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Dissertation sur les Eglises catholique et protestante. - La même année, il donna au public une Dissertation sur les Eglises catholique et protestante, Paris, 1816, 2 vol.'in12. Une seconde édition parut en 1818. Dans ce livre de controverse, on retrouve les éminentes qualités du grand théologien: méthode parfaite, vigueur de la dialectique, propriété de l'expression, qui ne nuit pas à la noblesse du style. Les écrivains catholiques attaquent généralement la Réforme de trois manières : soit en dirigeant la discussion sur chacun des points de la doctrine, soit en comparant les communions chrétiennes an type de l'Eglise dessiné par Jésus-Christ dans l'Evangile et renfermé dans le corps entier des Ecritures, soit en étudiant la doctrine au point de vue historique, afin de juger l'arbre par ses fruits. L'une ou l'autre de ces méthodes est bonne, et conduit le catholicisme à la victoire par des chemins particuliers; mais la seconde est la voie la plus courte et la plus accessible à tous les esprits: c'est celle que M. de La Luzerne a suivie, et il résume ainsi son ouvrage : « J'ai recherché quels sont les caractères de la véritable Eglise de Jésus-Christ, des communions qui prétendent faussement l'être, et j'ai prouvé que l'Eglise romaine possède toutes ces qualités essentielles; mais que les Eglises protestantes sont dénuées de quelques-unes. J'ai fait voir que dans son Eglise, le divin fondateur a établi un tribunal chargé de décider les questions, de juger les contestations qui, dans le cours des siècles, s'élèveraient sur sa doctrine. J'ai montré qu'il a revêtu ce tribunal de son infaillibilité, afin qu'il lui fût rendu par tous les chrétiens, non-seulement un hommage extérieur de soumission et de respect, mais un assentiment intérieur de foi. » Sans doute l'auteur ne présente pas d'arguments nouveaux, ignorés de l'école; mais il le fait avec cette clarté satisfaisante et cette forme pleine de mesure qui sont le plus propres à fortifier ceux qui croient et à convertir ceux qui sommeillent dans l'erreur. M. de La Luzerne avait jugé cette publication opportune. A la faveur de la liberté des cultes et de l'influence des fausses idées philosophiques, le protestantisme pouvait faire plus aisément des dupes et des victimes. Cette dissertation complétait d'ailleurs la défense dogmatique de la religion et de l'Eglise, telle que l'auteur l'avait conçue dans le cercle de ses travaux.

Calomnie contre M. de La Luzerne. - Le croira-t-on? C'est à cette époque qu'un certain M. Durozoir, auteur d'une Vie du dauphin, père de Louis XVI, eut l'effronterie de révoquer publiquement en doute la sincérité de la foi de M. de La Luzerne, et de le ranger parmi les incrédules. M. l'abbé Huin, principal du collége de Langres, inséra, dans l'Ami de la religion, le 9 juillet, une protestation contre cette étrange et odieuse assertion : « Il serait bien singulier, disait-il, que M. de La Luzerne incrédule eût passé sa vie à réfuter les incrédules, et l'eût fait d'une manière aussi victorieuse. Cette calomnie, vous l'avez sûrement copiée de confiance sur quelques-uns des nombreux pamphlets du bon temps, qui n'avaient pour but que d'avilir la religion et de calomnier ses ministres, et surtout ceux qui, comme M. de La Luzerne, pouvaient avoir plus d'influence par leurs talents et par leurs vertus. » Mais c'est faire trop d'honneur à ce calomniateur obscur que de relever sa grossière impudence.

Pie VIi, revêtant de la pourpre romaine, à la demande du roi, le vénérable évêque de Langres, le proclamait, au contraire, une solide colonne de l'Eglise; l'éclatante couleur de cette robe était le symbole du zèle de la foi pour laquelle le nouveau cardinal avait souffert, et pour laquelle il aurait volontiers répandu jusqu'à la dernière goutte de son sang.

Réception de la barrette. - Le 7 août 1817, M. Della Porta, officier major des gardes nobles de Sa Sainteté, apporta la calotte rouge à M. de La Luzerne, au nom du Souverain Pontife. La cérémonie de la barrette, présentée par l'ablégat apostolique, M. Patrizi, eut lieu le 24 août, dans la chapelle du château; M. de La Luzerne adressa au roi ce discours:

« Sire, je viens déposer aux pieds de Votre Majesté l'hommage de ma respectueuse reconnaissance, laque le toute vive qu'elle est, ne peut jamais égaler vos bienfaits. En me faisant siéger dans sa chambre des pairs, Votre Majesté m'avait conféré la première dignité du royaume; en m'associant au sacré collége, elle m'élève à la plus haute des dignités de l'Eglise. Ce que la pourpre romaine a de plus honorable pour moi, ce qui m'oblige le plus puissamment à me défendre du sentiment de l'orgueil, c'est de me voir décoré de si grandes faveurs par celui de nos monarques qui a porté sur le trône de France le plus de lumières et de connaissances.

• Déjà, Sire, votre main religieuse relève l'Eglise gallicane du milieu de ses décombres. A votre voix les pierres du sanctuaire si longtemps dispersées, vont se réunir et recomposer l'antique édifice; la religion ne gémira plus de l'impuissance où étaient ses ponlifes de supporter le fardeau de leurs vastes diocèses; et dans peu de temps, les pontifes, libres enfin de se donner des collaborateurs, n'auront plus la douleur de voir de nombreuses populations privées, par la disette de pasteurs, des secours que la bonté divine leur destinait. L'auguste régénérateur qui rend la vie à l'Eglise, va bientôt achever de fermer toutes ses plaies. Nous n'aurons pas à le supplier de les guérir, il suffira de les lui indiquer. Il disparaîtra de nous, ce honteux scandale, que, dans le royaume très-chrétien, des hommes naissent qui ne soient pas marqués du sceau du chrétien, et qu'il s'y forme des unions que la religion n'ait pas consacrées. Toutes les conditions, tous

les âges vont recevoir les instructions que le ciel a données à la terre. La génération qui nattra sous vos lois, pénétrée de la soumission au Roi des rois, qui est le fondement de la soumission aux souverains de la terre, fera oublier les crimes, et réparera les malheurs de la génération qui l'a précédée. Le souffle de Votre Majesté dissipera l'esprit d'incrédalité qui cansa tous les maux de notre patrie. Le fils de saint Louis, héritier de sa sagesse, réalisera comme lui l'oracle de l'Esprit-Saint: Dissipat impios rex sapiens. » (Prov. xx, 26.)

Réponse du roi. - A ce discours qui renferme plus de conseils que d'éloges et plus de vœux que d'actions de grâces, le roi répondit : « Je suis très-sensible, Monsieur, aux sentiments que vous m'exprimez. La pourpre romaine sied bien à celui qui, comme saint Paul dans les liens, a employé le temps de son exil à consoler les fidèles.

«Quant à moi, Monsieur, si je vaux quelque chose, c'est que je me suis constamment appliqué à suivre les conseils que vous m'avez donnés, il y a 43 ans, en terminant l'éloge funèbre de mon grand-père. >>>

M. de La Luzerne est créé duc. - Huit jours plus tard, le 31 août, M. de La Luzerne fut élevé à la dignité de duc. Il recouvrait ainsi personnellement le titre attaché autrefois à son siége, et qu'il avait perdu par la suppression de la noblesse.

Travaux à la chambre des pairs. -- Liberté de la presse. - Ses derniers travaux à la chambre des pairs doivent être maintenant rapportés. Il fut encore président et viceprésident de plusieurs bureaux. En décembre 1817, il proposa de modifier l'année financière de manière que l'on fût dispensé de voter provisoirement, à chaque session, une partie considérable du budegt. Le 23 janvier 1818, il prit part aux débats qui s'engagèrent sur le projet de loi relatif à la liberté de la presse. L'article 24 ne réprimait que l'ou trage aux bonnes mœurs; un amendement proposait d'étendre la répression à ce qui serait impie, blasphématoire, contraire au respect dû à la Divinité et aux cultes religieux. M. de La Luzerne demanda qu'à ces derniers mots on substituat cultes chrétiens. Il lui semblait peu convenable, comme il est pratiquement impossible, que la foi prit sous sa protection et au même titre que l'Eglise et les communions chrétiennes, le judaïsme, le mahométisme, le paganisme et tous les égarements de l'esprit humain. Il suffisait que ces fausses religions fussent protégées dans ce qu'elles ont de vrai ou de commun avec le christianisme. M. l'abbé de Montesquiou fit prévaloir la simple expression de respect dû à la religion. Elle semblait, sous une dénomination générale quoiqu'un peu vague, exprimer assez l'intention de la chambre.

La question de la répression des délits de la presse s'éleva de nouveau en mai 1819. Le projet de loi ne protégeait que la morale publique, et ne faisait aucune mention de la religion. Que signifie ce mot la morale publique? Sur quoi porte précisément l'intention du législateur? Ne semble-t-on pas encourager les attaques contre la religion de l'État, contre le christianisme, en reculant devant une désignation qui ne laisserait aucun doute? MM. de Marcellus, de Fitz-James, de Bonald firent entendre de vives réclamations et l'on distribua à la chambre des pairs une déclaration signée de MM. les cardinaux de Périgord, de La Luzerne, de l'ancien évêque de Châlons, M. de Clermont-Tonnerre, et de M. Cortois de Pressigny, évêque de Saint-Malo, nommé à l'archevêché de Besançon. Ces prélats, selon leur devoir, prenaient en main la défense de la religion révélée; ils protestaient contre les commentaires qui avaient fait d'un pur déisme la base de la loi et qui avaient réduit la religion véritable, toutes les religions même à quelques sentiments de morale gravés au cœur de tous les hommes. L'article 8 ne punissait que les outrages aux mœurs et l'on avait eu bien de la peine à arracher l'insertion de la morale religieuse, addition qui, tout insuffisante qu'elle est, a été déclarée surabondante (a). L'incrédulité y avait trouvé un prétexte pour crier à l'intolérance, elle qui dans les courts moments où elle usurpa le pouvoir, avait exercé la plus atroce des persécutions. L'amendement du due de Fitz-James qui ajoutait à la morale publique la religion chrétienne ne fut pas adopté et neuf voix de majorité firent passer la loi.

Pétition en faveur des régicides. - Le 28 décembre 1819, M. de La Luzerne fut da nombre des pairs qui rejetèrent, en manifestant l'indignation la plus profonde, une pétition d'un sieur de Vincent: elle demandait avec un horrible sang froid que la chambre présentat un projet de loi tendant à faire rapporter comme inconstitutionnelle la loi du 16 janvier 1816, qui avait banni les régicides. «On ose appeler l'intérêt de la chambre, s'écriait-il, sur des hommes qui non contents d'avoir voté la mort du roi ont, après un pardon sans exemple, voté par surcroît l'exclusion perpétuelle de sa famille. »

charte.

De la contrainte par corps relativement aux pairs. - Lors de la discussion ouverte en juillet 1820, sur la contrainte par corps relativement aux membres de la pairie, discussion qui fut longue et animée, il se prononça contre la résolution qui avait pour but de les y soustraire complétement. On avait prétendu s'appuyer en cela sur l'article 34 de la Mais cet article donnait seulement à la chambre le droit de décider, en tel ou tel cas, si l'un deses membres pouvait ou non être arrêté. « La chambre, en attribuant à ses membres cette prérogative, oulrepasserait évidemment les dispositions de la charte; elle entreindrait

(4) Tout outrage à la morale publique et religieuse, ou aux bonnes mœurs, sera puni d'un empr sonnement d'un mois à un an, et d'une amende de 16 francs à 500 francs. (Art. 8).

la volonté royale qui est le titre de son existence comme la mesure de ses droits. En vain dirait-on que la déclaration proposée est conforme à l'esprit de la charte. En invoquer l'esprit c'est avouer qu'on a contre soi le texte et c'est le texte seul qui doit servir de règle, parce que seul il présente un sens fixe, tandis que l'esprit d'une loi quelconque se prête à toutes les interprétations, et peut être invoqué tour à tour avec un avantage égal par les opinions les plus opposées. Regardera-t-on le projet de résolution comme une explication de la charte? Alors je demanderai si c'est à la chambre de donner cette explication? Si ce n'est pas plutôt à l'autorité dont nous tenons la charte qu'il appartient d'éclairer les obscurités qu'on prétend y apercevoir? On a souvent invoqué dans cette discussion l'exemple de l'Angleterre. Mais il y a trop peu de rapports entre les institutions des deux pays pout qu'il soit permis de conclure de l'un à l'autre. Des différences essentielles séparent le gouvernement monarchique de la France et la constitution presque républicaine de l'Angleterre. Vouloir introduire dans l'un tous les éléments dont l'autre se compose, serait une prétention également déraisonnable et dangereuse. Quant à l'effet rétroactif de la résolution proposée, je la repousse par cette seule considération que la chambre, si elle a autorité sur les pairs, n'en a aucune sur le créancier pour le dépouiller des droits qui lui sont légitimement acquis. Je vote en conséquence le rejet de la résolution proposée. >>>

L'assemblée ordonna l'impression de ce discours dont nous avons emprunté l'analyse au Moniteur. Journalisme. On n'aurait qu'un tableau bien imparfait de l'action politique de M. de La Luzerne si l'on se contentait d'écouter sa parole à la chambre. Il se mêlait aux combats de la presse, et dans des articles qui se sentent de l'expérience et non de l'affaiblissement qu'apporte la vieillesse, il influençait l'opinion publique, devenue, hélas! la reine du monde. Il eût voulu la prémunir contre l'esprit révolutionnaire qui survivait à la révolution, minait hypocritement le trône en saluant le roi et rendait impossible la reconstruction de l'édifice social sur des fondements solides. Les journaux qui recevaient ses communications sont surtout La Quotidienne, Le Commerce, Le Défenseur, L'Ami de la Religion. Nous avons extrait de ces journaux quelques-uns des articles revêtus de la signature de leur auteur.

Opuscules politiques. - Après le retour des Bourbons en France, un grand nombre de personnes engouées de la constitution anglaise, auraient voulu qu'on la transportat en France; bien plus, elles disaient que la charte était une copie de la constitution d'Angleterre, et qu'on devait interpréter l'une par l'autre. M. de La Luzerne vit des erreurs et des dangers dans cette opinion, et en 1815 il publia un écrit intitulé: Sur la différence de la constitution française et de la constitution anglaise. Il établit d'abord que la charte est toute différente de la constitution d'Angleterre et qu'elle devait l'être. En Angleterre les chambres s'occupent des objets d'administration, tandis qu'en France au roi seul appartient le pouvoir exécutif. C'est là le point principal et essentiel des deux constitutions. Or l'étendue de la France, sa position topographique, la nature de ses relations avec les puissances étrangères, le génie, le caractère et les habitudes de ses habitants rendent cette différence indispensable.

Dans cet opuscule, M. de La Luzerne défend la prérogative royale qu'attaquaient indirectement ceux qui assimilaient la charte à la constitution anglaise; quoique bien restreinte déjà, on trouvait trop grande encore l'autorité que le roi s'était réservée en promulguant la charte, et c'est comme champion de l'autorité royale que M. de La Luzerne a pris la plume.

Par l'article 13 de la charte, le roi s'était réservé la puissance exécutive, tandis quele pouvoir législatif était partagé entre le roi et les deux chambres; on voulait que les chambres pussent aussi contrôler l'administration du roi; mais la constitution étant formelle sur ce point, ce n'était que par des voies détournées que l'opposition tendait à son but. De là l'assimilation de la constitution anglaise avec la charte; battus sur ce point, les adversaires de la royauté reviennent à leur idée fixe à l'occasion de la loi sur la responsabilité des ministres. Ils veulent que ceux-ci soient responsables devant les chambres de tous leurs actes, quels qu'ils fussent. Or, comme le roi n'exerce sa puissance exécutive que par ses ministres, l'on aurait par ce moyen soumis à la censure des chambres son administration. M. de La Luzerne découvrit le piége et, en 1816, il publia un nouvel écrit de 40 pages in-8°, où il combat avec une logique irrésistible le projet de loi sur la responsabilité des ministres, et il prouve invinciblement que les ministres ne doivent rendre compte de leurs actes administratifs qu'au roi seul; et que, conformément à l'art. 46 de la charte, ils ne peuvent être accusés devant les chambres qu'en cas de trahison ou de concussion; que le projet présenté sur la matière est inconstitutionnel et fort dange

reux.

M. de Lally-Tollendal avait pris la défense de ce même projet de loi, dans la session des chambres de 1817; M. de La Luzerne lui répondit immédiatement en reprenant, comme il en avertit lui-même, ses arguments précédents et il réfute l'orateur dans toutes ses assertions; cette matière paraît si importante à ses yeux que, la même année, il commente encore le même projet de loi en repoussant les arguments de ceux qui le soutiennent. Ces divers écrits se trouvent reproduits au tome VI de notre édition.

Suite des affaires relatives au concordat. Mais une des affaires que M. de La Luzerne avait le plus à cœur, c'était l'exécution du concordat signé le 11 juin 1817. Il y voyait la satisfaction de ses désirs pour son union définitive avec l'Eglise de Langres et pour le repos de l'Eglise gallicane. Le 5 novembre 1817, à l'ouverture des chambres, le roi fit l'annonce du concordat et d'un projet de loi qui demanderait la sanction législative à celles de ses dispositions qui en avaient besoin, d'après les lois du royaume. Cette annonce fut bien accueillie.

M. de La Luzerne et le projet de loi du 22 novembre 1817. Le 22 novembre, M. Laine, ministre de l'intérieur, déposa sans les lire, sur le bureau de la chambre des députés, le concordat et les bulles qui en étaient la conséquence, et il lut le projet de loi en onze ar ticles qui devait assurer l'exécution de la convention si impatiemment attendue (a).

Ce projet avait été délibéré par les ministres; mais M. de La Luzerne, seul des membres du clergé, avait été convoqué à leurs séances. Encore ne put-il qu'à la dernière heure prendre connaissance du texte même du projet. Il paraît que la rédaction présentée ainsi par M. Lainé n'était pas conforme à celle qui avait été adoptée. Plusieurs articles étaient passibles d'objections très-sérieuses on y disait que le roi nommait aux évêchés en vertu d'un droit inhérent à sa couronne; on y soumettait à l'approbation du roi et à la vérification des chambres les actes de la cour de Rome, regardant non-seulement les lois du pays, mais les doctrines de cette cour, etc. M. de La Luzerne crut devoir présenter au roi des observations sur la manière dont on avait procédé pour cette rédaction et sur la rédaction prise en elle-même (b).

a) Louis, etc. |

A tous présents et à venir, salut.

Nous avons ordonné et ordonnons, que le projet de loi dont la teneur suit, sera présenté à la chambre des députés, par nos ministres sécrétaires d'Etat ou département des affaires étrangères et de l'intérieur par les sieurs comte Beugnot, ministre d'Etat, et comte Portalis, conseiller d'Etat, que nous chargeous et d'en développer les motifs et d'en soutenir la discussion.

Art. 1. Conformément au concordat passé entre François Ier et Léon X, le roi seu nomme, en vertu du droit inhérent à sa couronne, aux archevêchés et évéchés, dans toute l'étendue du royaume. Les évêques et archevêques se retirent auprès du pape pour en obtenir l'institution canonique, suivant les formes anciennement étables.

Art. 2. Le concordat du 15 juillet 1801 cesse d'avoir son effet à compter de ce jour, sans que néanmoins il soit porté aucune atteinte aux effets qu'il a produits, et à la disposition contenue à l'art. 13 de cet acte, lequel demeare dans toute sa force et sa vigueur.

Art. 3. Sont érigés sept nouveaux siéges archiépiscopaux et vingt-cing nouveaux siéges épiscopaux. Deux des siéges épiscopaux actuellement existants sont érigés en archevéchés. La circonscription des cinquante siéges actuellement existants et celle des quarante-deux siéges nouvellement érigés, sont déterminées conformément aux tableaux annexés à la présente loi.

Art. 4. La dotation des évéchés et archevêchés sera prélevée sur les fonds mis à la disposition du roi, par l'art. 143 de la loi du 25 mars dernier.

Art. 5. Les bulles, brefs, décrets et autres actes émanés de la cour de Rome, ou produits sous son autorité, excepté les indults de la pénitencerie, en ce qui concerne le for intérieur seulement, ne pourront être reçus, imprimés, publiés et mis à exécution dans le royaume qu'avec l'autorisation donnée par le roi.

Art. 6. Ceux de ces actes concernant l'Eglise universelle ou l'intérêt général de l'Etat ou de l'Eglise de France, leurs lois, leur administration ou leur doctrine, et qui nécessiteraient, ou desquelles on pourrait induire quelques modifications dans la législation actuellement existante, ne pourront être reçus, imprimés, publiés et mis à exécution en France qu'après avoir été důment vérifiés par les deux chambres, sur la proposition du roi.

Art. 7. Les dits actes seront insérés au Bulletin des Lois, avec la loi ou ordonnance qui en aura autorisé la publication.

Art. 8. Les cas d'abus spécifiés en l'art. 6, et ceux de troubles prévus par l'art. 7 de la loi du 8 avril 1802, seront portés directement aux cours royales, première chambre civile, à la diligence de nos procureurs généraux, ou sur la poursuite des parties intéressées. Les cours royales statueront, dans tous les cas qui ne sont pas prévus par les Codes, conformément aux règles anciennement observées dans le royaume sauf le recours en cassation.

Art. 9. Il sera procédé conformément aux dispositions de l'art. 10, du 20 avril 1810, et des art, 479 et 180 du Code d'instruction criminelle, contre toutes personnes engagées dans les ordres sacrés, approuvées par leur évêque, qui seraient prévenues de crimes ou de délits, soit hors de leurs fonction, soit dans l'exercice de leurs fonctions.

Art. 10. Les bulles données à Rome, les 19 et 27 juillet 1817, la première contenant ratification de la convention passée, le 11 juin dernier, entre le roi et Sa Sainteté; la seconde concernant la circonscription des diocèses du royaume, sont reçues et seront publiées sans approbation des clauses, formules expressions qu'elles renferment, et qui sont ou pourraient être contraires aux lois du royaume et aux libertés, franchises et maximes de l'Eglise gallicane.

el

Art. 11. En aucun cas, lesdites réceptions et publications ne pourront préjudicier aux dispositions de la présente loi, aux droits publics des Français, garantis par la Charte constitutionnelle, aux maximes, franchises et libertés de l'Eglise gallicane, aux lois et règlements sur les matières ecclésiastiques, et aux lois concernant l'administration des cultes non catholiques.

• Donné à Paris, au château des Tuileries, le 22 jour du mois de novembre de l'an de grâce 1817 et

de notre régne le 25.

Signé Louis.

b) Observations sur la marcas suivie dans l'affaire du concordat, Paris 18117.

Attoques de l'opposition. - Le concordat, les bulles, le projet de loi étaient à peine rendus publics; on vit pleuvoir d'innombrables opuscules et articles de journaux, soit pour les mettre en pièces, soit pour les défendre. La violence de l'opposition, comme il arrive d'ordinaire, finit par se grossir de la foule des gens qui ne comprenaient rien au fond des choses, mais qui voulaient faire de l'opposition n'importe pourquoi, et le ministère chancela: il retira peu à peu le projet en ajournant les délibérations, 'en prétendant qu'il fallait amender les premières décisions et envoyer de nouveaux courriers à Rome pour mieux faire cadrer les diocèses avec les départements. On en était vers la fin de janvier 1818. « Un vide immense dans le ministère ecclésiastique s'accroissait tous les jours, et la religion restait entre deux concordats sans organisation et sans ministres(a). »

Lettre au roi. - M. de La Luzerne, comme ses collègues dans l'épiscopat, gémissait de la marche suivie dans une affaire si capitale. Au commencement.de juin 1818, M. de Périgord présenta au roi une lettre dont la rédaction est attribuée à M. de La Luzerne, et qui portait sa signature avec celles du grand aumônier, de M. le cardinal de Bausset et d'un grand nombre d'évêques (b). Elle presse ardemment le roi de déjouer les manœuvres qui

(a) Rapport de M. de Bonald, 7 mai 1821.

(b) Sire, lorsque les évêques de votre royaume voient l'Eglise gallicane réduite à l'état le plus déplorable, peuvent-ils garder le silence? Leur silence serait coupable. Nous devons à Dieu qui nous a établis les sentinelles de sa maison; nous devons à l'Eglise, dont nous sommes les défenseurs; nous devons à Votre Majesté, dont nous sommes les sujets imperturbablement fidèles, de lui faire entendre les accents de notre douleur; nous venons la supplier de petirer la religion de l'abîme où de criminelles intrigues lont plongée.

Fils de saint Louis, vous l'en retirerez: nous en avons pour premier garant cette piété dont vous ne cessez de donner des preuves publiques; nous en avons pour garant plus immédiat encore l'ardeur reli. gieuse avec laquelle vous avez travaillé à réparer les maux dont gémit l'Eglise. Des diocèses trop peu nombreux et trop vastes, qu'épuisent, sans pouvoir la satisfaire la sollicitude de leurs évêques; les paroisses, les unes absolument dénuées de pasteurs, les autres composées de plusieurs communes, et nullement ou insuffisamment desservies; l'ignorance, effet du défaut d'instruction, et cause de l'indifférence et de l'impiété; un schisme nouveau s'élevant au milieu de ces désastres, et venant y mettre le comble: toutes ces calamités accumulées sur votre royaume affligeaient le cœur de Votre Majesté, et sollicitaient votre religion d'y mettre ordre. Un concordat avec le Saint Siége concerté pendant deux ans, conelu, annoncé par Votre Majesté avec une douce satisfaction à ses deux chambres, faisait espérer la fin prochaine de ces malheurs.

A cette heureuse annonce les cœurs français se sont épanouis. Dune extrémité de la France à l'autre, tout ce qu'il y a d'hommes ayant quelque sentiment de religion, se sont écriés, comme autrefois les Juifs, lors de la restauration de leur temple: Béni soit Dieu qui a inspiré au cœur du roi la sainte pensée de rendre à la maison du Seigneur son ancienne splendeur: Benedictus Deus qui dedit in corde regis ut glorificaret domum Domini (1) Esdr. v11, 27.)

Quelle puissance a donc eu la force d'opposer un obstacle à vos pieuses intentions, et d'en arrêter l'exécution déjà commencée? D'après vos ordres, les évêques nommés par vous s'étaient rendus au pied de votre trône, pour recevoir les institutions que le Saint-Père vous avait adressées, et ils voient avec douleur se prolonger encore la vacance des siéges et les maux de la religion.

Il n'entre pas, Sire, dans l'objet de notre ministère de chercher à soulever le voile sous lequel sont cachées les manœuvres qui jusqu'ici ont arrêté l'effet de vos pieux efforts. Mais un devoir impérieux nous presse de vous demander instamment la continuation, plus nécessaire que jamais, de votre zèle: nous vous en conjurons pour la gloire de Dieu, qui est la principale sollicitude de votre cœur religieux; nous vous en conjurons au nom d'une autre gloire qui nous est infiniment précieuse et chère. A Dieu ne plaise qu'il soit dit parmi les rois d'Europe que le roi de France, donton célèbre les vastes connaissances, les vives lumières, la haute sagesse, ait traité, conclu, signé, fait connaître un concordat qu'il lui était impossible d'executer?

le

Non, Sire, son exécution n'est point impossible à votre autorité; le prétexte qu'on allègue pour prétendre n'est autre chose qu'une fausse interprétation de votre charte. Par l'art. 14, Votre Majesté s'est réservé, et il était nécessaire qu'elle se réservât le pouvoir plein et absolu de faire les traités de paix, d'alliance, de commerce; par l'article suivant elle s'est astreinte à n'exercer sa puissance législative que conjointement avec les deux chambres. Il y a des traités qui entraînent des conséquences législatives, et dont l'exécution exige un changement dans la législation. Outre le concordat de l'ordre religieux, tels sont par exemple les nouveaux traités de commerce qui, changeant les relations commerciales de la France avec les nations étrangères, nécessitent des changements dans les lois commerciales de la France. On a prétendu que toutes ces lois, nécessaires à l'exécution des traités, devaient être présentées à la libre acceptation des deux chambres, et que Votre Majesté était assujettie à ne la promulguer qu'après leur consentement.

• Si celte dangereuse interprétation pouvait être adoptée, il en résulterait qu'il est des genres de traités que, malgré la nécessité quelquefois urgente, un malgré l'art. 14 de la charte, vous ne pourriez jamais conclure. Quelle puissance étrangère voudrait faire un traité de l'exécution duquel elle ne serait pas assurée? Quel souverain consentirait à s'engager envers un roi qui serait dans l'impossibilité de s'engager vis-à-vis de lui?

Sire, seul législateur suprême de la charte que de votre pleine puissance et autorité royale vous avez accordée à votre peuple; seul par cela même vous en êtes le suprême interprète. Si quelques obscurités s'y font remarquer, c'est à vos lumières personnelles à les dissiper. Si d'apparentes contradictions présentent des difficultés, c'est à votre autorité à les concilier et à les lever; en un mot la charte fut l'expression de votre volonté; à vous seul donc il appartient de savoir et de déclarer ce que vous avez

voulu.

• Or, Sire, vous n'avez certainement pas voulu et nous osons vous de dire, vous n'avez pas pu you

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