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Cependant! ô crainte! ô comble d'infamie !
Il faut donc qu'à ses yeux ma fierté s'humilie!
Je viens avec respect essuïer ses hauteurs,
Et la feliciter sur mes propres malheurs.

MAZAE L.

Contre elle encore, Madame, il vous reste des armes.

J'ai toûjours redouté le pouvoir de ses charmes :
J'ai toûjours craint du Roi les sentimens secrets.
Mais si je m'en rapporte aux avis de Zarès,
La colere d'Herode autrefois peu durable,
Est enfin devenue une haineimplacable.
Il déteste la Reine, il a juré sa mort:
Et s'il suspend le coup qui terminoit son fort,
C'est qu'il veut ménager sa nouvelle puissance :
Et lui-même en ces lieux affürer sa vengeance.
Mais soit qu'enfin son cœur en ce funeste jour,
Soit aigri par la haine, ou fléchi par l'amour,
C'est assez qu'une fois il ait proscrit sa tête.
Mariamne aifément grossira la tempête:
La foudre gronde encor : un Arrêt si cruel,

Va mettre entr'eux, Madame, un divorce éternel.

Vous verrez Mariamne à soi-même inhumaine,
Forcer le cœur d'Herode à ranimer sa haine;

Irriter son Epoux par de nouveaux dédains,

Et vous rendre les traits qui tombent de vos mains.

De sa perte en un mot, reposez-vous sur elle.

SALOME.

Non, cette incertitude est pour moi trop cruelle.
Non, c'est par d'autres coups que je veux la frapper:
Dans un piege plus sûr, il faut l'enveloppet.
Contre mes ennemis mon interêt m'éclaire.
Si j'ai bien de Varus observé la colere;
Ce transport violent de son cœur agité,
N'est point un simple effet de generofité.
La tranquille pitié n'a point ce caractere.
La Reine a des appas, Varus a pû lui plaire.
Ce n'est pas que mon cœur injuste en son dépit,
Dispute à sa beauté cet éclat qui la suit:

Que j'envie à ses yeux le pouvoir de leurs armes,
Ni ce flateur encens qu'on prodigue à ses charmes.
Quelle goûte à loisir ce dangereux bonheur.
Moi, je veux de mon Roi partager la grandeur

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ر

Je veux qu'à mon parti la Cour se réünisse,
Que sous mes volontez tout tremble, tout fléchiffe;

Voilà mes interêts & mes vœux affidus.

Vous, observez la Reine, éxaminez Varus, Faites veiller sur eux les regards mercenaires, De tous ces délateurs aujourd'hui nécessaires Qui vendent les secrets de leurs Concitoyens., Et dont cent fois les yeux ont éclairé les miens. Mais, la voici. Pourquoi faut-il que je la voïe!

SCENE II.

MARIAMNE, ELIZE, SALOME,

MAZAEL, NABAL

SALOME.

J

Eviens auprès de vous partager votre joïe;

Rome me rend un Frere, & vous rend un Epoux,

Couronné, tout-puiffant, & digne enfin de vous..

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Son amour méprisé, son trop de défiance,
Avoit contre vos jours allumé sa vengeance.
Mais ce feu violent s'est bien-tôt confumé.

L'amour arma son bras, l'amour l'a desarmé.
Ses triomphes paffez, ceux qu'il prépare encore,
Ce titre heureux de grand, dont l'Univers l'honore,
Les droits du Senat même à ses soins confiez,
Sont autant de presens qu'il va mettre à vos pieds.
Possedez désormais fon ame & son empire :
C'est ce qu'à vos vertus mon amitié defire.
Et je vais par mes soins ferrer l'heureux lien,
Qui doit joindre à jamais votre cœur & le sien.

MARIAMNE.

Je ne prétends de vous, ni n'attends ce service.
Je vous connois, Madame, & je vous rends justice,
Je sçai par quels complots, je sçai par quels détours,
Votre haine impuissante a poursuivi mes jours.
Jugeant de moi par vous, vous me craignez, peut-être
Mais vous deviez du moins apprendre à me connoître.
Ne me redoutez point; je sçais également
Dédaigner votre crime, & votre châtiment.

J'ai vu tous vos desseins, & je vous les pardonne. C'est à vos seuls remords que je vous abandonne :

Si toutefois après de si lâches efforts,

Un coœur comme le vôtre écoute des remords,

SALOME.,

Je n'ai point merité cette injuste colere.

Ma conduite, mes soins, & l'aveu de mon Frere,

Contre tous vos soupçons vont me justifier

MARIAMNE.

Je vous l'ai déja dit, je veux tout oublier,
Dans l'état où je suis, c'est assez pour ma gloire :

Je puis vous pardonner, mais je ne puis vous croire.

MAZAEL.

J'ose ici, grande Reine, attester l'Eternel,

Que mes soins à regret...

MARIAMNE.

Arrêtez, Mazael.

Vos excuses pour moi sont un nouvel outrage.
Obéïffez au Roi, voilà votre partage,

A mes Tyrans vendu, servez bien leur couroux,

Je ne m'abaisse pas à me plaindre de vous.

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