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Je connois sa tendresse, il la faut prévenir,
Et ne lui point laisser le temps du repentir.
Qu'après Rome menace, & que Varus foudroïe,
Leur courroux passager troublera peu ma joïe.
Mes plus grands ennemis ne sont pas les Romains.
Mariamne en ces lieux est tout ce que je crains.
Il faut que je perisse, ou que je la prévienne,
Et si je n'ai la tête, elle obtiendra la mienne.
Mais Varus vient à nous; il le faut éviter.
Zarès à mes regards devoit se presenter.
Je vais l'attendre, allez, & qu'aux moindres allarmes
Mes Soldats en secret puissent prendre les Armes.

SCENE II.

VARUS, ALBIN, MAZAEL, Suite de Varus.

VARUS.

Salome & Mazael femblent füir devant moi.

Dans leurs yeux étonnez, je lis leur juste effroi :

Le crime à mes regards doit craindre de paroître.
Mazael, demeurez: Mandez à votre Maître,
Que ses cruels desseins sont déja découverts:
Que son Ministre infâme est ici dans les fers;
Et que Varus peut être au milieu des supplices,
Eût dû faire expirer ce monftre...& fes complices.
Mais je respecte Herode affez pour me flater,
Qu'il connoîtra le piege où on veut l'arrêter,
Qu'un jour il punira les traîtres qui l'abusent,
Et vengera sur eux la vertu qu'ils accusent.
Vous, si vous m'en croïez, pour lui, pour son honneur
Calmez de ses chagrins la honteuse fureur;
Ne l'empoisonnez plus de vos lâches maximes:
Songez que les Romains font les vengeurs des crimes,
Que Varus vous connoît, qu'il commande en ces lieux;
Et que sur vos complots il ouvrira les yeux.
Allez, que Mariamne en Reine soit servie
Et respectez ses loix si vous aimez la vie.

MAZAEL.

Seigneur...

VARUS.

Vous entendez mes ordres absolus,

Obéïssez, vous dis-je, & ne repliquez plus.

A

SCENE. III.

VARUS, ALBIN.

VARUS.

Insi donc fans tes soins, sans ton avis fidele
Mariamne expiroit sous cette main cruelle ?

ALBIN.

Le retour de Zarès n'étoit que trop suspect,
Le soin misterieux d'éviter votre aspect,

Son trouble, son effroi fut mon premier indice.

VARUS.

Que ne te dois-je point pour un si grand service !
C'est par toi qu'elle vit : c'est par toi que mon cœur
A goûté, cher Albin, ce solide bonheur,
Cebien si précieux pour un cœur magnanime,

D'avoir pû secourir la vertu qu'on opprime.

ALBIN.

Je reconnois Varus à ces soins genereux.

Votre bras fut toûjours l'appui des malheureux.

Quand de Rome en vos mains vous portiez le Tonnere,

Vous étiez occupé du bonheur de la Terre.

Puiffiez-vous seulement écouter en ce jour,
Votre noble pitié plûtôt que votre amour.
VARUS.

Ah! faut-il donc l'aimer pour prendre sa défense?
Qui n'auroit comme moi chéri son innocence?

Quel cœur indifferent n'iroit à son secours?
Et qui pour la sauver n'eût prodigué ses jours ?

ALBIN.

Ainsi l'amour trompeur dont vous sentez la flame, Se déguise en vertu pour mieux vaincre votre ame ;

Et ce feu malheureux...

VARUS.

Je ne m'en défends pas.

L'infortuné Varus adore ses appas.

Je l'aime, il est trop vrai, mon ame toute nuë,

Ne craint point, cher Albin, de paroître à ta vûë:

Juge si son péril a dû troubler mon cœur!

Moi qui borne à jamais mes vœux à son bonheur,
Moi qui rechercherois la mort la plus affreuse,
Si ma mort un moment pouvoit la rendre heureuse.

ALBIN.

Seigneur, que dans ces lieux ce grand cœur eft changé !

Qu'il venge bien l'amour qu'il avoit outragé !
Je ne reconnois plus ce Romain si severe,

Qui parmi tant d'objets empressez à lui plaire,

N'a jamais abaissé ses superbes regards,

Sur ces beautez que Rome enferme en ses Remparts.

:

VA'R US.

Ne t'en étonne point; tu sçais que mon courage
A la seule vertu réserva son hommage.

Dans nos murs corrompus ces coupables beautez,
Offroient de vains attraits à mes yeux révoltez.
Je fuïois leurs complots, leurs brigues éternelles,
Leurs amours passagers, leurs vengeances cruelles.
Je voïois leur orgueil accru du déshonneur,
Se montrer triomphant fur leur front fans pudeur.

F

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