l'on ne peut aujourd'hui alléguer d'autre fait pour combattre la résurrection, que celui qui fut avancé dans le temps, et que les chrétiens, d'une part, leurs ennemis de l'autre, ayant constamment et uniquement insisté sur leurs narrations respectives, la fausseté de l'une prouve la vérité de l'autre. Or, la fable de l'enlèvement du corps de Jésus-Christ, qui est la seule chose qu'on ait opposée anciennement au fait de la résurrection, réunit la double impossibilité et morale et physique. Il est moralement impossible que les apôtres l'aient tenté, physiquement impossible qu'ils l'aient exécuté. XXX. Je pourrais d'abord observer qu'il est déraisonnable d'imputer une action aussi hardie à des hommes aussi timides que s'étaient montrés jusque-là les apotres (275). Qu'est-ce qui aurait pu leur inspirer un courage aussi subit et aussi extravagant, précisément à la mort de leur maître? C'est déjà une première impossibilité, que des honimes faibles et laches tentent une entreprise qui va jusqu'à la témérité. Mais passons sur cette première considération; et, supposant les apôtres le contraire de ce qu'ils étaient, voyons combien. d'impossibilités ont nécessairement empêché le coup qu'on leur impute. XXXI. Le nombre seul des complices d'une telle entreprise présente une impossibilité. Quels que soient ceux des disciples que l'on voudra accuser de cet enlèvement furtif, ils ne l'ont certainement pas pu tous seuls: tous ceux qui ont déclaré avoir vu Jésus-Christ ressuscité, tant hommes que femmes, ont dû être dans leur secret; on n'aurait pas pu les engager à cette fausse déclaration, sans leur faire voir clairement qu'on était maître du corps, et qu'il ne serait jamais représenté. Est-il raisonnable d'imaginer qu'on ait pu faire à plus de cinq cents personnes une aussi périlleuse contidence? Et quand la leur aurait-on faite? Avant l'enlèvement? Mais, entre l'heure de la sépulture et celle où le tombeau s'est trouvé vide, il ne s'est pas écoulé assez de temps pour se concerter avec tant de gens, pour les persuader, pour s'assurer d'eux. Après l'enlèvement? Mais, pour exécuter un coup aussi hardi, il faut commencer par être bien sûr de tous ceux, sans exception, qu'on met dans le secret. Un seul au'on (275) Quomodo autem furentem populum sustinuissent? Si namque coryphæus ipsorum ostiariæ mulieris verbum non tulit; et si reliqui illum vinctum videntes dispersi sunt, quomodo in animum induxissent ad extrema orbis accurrere, ut fictum resurrectionis verbum plantarent? Si enim ille adversus mulieris minas non stetit, neque illi ad vinculorum conspectum; quomodo poterant adversus reges, et principes, et populos, stare, ubi gladii, sartagines, fornaces, et mille quotidie mortes, nisi ejus qui resurrexerat virtute et gratia adjuti fuissent?) (S. JOAN. CHRYS.in Matth. homil. 89, al. 90, n. 1.) 276) Si enim militibus pecuniam dederunt n'aurait pu gagner, ou qui se serait repenti, non seulement aurait détruit tout l'effet de l'entreprise, mais aurait livré les auteurs aux plus justes et aux plus rigoureux supplices. Que d'impossibilités morales dans cette supposition! Impossibilité de la confidence à tant de monde; impossibilité du consentement de tant de monde; impossibilité de la persévérance de tant de monde dans un tel complot. Que l'on considère encore que l'unique but de tous ces criminels associés aurait été de tromper tout le monde; que l'unique intérêt de chacun d'eux aurait été de découvrir le fatal secret, pour éviter le supplice qui les menaçait, et pour obtenir les récompenses qui auraient suivi la révélation (276). XXXII. C'est, dit-on, pendant le sommeil des gardes que l'enlèvement a été effectué. Des hommes endormis, voilà les seuls témoins contre les disciples! Il est physiquement impossible que, dans cet état, ils aient su ce qui avait été fait, et par qui il l'avait été. XXXIII. Pour entreprendre une action aussi hardie et aussi dangereuse, il fallait être sûr, d'abord, de trouver la totalité des gardes endormis; ensuite, de ne réveiller aucun d'entre eux, de pouvoir briser le sceau, rouler l'énorme pierre qui fermait le sépulcre, prendre le corps, se retirer en l'emportant, le tout si légèrement, si doucement, que, de tous les gardes répandus autour du tombeau, aucun n'eût été tiré de son sommeil par le mouvement et par le bruit. La tentative d'une telle entreprise par des êtres raisonnables est impossible moralement; le succès est impossible phy siquement. Ce n'était pas Pilate, c'était le sanhedrin qui avait choisi les gardes du tombeau. La Providence l'avait arrangé ainsi pour écarter tout soupçon à leur sujet. (277). lls y avaient été placés précisément parce qu'on prévoyait que les disciples de Jésus pourrajent venir enlever son corps pour publier ensuite sa résurrection. On peut juger que les chefs des Juifs avaient eu soin de pren dre les soldats les plus incorruptibles, les plus vigilants, les plus attachés à leur parli, les plus propres, en un mot, à empêcher la fraude qu'ils craignaient; on peut penser qu'ils leur avaient donné les ordres les plus positifs, la consigne la plus sévère. La mission de ces gardes était courte, elle ne Judæi ut dicerent ipsos corpus furto sustulisse: transeuntes discipuli dixissent, ipsum forati sumos; quanto non affecti fuissent honore? Ipsis itaque licebat honorari et coronari. Cur ergo contumelus aflici, et periclitari maluerunt? nisi divina quædam virtus fuisset his omnibus potentior, quæ ipsis per suaderet. (S. JOAN. CHRYS., in primam Epist. ad Cor., homil. 5, n. 4.) (277) Tu vero animadverte quomodo gestis suis ubique capiantur. Si enim Pilatum non adissent nec custodiam petiissent, facilius potuissent hæc impudenter asseverare. Nunc vero non item. item. (S. JOAN. CHRYS. in Matth., homil. 90, al. 91, n. 14 devast durer que jusqu'au troisième jour. Ainsi, ils n'avaient à passer auprès du tom beau que la journée du samedi etla nuit du dimanche. C'était surtout pendant cette nuit qu'ils devaient être sur leurs gardes, puisque c'était le temps où l'enlèvement était le plus facile. Veiller une seule nuit n'est pas une chose pénible à des hommes robustes. Il aurait même, à la rigueur, sufli qu'un d'eux restat éveillé. Espoir de la récompense, crainte du châtiment, tout les engageait à être fidèles; et cependant ils s'endorment dans cette nuit si précieuse, ils s'endorment si profondément, que le grand bruit qu'on a dû faire autour d'eux ne peut les réveiller. Il est moralement impossible de supposer un sommeil aussi général, aussi profond, avec toutes les raisons qu'ils avaient de ne pas dormir. XXXIV. La manière dont on prétend que les apôtres ont exécuté leur coup, suppose en eux deux choses contradictoires, une dextérité incroyable pour tirer subitement le corps du tombeau, et une extrême maladresse dans leurs mesures. On veut qu'ils aient perdu la nuit du vendredi au samedi, temps où il n'y avait pas encore de gardes du tombeau, et qu'ils soient venus dans la nuit suivante, lorsque le tombeau était entouré de soldats (278)! Du moment où le sépulcre a été gardé, l'enlèvement a été impossible, et c'est alors qu'on veut qu'il ait été exécuté! Il faut, de plus, dire qu'après être venus à bout de retirer le corps du tombeau, au lieu de se retirer sur-lechamp, comme ils devaient en être trèspressés, et d'emporter le corps dans l'état où il était, les disciples se sont amusés à déposer les linges, et à les remettre en ordre, et qu'ils ont perdu à cette inutile opération un temps qui devait leur être bien précieux. Ce ne sont pas encore là toutes les absurdités qu'il est nécessaire de dévorer, en soutenant la fable tissue par le sanhédrin. Si le fait est véritable, il y a deux sortes de grands coupables, les gardes et les avôtres. Voyons ce qui va leur arriver. XXXV. Les soldats conviennent et répandent qu'ils se sont laissés aller au sommeil, et qu'ils ont laissé emporter pendant ce temps le corps qu'ils étaient chargés de garder. Ils sont donc convaincus par leur propre confession d'une faute très-grave et très-punissable. On sait combien sont sévères les peines contre les militaires qui manquent à leur consigne. Nous voyons, très-peu de temps après, Hérode envoyer au supplice les soldats qu'il avait chargés de la garde de saint Pierre, parce que cet apotre avait été tiré miraculeusement de sa prison (279). L'enlèvement du corps de (278) Cur autem non prius furati sunt, sed postquant vos accesseratis? Etenim si illud facere volebant, cum nondum custodiretur sepulchrum, id in prima nocte fecissent, cum id tuto et sine periculo fieri posset. Nam sabbato accedentes custodiam a Pilato peticrunt. et custodire cœperunt Jésus-Christ était d'une bien plus grande conséquence; le délit de ses gardes bien autrement grave; l'intérêt du sanhedrin à les punir infiniment plus grand. Sa confiance trahie: l'enlèvement qu'il avait voulu prévenir, effectué; les précautions qu'il avait prises, rendues inutiles, et tout cela par le délit de ses propres satellites, devaient le pénétrer d'indignation contre eux. Il avait tout pouvoir de leur infliger un châtiment si bien mérité; et cependant il n'en fait rien, il ne leur inflige pas la plus légère punition, il ne four fait pas la moindre: réprimande. Il est encore imoralement impossible de donner à cette indulgence des chefs de la nation un motif, en continuant de les supposer convaincus de la réalité de l'enlèvement. XXXVI. Et les apotres sont encore bien plus criminels. La haine contre eux, déjà bien forte, doit être portée à son combto par ce trait de scélératesse. Les soins qu'on s'est donnés, les précautions que l'on a prises pour prévenir cet attentat, annoncont les peines terribles dont on le punira quand il aura été commis. Mais quoit on ne leur dit rien, on ne les recherche point, on ne les juge point, on ne les punit point. Que l'on nous dise ce qui a pu empêcher de les poursuivre sur un crime aussi capital, aussi intéressant pour les chefs de l'Etat, aussi important pour le maintien de la religion. Il est, nous le répétons toujours, moralement impossible d'en indiquer une autre cause, que la certitude où était le conseil de la fausseté du fait qu'il avait fait répandre, et que sa persuasion que l'enquête qu'il entreprendrait, au lieu d'inculper les apôtres, tournerait contre luimême. XXXVII. Il y a plus encore. Quelques semaines après, les apôtres annoncent hautement dans Jérusalem, à tout le peuple qui y est rassemblé, la résurrection de leur maftre. Dès leurs premières prédications, trois mille, cing mille sont convertis; de nombreuses conversions amènent chaque jour à la religion naissante de nouveaux prosélytes. Le sanhedrin commence à s'effrayer de ce prodigieux succès; il se détermine à mander les apôtres. Il va done, sans doute, s'ouvrir enfin ce procès si important entre les deux relations opposées: les apotres vont être interrogés sur le crime de l'enlèvement; l'honneur des membres du conseil, accusés de déicide, et l'intérêt de la religion ébranlée, rendent indispensable une information juridique. En convainquant les apôtres de ce fait si grave, par ce seul coup on fait tomber leur prédication, on anéantit leur parti, on ramène tous ceux qu'ils ont déjà pu séduire. Mais non, il ne Prima vero nocte nemo istorum sepulchro aderat. >> (S. JOAN. CHRVS., in Matth., homit. 90, al. 91 n. 1.) (279) Herodes, cum requisisset eum, et non invenisset, inquisitione facta de custodibus, jussit eos duci. (Act, xit, 19.) sera pas dit un mot de ce prétendu délit. Le seul reproche fait aux apôtres est de précher la résurrection. Il n'est nullement question de ce qui aurait été infiniment plus grave, de l'enlèvement du corps pour supposer la résurrection. On laisse cette accusation circuler dans le public, où elle ne peut pas être vérifiée; on ne la porte pas au tribunal qui aurait le droit, les moyens, l'intérêt de la constater. Admirons le contraste entre la manière dont les apotres soutiennent le témoignage de la résurrection, et celle dont les chefs des Juifs répandent leur récit de l'enlèvement. Les apôtres prêchent hautement en tout lieu que leur maître est ressuscité; on le leur défend, et ils le prêchent encore; on les en punit, ils continuent toujours de le prêcher. Rien ne les arrête. Devant le tribunal, dans la prison, sous les coups, ils font constamment retentir leur prédication. Le conseil des Juifs, revêtu de la puissance, ne fait pas la plus légère mention du fait de l'enlèvement. Il le fait répéter de bouche en bouche, comme un bruit populaire et vague; il n'ose pas lui donner la consistance d'une enquête, ni même celle de sa propre assertion. A cette fermeté, à cette confiance des faibles, à cette mollesse, à cette timidité des puissants, il est impossible de ne pas reconnaître, d'un côté, la certitude du fait annoncé, de l'autre, la persuasion que celui qu'on fait circuler ne soutiendrait pas l'exa men. XXXVIII. Voici un fait qui prouve plus positivement encore que le grand conseil ne croyait pas lui-même la fable de l'enlèvement. Dans une des comparutions des apotres devant cette assemblée, irrités de l'intrépide fermeté avec laquelle Pierre, à la tête de ses frères, soutenait la vérité de la résurrection, les membres du tribunal pensaient à les faire tous périr: mais un docteur de la loi, nommé Gamaliel, personnage fort considéré dans la nation, cita plusieurs exemples de partis qui, depuis peu, s'étaient d'abord élevés, et ensuite avaient été promptement dissipés. Prenez garde, dit-il, à ce que vous allez faire de ces hommes: si leur entreprise vient des hommes, elle se dissipera d'elle-même; si elle vient de Dieu, toute votre puissance ne pourra la faire échouer: craignez de vous trouver en contradiction avec Dieu. Tous les autres consentirent à ce qu'il proposait. On se contenta de défendre aux apôtres, après les avoir fait battre de verges, de parler désormais au nom de Jésus (280). Si le récit des gardes sur l'enlèvement eût été cru dans le sanhedrin, Gamaliel y eût-il opiné ainsi? S'il l'eût fait, comment sa proposition cût (280) Hæc cum audiissent dissecabantur, et cogitabant interficere illos. Surgens autem quidam in consilio pharisæus, nomine Gamaliel, legis doctor, honorabilis universæ plebi, jussit foras ad breve homines fieri; dixitque ad illos: Viri Israelitæ, attendite vobis super hominibus istis quid acuri sitis... Ει nunc itaque dico vobis: Discedite ab hominibus istis, elle été reçue? Des juges persuadés que les apôtres étaient des fourbes adroits et hardis, qui, après avoir dérobé un corps mort, publiaient sa résurrection, les auraient-ils laissé échapper de leurs mains, par la considération que leur prédication pouvait venir de Dieu? D'après ce fait, il est, nous le répétons encore, moralement impossible que celui de l'enlèvement fût cru, même de ceux qui en avaient fait répandre le bruit la ré On renouvelera peut-être ici l'objection que cette conduite du sanhedrin envers les apôtres- ne nous est connue que par les apôtres eux-mêmes. Nous répéterons la ponse que nous avons déjà donnée, que saint Luc écrivait ce fait, lorsque peut-être Gamaliel, lorsqu'au moins quelques autres membres du conseil vivaient encore. Auraitil osé devant eux écrire aussi publiquenient un fait faux qui les concernait? S'il l'avait osé, n'aurait-il pas été démenti? Si, sor les faits qu'il rapportait, il eût été contredit aussi fortement, la religion aurait-elle pu s'établir? Et s'il y avait eu une dénégation de ce fait, les écrivains des siècles suivants, ennemis du.christianisme, l'auraient sue el l'auraient rappelée. Il n'est plus permis, après dix-huit siècles, de venir nier ce qui a été cru, dans le temps, de tous ceux qui étaient intéressés soit à le soutenir, soit à le contester. La narration des Juifs, sur l'enlèvement du corps de Jésus-Christ, est donc aussi évidemment fausse que le témoignage da ses disciples sur sa résurrection est évidemment vrai; ce qui forme de la résurrection deux démonstrations, l'une et l'autre complètes, et qui se donnent encore réciproquement une grande force. Reprenons les en peu de mots. XXXIX. Les témoins de la résurrection n'étaient ni des visionnaires et des insensés, ni des fourbes et des scélérats. Ce n'est pas sur des ouï-dire qu'ils parlent: ce qu'ils annoncent, ils l'ont vu, entendu, touché, non pas une fois, mais à plusieurs reprises, et pendant quarante jours consécutifs. Ils publient la résurrection dans le temps, dans le lieu où elle vient de s'opérer, au milieu d'une multitude nombreuse, à la face de tous les hommes puissants qu'ils accusaient hautement de déicide, et qui, à un intérêt majeur de les punir, joignaient les moyens les plus faciles. Il est impossible qu'un si grand nombre d'hommes se soient concertés pour un mensonge auquel ils n'avaient pas d'intérêt; plus impossible encore que, dispersés dans différents pays, ils ne so fussent jamais ou coupés eux-mêmes, ou contredits entre eux sur un fait faux ou sur et sinite illos : quoniam si ex hominibus consilium est hoc aut opus, dissolvetur, si vero ex Deo est, no poteritis dissolvere illud, ne forte et Deo repugnare inveniamini. Consenserunt autem illi; et convocantes apostolos, cæsis denuntiaverunt ut ne oninino loque rentur in nomine Jesu, et diniserunt eos. (Acl. v, et seq.) ses circonstances; souverainement impossible que tous, sans exception, eussent soutenn invariablement une imposture au milieu des contradictions, des persécutions, des humiliations, des tortures, sachant qu'une rétractation les délivrerait de leurs maux affreux, et leur procurerait de grands biens. On n'a pu dans le temps, et on ne peut encore aujourd'hui combattre leur téincignage qu'à l'aide d'une fable mal tissue, dont les témoins avouent qu'ils étaient endormis. Jamais, avec la plus légère dose de sens commun, les apôtres n'auraient imaginé de tenter le crime dont on les accuse : jamais, timides comme ils l'étaient, ils ne lauraient osé; en eussent-ils eu l'extravagante témérité, jamais ils n'eussent pa l'effectuer. Leurs juges, qui étaient en même temps leurs ennemis, n'ont osé punir ni eux de l'avoir commis, ni leurs soldats de l'avoir laissé commettre contre leur consigne. Ils ne l'ont pas mème publiquement reproché. Ils se sont même arrêtés sur la représentation que le témoignage pouvait venir de Dieu. Quel fait dans l'histoire des siècles réunit autant de motifs de certitude? Y en a-t-il un, même des plus indubitables, dont on puisse comparer l'évidence à celle de la résurrection? faits ou des particularités dont l'autre ne parle pas (282). Si on admettait cet extraordinaire principe, il ne faudrait rien croire en fait d'histoire. Rappelons-nous ce qui a été dit ailleurs, que l'objet des évangélistes était d'écrire non une histoire suivie de Jésus-Christ, mais des mémoires sur sa vie (283). Il y a, en conséquence, de la variété dans leurs récits, les uns rapportant des faits que les autres omettent, ceux-ci racontant après co que les autres ont raconté auparavant. C'est surtout dans la partie de l'histoire sainte qui suit la mort de Jésus-Christ, que l'on remarque ces différences. Les évangélistes rapportent les faits d'une manière très-concise. Quelle en est la raison? Nous l'ignorons. Il paraît qu'ils se sont principalement attachés à rapporter la manière dont la certitude de la résurrection est venue d'abord aux saintes femmes, et ensuite aux apôtres qui avaient peine à y croire. Il résulte effectivement, de cette manière de raconter, quelque confusion dans les récits. Mais cet embarras doit-il empêcher de les croire? Je prétends, au contraire, qu'il confirme la vérité de leur récit. Si les évangélistes avaient été des trompeurs, ils se seraient gardés de ces variétés: rien ne leur était plus aisé, puisqu'ils écrivaient à quelques années de distance les uns des autres. Ces diversités montrent leur sincérité; et puisqu'on les explique et qu'on les concilie parfaitement, il est impossible de les opposer à leur récit. Rapprochons, pour faire cette conciliation, leurs quatre narrations. XL. Passons maintenant à l'examen des difficultés qu'élèvent les incrédules de nos jours, pour énerver la force de nos démonstrations. « Ils objectent d'abord l'embarras, la confusion, les contradictions même, disent-ils, qui se trouvent dans les récits des évangélistes, comparés les uns aux autres. Celui-ci rapporte des apparitions dont celui-là ne parle pas; ils varient tellement dans les circonstances, qu'on ne peut les faire cadrer entre elles. Il y en a même de rapportées par tel évangéliste, qui dé-l'ayant obtenu, il l'enveloppa d'un linceul, truisent celles qui sont racontées par les autres. Quelle foi, disent les déistes, peuton ajouter à une histoire si mal arrangée?>>> XLI. Nous discuterons dans un moment, en détail, les diverses objections sur le récit des apparitions; mais il est bon de faire auparavant quelques observations. On ne peut pas dire qu'il y ait de la contradiction entre les évangélistes, parce que les uns rapportent des apparitions et des circonstances que les autres passent sous silence (281). Il n'est jamais venu à l'esprit de qui que ce soit que deux historiens se contredisent, parce que l'un mentionne des (281) Multis modis Dominus Jesus post resurrectionem apparuit fidelibus suis. Habuerunt unde scriberent omnes evangelistæ, sicut eis subministrabat spiritus recordationis rerum quas scriberent. Alius aliud dixit, alius aliud. Prætermittere aliquis potuit aliquid verum; non dicere aliquid falsum. (S. AUG., serm. 246, De festis Pasch. 17 al. 19, п. 1.) (282) Si contraria, inquit, inter se scripta eorum reperiuntur, maligni malo studio legitis, stulti non intelligitis, cæci non videtis... Quis enim unquam duos historicos legens de una te scribentes, utrumque, aut utrumlibet eorum, aut fallere, aut falli arbitratus est; aut si alter aliquid brevius XLII. Jésus-Christ étant mort le vendre di, vers la neuvième heure (284), c'est-àdire environ à midi, Joseph d'Arimathie vint le soir demander son corps à Pilate, et le plaça dans un tombeau neuf, taillé dans le roc, et mit une pierre sur l'ouverture du tombeau (285). Marie-Madeleine, et une autre Marie, que saint Marc dit être mère de Joseph, et, selon saint Luc, les femmes qui avaient suivi Jésus depuis la Galilée, vinrent reconnaître le tombeau et observer la manière dont avait été placé le corps (286). Ensuite elles retournerent, afin de préparer des parfums pour l'embaumer; mais elles se tinrent tranquilles, selon le précepte, tout le lendemain, qui était le jour du sabbat (287). Nicodème vint alors, soit qu'il n'eût pas osé venir plus tôt par la crainte complexus est, eamdem tamen sententiam salvanı integramque custodiens, alter autem tanquam membratim cuncta digressit, et non solum quid factum sit, verum etiam quemadmodum factum sit intimaret. (S. AUGUST., contra Faust., lib. xxxmm, сар. 7). 46. (283) Voyez première dissertation, n. LIX. (284) Matth. XXVII, 46; Marc. xv, 34: Luc. XXIII (285) Matth. xxvii, 57 et seq.; Marc. xv, 12 et seq.; Luc. xxim, 42 et seq.; Joan. xix, 38. (286) Matth. XXVII, 61; Mare. Av, 47; Luc. xxін, 45. (287) Luc. xx, 56. à Jo des Juifs, étant disciple de Jésus seulement en secret, soit qu'il lui eût fallu ce temps pour préparer cent livres de myrrhe et d'alees qu'il apportait; et s'étant joint seph d'Arimathie, ils embaumèrent avec ces aromates le corps de Jésus, l'enveloppèrent de linges, selon la coutume des Juifs, et le remirent dans le tombeau (288). Voilà tout ce qui se passa le vendredi après la mort de Jésus-Christ. Le lendemain, qui était le jour du sabbat, les chefs des prêtres allèrent demander à Pilate une garde pour empêcher qu'on ne vint enlever le corps de Jésus-Christ. Pilate leur ayant dit de garder le corps comme ils l'entendraient, ils placèrent des gardes auprès du tombeau, et apposèrent le scellé sur la pierre qui le couvrait (289). Selon quelques interprètes, le soir de ce même jour, d'après noire manière de compter, lequel dans celle des Juifs était le commencement ncement du dimanche, lorsqu'il faisait encore clair, deux saintes femmes, Marie-Madeleine et une autre Marie, vinrent voir le sépulcre (290). D'autres interprètes, entendant autrement l'expression de saint Matthieu, disent que ce fut au point du jour du dimanche que ces deux femmes allèrent au tombeau; et dans leur interprétation, la visite rapportée par saint Matthieu est la même que celle dont les autres évangélistes font mention, et dont nous allons parler. Nous n'avons pas ici à examiner cette question qu'agitent les commentateurs, et qui est indifférente à celle que nous discutons contre les incrédules. Le jour du sabbat étant passé, Marie-Madeleine, Marie, mère de Jacques, et Salomé, achetèrent des parfums, dit saint Marc, pour embaumer Jésus; et le dimanche de grand matin, elles vinrent au tombeau, le soleil étant déjà levé (291). Saint Luc ne nomme pas ces femmes: il dit que celles qui étaient venues de Galilée avec Jésus vin rent au tombeau à la pointe du jour, portant les parfums qu'elles avaient préparés (292). Saint Jean ne fait mention que de Marie-Madeleine, et dit qu'elle vint lorsqu'il faisait encore nuit (293). Le long de la route, ces femmes, embarrassées, se demandaient entre elles: Qui est-ce qui ôtera la grosse pierte qui ferme le sépulcre (294)? Mais en arrivant, elles trouvèrent que la pierre avait été ôtée (295). Il était survenu un grand événement, qui n'est rapporté que par saint Matthieu. Un tremblement de terre s'était fait sentir auprès du tombeau; un ange avait écarté la pierre, et s'était assis dessus; son regard était semblable à l'éclair, et ses vêtements brillants comme (288) Joan. xix, 59 et seq. (289) Matth. xxvii, 61 et seq (290) Matth. XXVIII, 4. (291) Marc. xvi, 1. (292) Luc. xxiv, 1. (293) Joan. xx, 1. (294) Marc, xvi, 3, 4. (295) Marc. xvi, 4; Luc. xxiv, 2; Joan. xx, 1. (296) Matth. xxviit, 2 et seq. la neige. Cet aspect épouvanta es gardes qui restèrent d'abord comme morts (296). Ils s'enfuirent bientot après, et quelquesuns d'entre eux allèrent dans la ville rapporter aux princes des prêtres ce qui s'était passé, et en reçurent de l'argent pour publier que les disciples étaient venus pendant leur sommeil enlever le corps (297). Ainsi les saintes femmes ne trouvèrent plus ni la pierre sur le tombeau, ni les gardes auprès. Il paraît, par le récit de saint Jean, que Marie-Madeleine, à cette vue, ne se donna pas le temps d'examiner le sépulcre, et courut sur-le-champ trouver saint Pierre et saint Jean, auxquels elle dit: Ils ont enlevé le Seigneur du tombeau, el nous ne savons pas où ils l'ont mis (298). Saint Marc et saint Luc rapportent que les autres femmes entrèrent dans le tombeau et n'y trouvèrent pas le corps; mais elles virent, selon saint Matthieu et saint Marc, un ange; selon saint Luc, deux anges qui leur dirent de n'avoir pas peur, leur annoncèrent que Jésus était ressuscité, et les chargèrent d'en faire part aux apôtres, en leur recommandant d'aller en Galilée, où ils le verraient, ainsi qu'il le leur avait prédit (299). Saint Matthieu et saint Luc disent que ces femmes coururent sur-le-champ raconter la chose aux apôtres. Saint Mare dit qu'elles n'en dirent rien à personne (300). Cependant saint Pierre et saint Jean, sur le rapport de Madeleine, coururent au sé pulcre: ils y entrèrent l'un après l'autre, trouvèrent les linges déposés, el le suaire qui couvrait la tête, plié à part, dans un autre endroit, et ils s'en retournèrent (301). Madeleine qui les avait suivis, mais qui n'avait pas couru aussi vite, resta auprès du sépulcre, pleurant. En regardant dedans, elle vit deux anges qui lui demandèrent le sujet de ses larmes; elle répondit que c'était l'enlèvement de son maître. En disant ces paroles, elle se retourna, peutêtre à causé de quelque bruit qu'elle entendit, et aperçut un homme qu'elle prit d'abord pour un jardinier, mais qui se fit reconnaître pour Jesus lui-même, et elle alla aussitôt raconter aux apôtres qu'elle avait vu le Seigneur, et ce qu'il lui avait dit (302). Saint Marc ditique ce fut là la première apparition de Jésus ressuscité (303). Pendant que cela se passait, les autres saintes femmes, dont Madeleine s'était séparée, et qui retournaient à la ville, partagées entre la frayeur que leur avait causée vue de l'ange, et la joie que leur inspirait la nouvelle qu'il avait annoncée, eurent aussi le bonheur de voir sur le chemin Jésus Christ qui leur parla, et à qui elles baisèrent la |