Images de page
PDF
ePub

L'altiere ambition, l'interet, l'artifice;

La folle vanité, le frivole caprice,

Cheż les Romains séduits prenans le nom d'amour;

Gouverner Rome entiere, & regner tour à tour.
J'abhorrois, il est vrai, leur indigne conquête,
A leur joug odieux je dérobois ma tête ;
L'amour dans l'Orient fut enfin mon vainqueur.
De la triste Syrie établi Gouverneur,
J'arrivai dans ces lieux, quand le droit de la Guerre ;
Eût au pouvoir d'Auguste abandonné la Terre ;
Et qu'Herode à ses pieds au milieu de cent Rois
De fon fort incertain vint attendre des loix.
Lieu funeste à mon cœur ! malheureuse contrée!
C'est là que Mariamne à mes yeux s'est montrée :
L'Univers étoit plein du bruit de ses malheurs.
Son parricide Epoux faisoit couler ses pleurs.
Ce Roi fi redoutable au reste de l'Asie,
Fameux par ses Exploits & par sa jalousie,
Prudent, mais soupçonneux, vaillant, mais inhumain,
Au sang de son beau-pere avoit trempé sa main.
Sur ce Trône sanglant il laissoit en partage

A la fille des Rois la honte & l'esclavage.

Du

Du fort qui la poursuit tu connois la rigueur.
Sa vertu, cher Albin, surpasse son malheur.
Loin de la Cour des Rois la verité profcrite,
L'aimable verité sur ses levres habite.
Son unique artifice est le soin genereux,
D'affûrer des secours aux jours des malheureux.
Son devoir est sa loi, sa tranquilleinnocence
Pardonne à ses Tyrans, méprise sa vengeance,
Et près d'Auguste encore implore mon appui,
Pour ce barbare Époux qui l'immole aujourd'hui.
Tant de vertus enfin, de malheurs & de charmes
Contre ma liberté sont de trop fortes armes.
Je l'aime, cher Albin, mais non d'un fol amour,
Que le caprice enfante & détruit en un jour :
Non d'une passion que mon ame troublée
Reçoive avidement par l'espoir aveuglée.
Ce cœur qu'elle a vaincu sans l'avoir amoli,
Par un amour honteux ne s'est point avili.
Et plein du noble feu que sa vertu m'inspire,
Je prétends la venger & non pas la séduire.

B

ALBIN.

Mais si le Roi, Seigneur, a fléchi les Romains,

S'il rentre en ses Etats...

VARUS.

Et c'est ce que je crains.

Hélas! près du Senat je l'ai servi moi-même.
Sans doute il a déja reçû son diadême !
Et cet indigne Arrêt que sa bouche a dicté,
Est le premier essai de fon autorité.

Ah! fon retour ici lui peut être funefte.

Mon pouvoir va finir, mais mon amour me reste. Reine pour vous deffendre on me verra perir. L'Univers doit vous plaindre, & je dois vous servir.

[blocks in formation]
[blocks in formation]

Zarès fut sur les eaux trop long-temps arrêté
La Mer alors tranquille à regret l'a porté.

Mais Herode en partant pour son nouvel empire,

Revôle avec les vents vers l'objet qui l'attire.

Et les Mers & l'amour, & Varus & le Rof,
Le Ciel, les Elemens, sont armez contre moi.

Fatale ambition que j'ai trop écoutée,

Dans quel abîme affreux m'as-tu précipitée !

Je vous l'avois bien dit, que dans le fonds du cœur

Le Roi se repentoit de sa juste rigueur.

De fon fatal penchant l'ascendant ordinaire,

A révoqué l'Arrêt dicté dans sa colere.
J'en ai déja reçû les funestes avis.

Et Zarès à fon Roi renvoïé par mépris,
Ne me laisse en ces lieux qu'une douleur fterile,
Qu'un opprobre éternel, & qu'un crime inutile.
Déja de ma Rivale adorant la faveur,
Le Peuple à ma disgrace insulte avec fureur.
Je verrai tout plier sous sa grandeur nouvelle,
Et mes foibles honneurs éclipsez devant elle.
Mais c'est peu que sa gloire irrite mon dépit ;
Ma mort va signaler ma chûte & son crédit.,
Je ne me flatte point: je sçais comme en sa place
De tous mes ennemis je confondrois l'audace.
Ce n'est qu'en me perdant qu'elle pourra regner;
Et fon juste courroux ne doit point m'épargner.

4

« PrécédentContinuer »