux onze; mais il veut dire seulement que ce fut la dernière apparition du jour de la résurrection. C'est après avoir parlé de celles faites le même jour à Madeleine et aux disciples d'Emmaüs, qu'il dit que Jésus se montre enfin aux onze qui étaient à table. Il parle de la même apparition on que rapporte saint Jean, et il ne le contredit pas. Saint Matthieu mentionne spécialement l'apparition sur la montagne de Galilée. Saint Marc et saint Luc rapportent colle faite dans le Cénacle; mais ais aucun d'eux ne dit que celle qu'il raconte ait été l'unique. C'est un bien vicieux raisonnement que celui-ci: trois évangélistes n'énoncent qu'une apparition; donc ils contredisent le quatrième, qui en rapporte plusieurs.

2o Ce que nous venons de dire répond à ce qu'on nous objecte: que saint Marc et saint Luc disent que cette unique apparition précéda immédiatement le retour de Jésus-Christ dans les cieux. Ces deux écrivains sacrés, après avoir rapporté plusieurs discours tenus par Jésus-Christ ressuscité, racontent son ascension; mais ils ne disent ni que tous ces discours aient été tenus par Jui dans la même occasion, ni qu'ils aient immédiatement précédé l'ascension. Le Sauveur a pu très-bien les tenir dans différents temps.

3o L'ordre donné aux apôtres de se rendre sur une montagne de Galilée, est du jour même de la résurrection; celui de ne pas sortir de Jérusalem est du jour de l'ascension. Le premier avait pour objet de faire voir Jésus-Christ à ses apôtres. L'objet du second était de les réunir, pour recevoir tous ensemble le Saint-Esprit. Le premier était exécuté, avant que le second ne fûidonné. LXI. « On dit encore que l'apparition du soir de la résurrection se fit les portes fermées. Jésus-Christ avait done un corps immatériel ou incorporel. Qu'on nous explique ce que c'est. Cependant cet esprit avait des plaies, était palpable, prenait de la nourriture: ce ne pouvait donc être un être fantastique, et ses apparitions de pures ilJusions des sens. >>>

LXII. Supposons, quoique l'évangéliste n'en dise rien, que les portes du Cénacle ne s'ouvrirent pas à l'entrée de Jésus-Christ; peut-on disputer à Dieu le pouvoir de faire

(319) Nec nos moveat quod clausis ostiis subito eum apparuisse discipulis suis scriptum est; ut propterea negemus illud fuisse corpus humanum, quia contra naturam hujus corporis videmus

passer un corps d'un lien à un autre a iravers d'autres corps? Il n'est pas nécessaire, pour expliquer ce prodige, de recourir à l'idée d'un corps incorporel. La toute-puissance de Dieu; voilà la vraie et la seule raison à donner d'un fait miraculeux (319).

Nous avons répondu ailleurs à l'absurde supposition d'un corps fantastique (320). Contentons-nous d'observer combien elle est contradictoire et ridicule dans la bouche d'un incrédule.

LXIII. « Les apparitions dont parle saint Paul, ajoute-t-on, n'ont pas été vues par luimême, il n'en parle que sur des oui-dire. On sait qu'il n'avait vu Jésus-Christ que dans une vision; il en était peut-être de même des apôtres et des disciples; ils étaient Juifs et enthousiastes, et par conséquent sujets à rèver, mème étant éveillés. »

LXIV. Ce seraient de singuliers rêves qu'auraient eus à la fois, dans le même moment, dans le même lieu, de la même manière, tantôt une, tantôt deux, tantôt onze, tantôt plus de cinq cents personnes. La supposition d'une telle uniformité de rèveries, n'est-elle pas elle-même une rêverie bien ridicule ?

Ce n'est pas une vision que saint Paul eut de Jésus-Christ; c'est lorsqu'il était sur le chemin de Damas avec d'autres personnes. Jésus-Christ l'a renversé, lui a parlé, l'a rendu aveugle, l'a fait guérir par Ananie. Tout cela peut-il être un rêve?

Les apparitions de Jésus-Christ ressuscité, dont parle saint Paul, il les avait apprises des apôtres et des autres témoins oculaires. Si son récit eût été contraire à co que les témoins lui avaient rapporté, ces personnes encore vivantes n'auraient pas inanqué de le contredire.

LXV. « Qui est-ce, dit-on de plus, qui peut attester ce que personne n'a vu? La résurrection n'a eu aucun témoin. Personne ne s'y est trouvé. Les femmes, les apôtres, n'y sont venus qu'après le temps où l'on dit que Jésus-Christ était ressuscité; les gardes même ne l'ont pas vu; ils ont, dit-on, été effrayés par l'apparition d'un ange. Et pour quoi les effrayer? Jésus-Christ craignait-il leur présence pour sortir du tombeau? Il eût été bien plus convenable, bien plus utite pour la foi de l'événement, qu'il se fût passé devant eux, et qu'ils fussent en état de confirmer par leur récit le témo guage des apôtres. Un fait aussi essentiel pouvait-il avoir trop de témoins?»

LXVI. Je vous ai vu malade, ou j'ai su positivement que vous l'étiez; je vous vois ensuite en pleine santé; puis-je douter que vous n'ayez été guéri? Est-il nécessaire, pour en être persuadé, que j'aie assisté à votre guérison? Il en est de même ici. Les apôtres étaient très-certains de la mort de leur Maître. Saint Jean l'avait même vu ex

esse, per ostia clausa intrare. Omnia enim possibilia sunt Deo. (S. AUGUST., De Agon. Christ., сар. 24, п. 26.)

(320) Voyez ci-dessus, n. XIX.

pirer, et probablement il n'était pas le seul. Ils ont vu ensuite leur Maître vivant: ils ont eu toute la certitude possible qu'il était ressuscité.

Il aurait été, dit-on, convenable que les gardes l'eussent vu ressusciter: il ne peut y avoir trop de témoins d'un fait aussi essentiel. Il aurait donc fallu aussi que le Sanhédrin, que tous les habitants de Jérusalem y eussent été appelés.

Nous ignorons si, en même temps que les gardes ontvu l'ange écarter la pierre du tombeau, ils ont vu aussi Jésus-Christ en sortir. Le texte sacré ne fait aucune mention de cette circonstance. Il est possible que la terreur où étaient les gardes les ait empêchés de rien voir. Mais, après leur frayeur, demander si Jésus-Christ a craint de ressusciter en leur présence, est une absurdité. L'objet de cette terreur, imprimée à la soldatesque, est facile à apercevoir: c'est de laisser l'accès du tombeau libre aux saintes femmes et aux apôtres. Aucun disciple n'eût osé en approcher, s'il l'eût vu environné de soldats. Au lieu de trouver extraordinaire la marche de la Providence,

on doit, au contraire, en admirer la sagesse :
elle a voulu préparer par degrés les témoins
de la résurrection, à apprendre ce grand
événement dont ils devaient un jour ins-
truire l'univers. C'est dans cette vue qu'elle
a fait écarter les gardes, qu'elle a ensuite
fait voir aux saintes femmes, et à saint
Pierre, et à saint Jean, le tombeau vide, les
linges laissés et pliés; qu'elle a fait avertir
les femmes de sa résurrection par les
atiges. Ce n'est qu'après toutes ces précau-
tions que Jésus-Christ s'est montré à elles;
qu'après avoir fait savoir sa résurrection
aux apôtres par elles, par les disciples
d'Emmaüs, par saint Pierre, qu'il s'est enfin
fait voir à eux tous, qu'il leur a parlé, qu'il
s'est fait toucher par eux pour leur ôter
toute espèce de doute. Par bonté pour eux,
Jésus-Christ a voulu prévenir le trouble où
les aurait jetés son apparition subite et en-
tièrement inattendue. Par prévoyance pour
nous, il a voulu qu'on ne pût jamais penser
que sa résurrection avait été crue légère-
ment et avec précipitation.

LXVII. Autre objection. « C'était, selon les prédications de Jésus-Christ, après trois jours et trois nuits, qu'il devait ressusciter. Au lieu de cela, c'est le troisième jour qu'il ressuscite, n'étant resté mort qu'une seule

(321) Voyez ci-dessus, note 256. (322) Et cœpit docere eos quoniam oportet filium hominis pati multa, et reprobari a senioribus, et a summis sacerdotibus et scribis, et occidi, et post tres dies resurgere. (Marc. vii, 31.)

(323) Exinde cœpit Jesus ostendere discipulis quia oporteret eum ire Jerosolymam, et multa pati a senioribus et scribis, et principibus sacerdotum, et occidi, et tertia die resurgere. (Marc. xv1, 21.) - Filius hominis tradendus est in manus hominum ; et occident eum, et tertia die resurget. (Marc. xvin, 21, 22.) - Et tradent eum gentibus ad illudendum et flagellandum et crucifigendum; et tertia die resurget. (Marc. xx, 19.) — Docebat autem discipulos suos, et dicebat illis : quoniam Filius hominis tra

nuit. Voilà entre les prophéties et l'accomplissement une contradiction manifeste. »

LXVIII. Ces expressions: Après trois jours et trois nuits, après trois jours, le troisième jour, étaient synonymes dans le langage ordinaire des Juifs. Nous voyons JésusChrist, annonçant sa résurrection future, se servir tantôt de l'une, tantôt de l'autre. Ici, il dit que de même que Jonas fut trois jours et trois nuits dans le ventre de la baleine, de mêmele Fils de l'homme sera trois jours et trois nuits dans le sein de la terre (321). Là, il annonce qu'il ressuscitera après trois jours (322). Dans plusieurs autres endroits il prédit qu'il ressuscitera le troisième jour (323). Les Juifs, ses ennemis, l'entendaient dans ce dernier sens; car étant allés trouver Pilate, ils lui dirent que Jésus-Christ avait dit: je ressusciterai après trois jours; et ils lui demandèrent en conséquence de faire garder le sépulcre jusqu'au troisième jour (324). Ils croyaient done que tel était le sens de la prédiction, que la résurrection s'effectuerait le troisième jour: et l'accomplissement y cadre parfaitement, Jésus-Christ, mort le vendredi, étant ressuscité le dimanche. D'après la demande des Juifs, il est clair que les gardes ne devaient rester au tombeau que jusqu'au troisième jour. Supposons, comme on le veut dans cette objection, que Jésus-Christ ne fût ressuscité qu'au bout de trois jours et trois nuits, et lorsqu'il n'y aurait plus eu de soldats au sépulcre; ce serait alors qu'on ferait valoir avec bien plus de force et de vraisemblance la fable de l'enlèvement du corps.

LXIX. On argumente aussi du scellé apposé au tombeau. « C'était une convention, entre les deux parties, en vertu de laquelle le tombeau ne devait être ouvert qu'en présence des Juifs. »

LXX. En parlant des deux parties, il faudrait spécifier quelle était celle qui traitait avec les Juifs apposeurs du scellé. Etait-ce Jésus-Christ qui était mort? Les apôtres qui étaient en fuite? L'ange qui, en ôtant la pierre, a brisé le sceau? Tout cela est absurde. La précaution du scellé était prise contre les soldats chargés de veiller à co que le tombeau ne fût pas ouvert. Si on veut que ç'ait été une convention, c'est avec eux qu'elle a été faite. Ils devaient, à la fin de leur consigne, remettre le tombeau dans l'état où on le leur confiait, c'est-à-dire muni du sceau. Eux seuls étaient responsables detur in manus hominum, et occident eum; et tertia die resurget. (Marc. 1x, 30.) — Et illudent ei, et conspuent eum, et flagellabunt eum, et interficient eum; et tertia die resurget. (Marc. x, 34.) - Quia oportet Filium hominis multa pati, et reprobari a senioribus et principibus sacerdotum et scribis, et occidi, et tertia die resurgere. (Luc. 1x, 22.) - Et postquam flagellaverint, occident eum; et tertia die resurget. (Marc. xvin, 33.)

(324) Altera autem die quæ est post parasceven, convenerunt principes sacerdotum et pharisæi ad Pilatum, dicentes: Domine, recordati sumus quia seductor ille dixit adhuc vivens: Post tres dies resurgam. Jube ergo custodiri sepulcrum usque in diem Lertium. (Matth. xxvn, 62, 63, 64.)

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